Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont été visés par le logiciel espion Pegasus en 2019 en vue d'une éventuelle mise sous surveillance de leurs téléphones pour le compte des services de renseignement du Maroc, ont rapporté mardi Le Monde et Radio France.
Ces deux médias, qui font partie du consortium de 17 médias ayant eu accès à cette liste obtenue par le réseau de journalistes Forbidden Stories et l'ONG Amnesty International, ont en effet révélé mardi que ces numéros, dont celui de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe et de 14 membres du gouvernement, figurent "dans la liste des numéros sélectionnés par un service de sécurité de l'Etat marocain, utilisateur du logiciel espion Pegasus, pour un potentiel piratage".
"On a trouvé ces numéros de téléphone, mais on a pas pu faire d'enquête technique évidemment sur le téléphone d'Emmanuel Macron" pour vérifier s'il a été infecté par ce logiciel ultra-performant, et donc "cela ne nous dit pas si le président a été réellement espionné", a expliqué le directeur de Forbidden Stories Laurent Richard sur la chaîne d'info LCI. "Si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves. Toute la lumière sera faite sur ces révélations de presse", a réagi la présidence, interrogée par l'AFP pour savoir si le chef de l'Etat avait été potentiellement espionné via Pegasus.
De son côté, le Maroc conteste son implication dans cette affaire d'espionnage.
Une affaire d'ampleur mondiale
Au total, près de 50.000 numéros de téléphones ont été sélectionnés depuis 2016 par les clients de l'entreprise israélienne NSO (qui commercialise Pegasus) pour une surveillance potentielle, d'après la liste obtenue par Forbidden Stories et Amnesty International. Ce logiciel qui est capable de siphonner toutes les données des smartphones iPhone ou Android aurait permis d'espionner les numéros d'au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs d'entreprise. Pour ce faire, Pegasus, qui exploite les failles logicielles d'Apple et de Google grâce à une armada de hackers, n'a besoin que d'une chose : le numéro de téléphone de la cible.
En France, outre Edouard Philippe et son épouse, des ministres de premier plan, à l'époque où leurs numéros ont été sélectionnés, figurent sur cette liste, dont Jean-Yves Le Drian, Christophe Castaner, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire ou François de Rugy, précisent Radio France et Le Monde. Mais aussi des parlementaires et responsables politiques comme François Bayrou, du MoDem, le député de La France Insoumise Adrien Quatennens ou Gilles Le Gendre (LREM).
Interrogé par les députés sur la présence de journalistes et politiques français dans la liste Pegasus, le premier ministre Jean Castex avait auparavant indiqué que des investigations étaient en cours pour vérifier "la matérialité" des faits allégués mais que, pour l'heure, les investigations n'avaient "pas abouti".
Interrogé sur franceinfo, François de Rugy a exigé que "le Maroc fournisse des explications à la France", tandis que Gilles Le Gendre a dénoncé sur Twitter "l'extrême gravité de cet espionnage à grande échelle" révélé par le quotidien. Avant même que ces nouvelles informations n'aient été dévoilées, la justice française a ouvert une enquête mardi pour examiner la plainte de journalistes qui auraient également été ciblés par le Maroc à l'aide de Pegasus, selon le consortium.
De plus, le président français n'est pas le seul chef d'Etat a avoir potentiellement été espionné. Le roi du Maroc Mohammed VI et son entourage "sont sur la liste des cibles potentielles" d'après Radio France, et selon le Washington Post, autre membre du consortium de médias, elle contient des numéros de deux autres présidents, l'Irakien Barham Saleh et le Sud-Africain Cyril Ramaphosa. Le Washington Post avance également les noms de trois Premiers ministres en exercice, ceux du Pakistan, Imran Khan, de l'Egypte, Mostafa Madbouli, et du Maroc, Saad-Eddine El Othmani, et d'un total de sept Premiers ministres au moment où ils ont été sélectionnés sur la liste, dont le Libanais Saad Hariri, l'Ougandais Ruhakana Rugunda, et le Belge Charles Michel.
(Avec AFP)