Escalade en Corée : Pyongyang tire 200 obus d'artillerie près de la Corée du Sud

La Corée du Nord a tiré vendredi plus de 200 obus d'artillerie dans la mer, a déclaré un responsable de l'armée sud-coréenne, alors que Séoul a ordonné des évacuations dans deux de ses îles et mené des exercices militaires en réponse.
Ces tirs interviennent alors que les tensions ne cessent de monter depuis mi-décembre et le tir d'un missile de Pyongyang capable d'atteindre les Etats-Unis

[Article publié le vendredi 5 janvier 2024 à 7h44 et mis à jour à 12h52]Alors que le Moyen-Orient est menacé d'embrasement, l'escalade des provocations monte d'un cran dans la péninsule coréenne. Ce vendredi, la Corée du Nord a tiré plus de 200 obus d'artillerie à proximité de deux îles frontalières sud-coréennes (Yeonpyeong et Baengnyeon) qui ont dû être évacuées, selon un responsable de l'armée sud-coréenne.

C'est un « acte de provocation qui menace la paix dans la péninsule coréenne », a dénoncé le ministère sud-coréen de la Défense dans un communiqué, exhortant la Corée du Nord à « cesser immédiatement ces actions » tout en prévenant qu'il répondra par des mesures « appropriées ».

Et les premières réponses ne se sont pas fait attendre. L'armée sud-coréenne mène, ce vendredi, des exercices à munitions réelles sur l'île de Yeonpyong, frontalière avec la Corée du Nord, quelques heures après les tirs d'artillerie nord-coréens dans le même secteur, selon l'agence de presse sud-coréenne Yonhap. Les habitants des îles de Yeonpyeong et Baengnyeong ont été priés d'évacuer les lieux avant ces « exercices d'artillerie à munitions réelles avec des obusiers automoteurs K9 », a indiqué Yonhap. Il s'agit des premiers exercices de ce type dans la région depuis que les deux pays se sont retirés en novembre d'un accord conclu en 2018 pour éviter les incidents militaires à la frontière.

De son côté, Pyongyang a justifié ses tirs d'obus affirmant qu'ils constituaient « une réponse naturelle et une contre-mesure » aux exercices militaires menés par Séoul, a indiqué le média d'Etat KCNA. Les tirs d'exercices de Pyongyang n'ont « même pas eu d'impact indirect dans les îles Yeonpyeong et Baengnyeong », a affirmé l'agence nord-coréenne, malgré la consigne d'évacuation donnée par Séoul aux habitants pour rejoindre des abris.

De son côté, la Chine, alliée de Pyongyang, a appelé « toutes les parties au calme et à la retenue » et espère qu'elles « s'abstiendront de prendre des mesures qui aggravent les tensions (et) qu'elles éviteront une nouvelle escalade », a commenté un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin, interrogé lors d'un point presse ce vendredi. Pour rappel, lundi, lors d'un message à l'occasion du Nouvel An, le président chinois Xi Jinping et son homologue nord-coréen Kim Jong Un ont déclaré conjointement 2024 année de « l'amitié » entre leurs deux pays, avait rapporté l'agence de presse Chine nouvelle. « La Chine a pour politique inébranlable de maintenir, consolider et développer les relations amicales et de coopération de longue date entre les deux pays », avait souligné Chine nouvelle.

« Une guerre peut être déclenchée à tout moment »

Ces tirs interviennent alors que les tensions ne cessent de monter depuis mi-décembre et le tir d'un missile de Pyongyang capable d'atteindre les Etats-Unis. Dimanche, au terme d'une réunion de cinq jours du comité stratégiques du pays, Kim Jong Un, le dirigeant de la Corée du nord, a ordonné l'accélération des préparatifs militaires en vue d'une « guerre » pouvant « être déclenchée à tout moment » sur la péninsule coréenne et a lancé de nouvelles menaces de frappes nucléaires contre la Corée du sud. Il a également accusé Washington de « divers types de menaces militaires » et a ordonné à ses forces armées de maintenir « une capacité de réponse écrasante à la guerre ». Le dirigeant a lancé cet appel en raison de « la grave situation politique et militaire dans la péninsule de Corée qui a atteint un point extrême », selon l'agence de presse nord-coréenne KCNA, évoquant des « manoeuvres de confrontation des Etats-Unis et de leurs forces vassales sans précédent dans l'histoire ».

 C'est « un fait accompli qu'une guerre peut éclater à tout moment dans la péninsule coréenne en raison des mouvements imprudents des ennemis visant à nous envahir », a déclaré le dirigeant nord-coréen.

