La Turquie baisse ses taux directeurs de 1,5 point, à rebours du reste du monde

La banque centrale turque a annoncé, ce jeudi, qu’elle allait à nouveau baisser son principal taux directeur de 1,5 points en le faisant passer de 10,5% à 9%. Il s’agit de la quatrième baisse consécutive des taux directeurs turcs alors que l'inflation ne cesse de grimper, atteignant 85,5% sur un an en octobre, au plus haut depuis 1998.
Le président turc Erdogan estime que baisser les taux est bon pour l'économie du pays malgré l'inflation.
Le président turc Erdogan estime que baisser les taux est bon pour l'économie du pays malgré l'inflation. (Crédits : MARKO DJURICA)

À l'heure où la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne remontent leurs taux directeurs depuis plusieurs mois, le président turque Recep Tayyip Erdogan demande à l'inverse à sa banque centrale de diminuer ses taux. Ce dernier avait prévenu qu'il souhaitait voir « des taux à un chiffre d'ici la fin de l'année » 2022. Ce jeudi, l'institution monétaire turque a abaissé, pour le quatrième mois consécutif, son principal taux directeur, le ramenant de 10,5% à 9%. L'an dernier, les taux d'intérêt turcs avaient déjà diminué pour passer de 19% en septembre 2021 à 14% en décembre. Restés stables entre janvier et juillet 2022, ils ont à nouveau été abaissés par la banque centrale chaque mois depuis août, tandis que le pays connaît une forte inflation.

Ce devrait toutefois être la dernière fois. Le Conseil de la banque centrale a, en effet, estimé, ce jeudi, que le taux directeur est arrivé « à un niveau suffisant au regard des risques croissants concernant la demande mondiale », selon un communiqué de l'institution qui a donc « décidé de mettre fin au cycle de baisse des taux d'intérêt entamé en août ».

Erdogan contre les économistes

Si la Turquie s'est entêté à maintenir une telle politique monétaire, à l'opposé des décisions des autres banques centrales, c'est parce que le président Erdogan estime que les taux d'intérêt élevés favorisent l'inflation. En outre, selon le chef d'Etat, les baisser revient à encourager la croissance, l'emploi et les exportations en détriment de la stabilité des prix. D'autant que la Turquie a privilégié ces dernières années un modèle économique qui repose largement sur la consommation et l'investissement encourageant de vastes projets immobiliers, et qui serait donc mise à mal par une hausse des taux d'intérêts.

Le chef de l'Etat turc promet régulièrement que le pays « surmontera » le problème de l'inflation après le nouvel an. En septembre dernier, la Banque centrale turque justifiait, elle, la conjoncture actuelle par les « incertitudes sur la croissance mondiale et les risques géopolitiques »« Le processus de désinflation débutera avec le rétablissement d'un environnement de paix dans le monde et la disparition des effets de base de l'inflation », avait-elle déjà assuré en juin dernier.

Un choix de politique monétaire hétérodoxe qui a contribué à faire chuter la livre turque de 28,5% depuis le 1er janvier 2022. La devise avait déjà dévissé de 44% en 2021.

Hyperinflation à 85,5%

Sans compter que cette politique ultra-accommodante de la banque centrale contribue à amplifier une inflation devenue extrême. La hausse des prix à la consommation a atteint 85,5% sur un an en octobre, au plus haut depuis 1998.

Les postes les plus impactés selon la Tuik (le bureau officiel des statistiques), seraient ceux du transport qui affiche une hausse de 117% sur un an, de l'alimentation (+99%) et le logement (+85%). Des foyers de dépenses qui souffrent particulièrement de la hausse des prix de l'énergie et de la chute de la livre.

Ces chiffres officiels impressionnants sont pourtant contestés par les économistes indépendants du Groupe de recherche sur l'inflation (Nage). Ces derniers, contre la politique monétaire d'Erdogan, affirment que la hausse des prix atteint 185% sur l'année - dont 115% depuis le 1er janvier .

Malgré une inflation très importante, le 2 novembre, le président turc s'est félicité de la bonne santé de l'économie turque: « Dieu merci, les roues de notre économie tournent. Notre modèle économique, que nous avons résumé comme étant la croissance par l'investissement, l'emploi, la production, l'exportation et l'excédent courant, porte ses fruits », a-t-il déclaré.

La Turquie n'est pas le seul pays à retarder une hausse de ses taux directeurs. Au Japon aussi, la Banque centrale (BoJ) persiste à maintenir une politique ultra-accommodante, caractérisée par son taux négatif de 0,1% sur les dépôts des banques auprès d'elle (pour les inciter à prêter davantage) et ses achats illimités d'obligations publiques japonaises pour plafonner leurs rendements à dix ans à 0,25%. Le pays connaît pourtant, lui aussi, une inflation qui s'accélère même si, à 3%, elle reste bien inférieure aux niveaux atteints en Turquie ou au sein de la zone euro (le 19 pays à avoir adopté la monnaie unique) où elle culminait en octobre à 10,7% sur un an. Dans ce contexte, la Turquie reste tout de même une exception.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 25/11/2022 à 14:18
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On verra dans quelques années qui avait raison et qui avait tord, pour l’instant l’indice de production industrielle bat des records, la croissance tient la route, les salaires suivent l’inflation, les ménages sont donc moins endettés et la Turquie v...

à écrit le 24/11/2022 à 18:13
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On peut effectivement contester ce genre de politiques économiques. Mais merci de nous épargner le "contre les économistes"... C'est-à-dire ceux qui sont capables de vous expliquer, après coup, pourquoi la politique économique qu'ils soutiennent d...

le 24/11/2022 à 22:52
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tout a fait d accord avec vous

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