Escalade des tensions entre les Etats-Unis et les Houthis en mer Rouge : quel impact sur l’économie mondiale ?

Les attaques des Houthis en mer Rouge perturbent le commerce maritime mondial depuis novembre. Et les inquiétudes montent quant aux conséquences possibles sur l'économie mondiale si ces incidents persistent dans les mois à venir. D'autant que les tensions se sont exacerbées dans la région depuis les frappes occidentales au Yémen.
Depuis quelques semaines, la mer Rouge est devenue le théâtre des multiples attaques menées par les Houthis, les rebelles du Yémen, à l'encontre de navires commerciaux (photo d'illustration).
Depuis quelques semaines, la mer Rouge est devenue le théâtre des multiples attaques menées par les Houthis, les rebelles du Yémen, à l'encontre de navires commerciaux (photo d'illustration). (Crédits : AMR ABDALLAH DALSH)

Depuis le mois de novembre, dans la foulée de l'attaque du Hamas contre Israël, la mer Rouge est devenue le théâtre des multiples attaques menées par les Houthis, les rebelles du Yémen, à l'encontre de navires commerciaux. Des incidents qui perturbent le commerce maritime mondial. Même si les conséquences économiques restent pour le moment limitées à l'échelle de la planète, l'escalade des tensions dans la zone fait monter le degré d'inquiétude, notamment après les premières frappes britanniques et américaines sur des positions houthies au Yémen ces derniers jours.

Des attaques qui, pour l'heure, n'empêchent pas les Houthis de continuer de frapper les navires commerciaux liés, selon eux, à Israël : un navire marchand américain a, en effet, été touché ce vendredi. Le groupe, reconnu désormais comme entité « terroriste » par Washington, a également annoncé garantir « un passage sécurisée » aux navires chinois et russes. De quoi alimenter les tensions politiques entre les blocs sur une zone sensible pour l'économie mondiale.

D'autant plus que des entreprises se trouvent déjà affectées par des retards de livraisons. Tesla a été le premier constructeur la semaine dernière à suspendre pendant deux semaines son usine européenne. Volvo a également annoncé fermer une usine en Belgique pendant trois jours en raison d'un manque de boîtes de vitesses. Fin décembre, le géant suédois du meuble Ikea prévenait, lui, de l'absence probable de certains produits en provenance d'Asie dans ses rayons.

Armés de drones, les Houthis disent agir en soutien aux Palestiniens de Gaza depuis le conflit qui a éclaté avec Israël le 7 octobre dernier. Ils visent principalement les navires de commerce transitant notamment par le détroit de Bab el-Mandeb. Ce point de passage stratégique, positionné juste en face du Yémen, permet de rejoindre l'Océan Indien, via le golfe d'Aden à la mer Rouge. Les navires doivent donc l'emprunter pour rejoindre le canal de Suez, par lequel sont passés près de 25.000 navires rien qu'en 2022, soit 68 par jour, selon les chiffres de l'Autorité du canal. La mer Rouge concentre ainsi près de 12% du commerce maritime mondial. Une route essentielle pour les navires, notamment ceux transitant entre l'Asie et l'Europe.

Un détour qui coûte cher

En conséquence des attaques, plusieurs compagnies pétrolières et maritimes ont décidé de dérouter certains de leurs navires pour une durée temporaire. C'est notamment le cas de BP, Shell, QatarEnergy ou encore Maersk, Hapag-Lloyd et CMA CGM (propriétaire de La Tribune). Un détour qui les oblige à passer par le cap de Bonne-Espérance, au sud de l'Afrique. Pour preuve, au cours des 10 jours ayant précédé le 7 janvier, le volume du commerce maritime transitant par le détroit de Bab el-Mandeb a décliné de 53% en glissement annuel, d'après les chiffres d'Allianz Trade. La baisse est de 30% concernant les navires commerciaux passant par le canal de Suez et de 19% pour les tankers, sur cette période. Le nombre de navires commerciaux transitant par le cap de Bonne-Espérance a, en revanche, augmenté de 66% et les tankers de 65%.

Mais un tel crochet par le Sud de l'Afrique ajoute en moyenne une semaine pour les porte-conteneurs et près de deux semaines pour les pétroliers et gaziers, et revient de ce fait plus cher. Des conditions qui obligent les transporteurs à relever leurs tarifs à l'image de MSC ou encore CMA CGM. Les prix du fret ont commencé à augmenter dès novembre dernier après les premières attaques et ont même grimpé de 240% début janvier, précise Allianz Trade dans sa note.

« Pour l'instant, l'impact de cette situation reste modéré. Même si le coût du fret maritime a fortement augmenté depuis novembre 2023 et le début des attaques, il n'atteint que le quart du pic observé en 2021. Toutefois, si les attaques devaient se prolonger au-delà du premier semestre 2024, l'impact sur les chaînes d'approvisionnement pourrait être bien plus important », souligne Ano Kuhanathan, responsable de la recherche sectorielle chez Allianz Trade.

De quoi peser sur l'inflation. En effet, un doublement des coûts du fret maritime impliquerait une hausse des prix de 0,7 point en Europe et aux Etats-Unis, pointe la note d'analyse Allianz Trade publiée la semaine dernière, entraînant une baisse de 0,9 point de croissance du Produit intérieur brut (PIB) pour l'Europe et de 0,6 point pour le pays de l'Oncle Sam.

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Inquiétudes autour de l'énergie

Outre les marchandises, c'est la possible augmentation des prix de l'énergie qui découle de cette situation.

« Ce qui se passe en mer Rouge semble, pour l'instant, ne pas avoir de conséquences sur les prix de l'énergie et l'inflation. Mais nous pensons qu'il faut surveiller cela de très près, car ces conséquences pourraient se matérialiser dans les semaines à venir », a notamment prévenu lundi le commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni.

Car une partie non négligeable du pétrole et du gaz circule par la mer Rouge, située non loin du golfe Persique. Pour le seul premier semestre 2023, environ 12% du total du pétrole négocié pour le commerce maritime et près de 8% du commerce mondial de gaz naturel liquéfié (GNL) ont transité par cette zone au premier semestre 2023, selon l'agence d'information sur l'énergie des États-Unis,

Or, les attaques rendent nerveux les marchés. Les prix du pétrole et du gaz ont ainsi augmenté au fil des semaines en fonction de la situation en mer Rouge. Ainsi, entre le 17 et le 22 novembre, soit après les premières attaques houthies, le prix du Brent a augmenté de 2%, d'après la note d'Allianz Trade. Les prix du gaz naturel en Europe ont, eux, pris 3,6%. Le Premier ministre du Qatar a également averti mardi lors du sommet de Davos que le transport du Gaz naturel liquéfié « sera affecté » par l'escalade dans la région, le pays étant un gros producteur de GNL dans le monde.

« Toutefois, la situation en la matière n'a pas encore atteint un stade critique », rassure Ano Kuhanathan, « les prix du pétrole continuent globalement de baisser car l'offre des producteurs est plus élevée que prévue, d'autant que des navires pétroliers continuent de naviguer en Mer Rouge ». Concernant le gaz naturel, les réserves, notamment européennes, sont encore bien remplies et la fin de l'hiver approche.

Commentaire 1
à écrit le 19/01/2024 à 14:22
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L'Occident (États-Unis et UE) ne veulent pas d'une désescalade au conflit mondial en cours (bientôt WW3). a Alors allez chercher un spécialiste des questions géopolitiques et économiques qui aura le courage et l'honnêteté d'en expliquer le fond aux ...

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