Satellite espion

Lors de la réunion du parti, Kim Jong Un a affirmé ne plus rechercher la réconciliation et à la réunification avec la Corée du Sud, soulignant la « situation de crise persistante et incontrôlable » qui, selon lui, a été déclenchée par Séoul et Washington.

Les deux Corées avaient entamé en 2018 un processus de rapprochement, caractérisé par trois rencontres entre Kim Jong Un et le président sud-coréen de l'époque, Moon Jae-in. Mais les relations entre les deux Corées se sont détériorées jusqu'à atteindre un point bas cette année, après que le lancement d'un satellite espion par Pyongyang a poussé Séoul à suspendre partiellement un accord militaire de 2018 visant à désamorcer les tensions.

 Au cours de cette réunion du comité stratégiques du pays, le parti au pouvoir a annoncé le lancement de trois nouveaux satellites espions en 2024, la construction de drones et le développement de capacités de guerre électronique, alors que la Corée du Nord procédé en 2023 à un nombre record d'essais de missiles balistiques, en violation de nombreuses résolutions de l'ONU le lui interdisant. En novembre, après deux échecs successifs en mai et en juin, la Corée du Nord a mis en orbite avec succès son premier satellite d'observation militaire. Les services de renseignement sud-coréens estiment que Pyongyang a reçu une aide technologique décisive de la Russie, où Kim Jong Un s'est rendu en septembre et a rencontré le président Vladimir Poutine, pour réussir à mettre en orbite ce satellite, le « Malligyong-1 ».

Dissuasion

De leur côté, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont intensifié leur coopération militaire, activant un système de partage de données en temps réel sur les lancements de missiles nord-coréens et multipliant les manœuvres militaires conjointes dans la région. Dans un effort de dissuasion, les forces armées américaines ont envoyé en Corée du Sud ces derniers mois le sous-marin à propulsion nucléaire USS Missouri, le porte-avions USS Ronald Reagan et un bombardier stratégique B-52, provoquant à chaque fois la colère de la Corée du Nord. La Corée du Nord avait déjà décrit le déploiement d'armes stratégiques par Washington comme une « provocation intentionnelle d'une guerre nucléaire ».

« Nous devons réagir rapidement à une éventuelle crise nucléaire et continuer à accélérer les préparatifs pour pacifier l'ensemble du territoire de la Corée du Sud en mobilisant tous les moyens et forces physiques, y compris la force nucléaire, en cas d'urgence », a déclaré Kim Jong Un.

Pyongyang voit dans les manœuvres militaires à sa porte comme une répétition d'une future invasion de son territoire, et considère depuis longtemps ses essais de missiles comme des « contre-mesures » nécessaires.

 La Corée du Nord a aussi annoncé l'an dernier une nouvelle doctrine rendant « irréversible » son statut de puissance nucléaire, que le régime juge essentiel pour assurer sa survie. Séoul et Washington ont averti que toute attaque nucléaire nord-coréenne entraînerait une riposte et la destruction du régime de Kim Jong Un.

« Si la Corée du Nord fait quoi que ce soit d'imprudent qui détruit la paix, tout ce qui l'attend ce sont des destructions effroyables », a averti le 14 décembre le ministre sud-coréen de la Défense, Shin Won-sik.

Le service du renseignement nord-coréen sanctionné

Le 27 décembre, la Corée du Sud a par ailleurs sanctionné le patron du service de renseignement nord-coréen, pour des activités illégales en ligne.

Ri Chang Ho, le directeur du Bureau général de reconnaissance, est accusé par Séoul d'avoir « gagné des devises étrangères à travers des activités illégales en ligne et le vol de technologie ». L'agence dirigée par Ri Chang Ho est soupçonnée de superviser des groupes de piratage informatique, Kimsuky, Lazarus et Andariel, déjà sous le coup de sanctions de la part de la Corée du Sud.

En plus de Ri, Séoul a sanctionné sept autres Nord-Coréens, dont l'ancien diplomate basé en Chine Yun Chol, pour leur implication dans le commerce de lithium 6, un métal utilisé par le secteur nucléaire et soumis à des sanctions des Nations unies. Les individus sanctionnés ne peuvent conduire des transactions financières et de change avec des Sud-Coréens sans l'autorisation de Séoul, une mesure jugée symbolique par les analystes en raison du commerce très limité entre les deux pays.

Depuis octobre 2022, la Corée du Sud a placé sur sa liste noire 83 personnes et 53 entités, selon son ministère des Affaires étrangères, en réaction au développement du programme nord-coréen d'armes nucléaires et de missiles illégaux, qui s'est accéléré sous l'actuel dirigeant, Kim Jong Un. Par ailleurs, la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis  soupçonnent Pyongyang d'avoir engrangé l'an dernier quelque 1,7 milliard de dollars (1,5 milliard d'euros) par le biais des cryptomonnaies, qui serviraient à financer son programme illégal d'armes nucléaires et de missiles.

