La banque centrale américaine (Fed) n'a pas touché à ses taux directeurs. L'institution a annoncé, ce mercredi, qu'elle les maintenait à leur niveau actuel de 5,25 à 5,50%, pour la deuxième fois d'affilée. Elle précise qu'elle veut observer l'évolution de l'économie, ainsi que « les effets cumulés » des 11 hausses de taux effectuées depuis mars 2022. Cette décision était attendue et avait d'ailleurs été anticipée par les marchés financiers, avec des Bourses mondiales en hausse. Elle suit celle de la Banque centrale européenne, qui a annoncé la semaine dernière un maintien de ses taux directeurs entre 4% et 4,75%. Ce qui était une première depuis juillet 2022.
C'est la troisième fois au cours des quatre dernières réunions que la Fed ne touche pas à ses taux. Pourtant, cette décision intervient alors que l'inflation américaine est encore supérieure à l'objectif de 2,0% fixé par la banque centrale, dont le combat numéro un est de juguler la hausse des prix en relevant ses taux. Elle s'est stabilisée à 3,4% en rythme annualisé, selon l'indice PCE, privilégié par l'institution. Son président, Jerome Powell, avait indiqué mi-octobre que son niveau était « encore trop élevé » et « quelques mois de bons chiffres ne sont que le début de ce qu'il faudra pour être certain que (le taux) d'inflation baisse durablement ».
Préserver le dynamisme actuel
En effet, la Fed veut éviter de trop freiner l'activité économique, afin de ne pas provoquer de récession. A première vue, l'économie américaine paraît pourtant plus solide que jamais, alors qu'en début d'année elle était attendue en légère récession. La banque centrale a ainsi souligné la vigueur du marché du travail et de l'activité économique. La consommation reste solide et la croissance s'est envolée, multipliée par deux sur le dernier trimestre, pour atteindre 4,9% en rythme annuel. En parallèle, le chômage reste bas, à 3,8%, avec la persistance d'un manque de main d'œuvre dans divers secteurs clés. Et ce malgré les hausses de taux successives.
« La résilience de l'économie n'a pas freiné le rééquilibrage du marché du travail ni ravivé les pressions sur les salaires et les prix, ce qui suggère que la désinflation progressera et que la Fed maintiendra probablement sa politique inchangée jusqu'en 2024 », a estimé Whitney Watson, responsable chez Goldman Sachs asset management, auprès de l'agence Reuters.
Nuages à l'horizon
Malgré cette dynamique, les nuages s'accumulent à l'horizon, tant au niveau national que mondial. La guerre entre Israël et le Hamas, qui a débuté le 7 octobre, pourrait en effet entraîner une hausse des prix du pétrole, surtout si elle venait à s'étendre à d'autres pays de la région. La Banque mondiale estimait lundi qu'en cas de conflit généralisé au Proche-Orient, le prix du pétrole pourrait ainsi dépasser les 155 dollars, un niveau inédit. Une telle hausse des prix de l'énergie entraînerait aussitôt celui des matières premières vers le haut, avec le risque en bout de ligne de faire repartir l'inflation.
Au niveau national, l'élection d'un « speaker » à la Chambre des représentants, Mike Johnson, après trois semaines d'atermoiements au sein du parti républicain, permet d'envisager un vote sur le budget fédéral pour 2024. Mais il y a fort à parier que le bras de fer entre républicains et démocrates repartira de plus belle, alors que le déficit public s'envole.
Autant de soubresauts dont il est pour l'instant difficile de mesurer l'impact potentiel sur l'économie américaine, ce qui devrait inciter la Fed à la prudence.
Effets parasites
D'autant que, dans le même temps, est venue s'ajouter une augmentation des rendements des bons du Trésor à 10 ans, qui servent de référence, et qui ont flambé en septembre et en octobre et dépassé les 5%. « Dans les faits, c'est un resserrement bien plus marqué des conditions d'accès au crédit qu'une hausse des taux », a commenté Diane Swonk, cheffe économiste pour KPMG. « Beaucoup estiment à la Fed que la hausse des rendements est l'équivalent d'une hausse des taux supplémentaires ». Et pour cause : les rendements des bons du Trésor à 10 ans entrent en partie dans le calcul des taux des différents prêts, en particulier immobiliers.
En attendant, les Bourses mondiales ont progressé ce mercredi, profitant de la baisse des taux d'intérêt sur le marché obligataire, avant les annonces de la FED. Wall Street a pris de la hauteur vers 16H50, le Nasdaq gagnait 0,55%, le S&P 500 0,32%, le Dow Jones 0,05%. En Europe, après un début de séance mitigé, Paris a finalement pris 0,68%, Londres 0,28%, Francfort 0,76% et Milan 0,88%. La Bourse de Paris a ainsi terminé en hausse pour la troisième séance consécutive mercredi, repassant au-dessus des 6.900 points.