Ousmane Sonko, l’opposant contre la montre

Emprisonné, le principal adversaire de Macky Sall à la présidentielle de février a jusqu’à mardi pour déposer sa demande de candidature, alors que le pouvoir tente de l’en empêcher.
Le favori de l’opposition, arrivé troisième à la présidentielle de 2019, Ousmane Sonko, à Dakar, en juin 2022.
Le favori de l’opposition, arrivé troisième à la présidentielle de 2019, Ousmane Sonko, à Dakar, en juin 2022. (Crédits : © SEYLLOU/AFP)

Immobilisé par l'engorgement habituel des voies principales de la ville en fin de journée, il ne faut pas grand-chose à Mustafa Fall pour s'agacer. D'autant que l'autoradio de son vieux taxi jaune crachote la même information en boucle: « Il ne reste plus que quelques jours avant la fin du dépôt des candidatures pour l'élection présidentielle du 25 février 2024. » Et son candidat favori, le principal opposant emprisonné, Ousmane Sonko, n'est pas assuré d'être éligible. « Je ne vous dis qu'une seule chose : qu'on en finisse ! » s'exclame-t-il, rappelant que depuis deux ans cette bataille politique paralyse l'activité économique de la capitale et a entraîné des vagues de contestation et de violence meurtrière.« Tout cela dure depuis trop longtemps, il est temps que nous sachions vers où nous allons, que nous retrouvions un peu de stabilité », poursuit-il.

Même si Sonko n'est pas éligible pour la prochaine élection ? « J'ai encore un peu d'espoir, même si je sais que l'avenir politique de notre pays n'est plus entre nos mains », se désole-t-il. Le dépôt des candidatures à la magistrature suprême prend fin mardi. Une bataille d'interprétation juridique est en cours entre les avocats de l'État et ceux du principal opposant pour savoir s'il peut être réintégré sur les listes électorales et se présenter à la présidentielle. Ousmane Sonko, 49 ans, candidat favori de l'opposition, arrivé troisième à l'élection présidentielle de 2019 avec 15 % des suffrages, a été radié des listes électorales en août, quelques semaines après avoir été écroué pour « appel à l'insurrection » et « atteinte à la sûreté de l'État », entre autres.

En juin, il avait déjà été condamné par contumace à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » dans le cadre d'une accusation de viol. Des affaires qu'il qualifie de complots du pouvoir, notamment du chef de l'État, Macky Sall, pour l'écarter de la présidentielle. Ces dernières semaines, deux juges ont ordonné sa réintégration sur les listes électorales. Mais les équipes du candidat ne parviennent pas à transmettre son dossier aux autorités compétentes. Mardi dernier, la Direction générale des élections (DGE) a même refusé de leur délivrer les formulaires de parrainages nécessaires au dépôt de candidature.

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Campagne depuis sa cellule

« Nous n'envisageons pas le rejet de la candidature de Sonko, car tous les points de droit nous sont favorables, assure le député Ayib Daffé, mandataire du candidat. Il n'y a pas matière, à moins d'entraver la loi. » Ce dernier raconte comment, à plusieurs reprises, les différentes administrations chargées d'organiser les élections, sous la houlette du ministère de l'Intérieur, leur ont refusé l'accès, des policiers bloquant le passage. Le député mandataire reste confiant, malgré l'impossibilité de rendre un dossier complet d'ici au 26 décembre. Et pour cause : l'équipe de l'ancien maire de Ziguinchor mise sur un recours du Conseil constitutionnel, chargé de juger les candidatures conformes d'ici au 20 janvier. « C'est finalement la seule autorité qui a les prérogatives pour accepter les candidatures, souligne Abib Diop, secrétaire national adjoint, chargé des stratégies et de la prospective de Pastef (le parti dissous d'Ousmane Sonko). Nous avons déjà usé de toutes les autres voies de recours. »

« Si le Conseil constitutionnel accepte d'examiner sa candidature, ce sera déjà une victoire », estime de son côté Babacar Ndiaye, directeur de recherche du think tank Wathi. Mais déposer ne veut pas dire valider. Si le Conseil constitutionnel invalidait cette candidature, Bassirou Diomaye Faye, proche d'Ousmane Sonko, serait alors investi. Lui-même en détention provisoire, notamment pour outrage à magistrat, il n'est pas frappé d'inéligibilité. « Beaucoup d'incertitudes seront levées lorsque le Conseil constitutionnel se prononcera le 20 janvier, conclut Babacar Ndiaye. En attendant, tous les scénarios sont possibles, même celui d'un candidat Sonko qui fait campagne depuis sa cellule. »

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