Nouveau réacteur nucléaire

Selon la Corée du Sud, un nouveau réacteur situé dans le principal complexe nucléaire de la Corée du Nord sera sans doute pleinement opérationnel d'ici l'été prochain.  Situé à environ 100 km au nord de Pyongyang, le complexe de Yongbyon abrite déjà le premier réacteur nucléaire du pays, d'une capacité de cinq mégawatts, seule unité connue capable de produire du plutonium, élément essentiel pour la fabrication d'armes nucléaires.

Selon la Corée du Sud, bien qu'aucun pays n'ait utilisé des réacteurs à eau légère pour produire du plutonium destiné à la fabrication d'armes nucléaires, Pyongyang pourrait utiliser le nouveau réacteur pour produire du tritium pour des bombes à hydrogène ou pour mener des essais en vue de développer de petits réacteurs nucléaires destinés à de sous-marins à propulsion nucléaire. Les services de renseignement sud-coréens ont de leur côté prédit que Pyongyang se livrerait à des provocations militaires et des cyberattaques au cours de l'année 2024, ciblant les campagnes électorales aux Etats-Unis et en Corée du Sud. Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a récemment demandé à ses collaborateurs « de préparer de mesures pour causer un gros remue-ménage en Corée du Sud au début de l'année», selon les services secrets sud-coréens.

Des missiles nord-coréens en Ukraine

Des missiles fournis par la Corée du Nord à la Russie ont été utilisés lors des attaques d'envergure des derniers jours sur l'Ukraine, a avancé jeudi la Maison Blanche, qui a dénoncé une « escalade conséquente et inquiétante » du soutien de Pyongyang à Moscou.

« Nos informations indiquent que la Corée du Nord a récemment fourni à la Russie des systèmes de lancement de missiles balistiques et plusieurs missiles balistiques », a affirmé le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, John Kirby.

Les forces russes ont lancé au moins un des missiles fournis par Pyongyang le 30 décembre et ce missile s'est ensuite écrasé dans un champ de la région de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine, a-t-il précisé. Plusieurs missiles ont ensuite été lancés par la Russie vers l'Ukraine le 2 janvier, dans le cadre d'une attaque aérienne massive, a ajouté le porte-parole. Les Etats-Unis et leurs alliés vont désormais porter la question devant le Conseil de sécurité de l'ONU, ce transfert de missiles représentant une violation des sanctions de l'ONU envers la Corée du Nord, a déclaré John Kirby.

En octobre, les Etats-Unis avaient affirmé que plus de 1.000 conteneurs d'équipements militaires et de munitions avaient été livrés à la Russie par la Corée du Nord les semaines précédentes. Séoul avait également estimé que la Corée du Nord avait fourni à la Russie plus d'un million d'obus d'artillerie destinés à sa guerre en Ukraine, recevant en échange des conseils techniques pour ses satellites.

En échange de ces transferts d'armement, Pyongyang cherche à se procurer des équipements militaires russes et des « technologies sophistiquées », avait déclaré à la presse John Kirby. La Russie et la Corée du Nord, alliées historiques, sont toutes deux soumises à des sanctions internationales - la première pour son invasion de l'Ukraine et la seconde pour ses programmes interdits d'armes nucléaires et de missiles.

Leur coopération militaire croissante est source d'inquiétude pour l'Ukraine et ses alliés, en particulier après une rencontre du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un avec le président russe Vladimir Poutine en septembre dans l'Extrême-orient russe.

Selon John Kirby, la Russie compte en outre acheter des missiles à son allié iranien, a précisé le porte-parole.

Commentaires 3
à écrit le 05/01/2024 à 9:23
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La Corée du Nord est bien pratique pour remplir les médias et faire peur au petit peuple qui écoute la radio le matin en se rasant. Comme l'Iran, la Chine, j'en passe et des meilleures. C'est nul !

à écrit le 05/01/2024 à 9:03
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Il faut que cela tire dans le vide, pour que l'on parle d'eux, rajoutant de la peur dans le terrorisme médiatique ! ,-)

à écrit le 05/01/2024 à 8:16
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Ben ou, le petit kim nous fait un caprice, il n'est plus l’ennemi public numéro un, le monde est en guerre ou en attente un peu partout, la crise économique fait rage, il s'est lui même condamné à aller toujours plus loin s'il veut continuer d'existe...

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