Pékin redouble d'efforts pour stabiliser une économie chinoise qui ralentit

Le ralentissement de l'économie chinoise oblige les autorités à ouvrir les vannes du crédit en abaissant les taux d'intérêt, à soutenir les entreprises et à augmenter les investissements publics dans les infrastructures. L'objectif souhaité par Xi Jinping de s'émanciper d'un modèle basé sur les exportations vers une modèle reposant sur le marché intérieur reste encore lointain.
Robert Jules
(Crédits : Thomas Peter)

En 2020, en pleine pandémie et engagé dans un rapport de force avec les Etats-Unis, le président Xi Jinping avait conceptualisé sa doctrine économique sous le nom de "circulation duale". Elle vise à réduire la dépendance de la croissance de l'économie chinoise aux exportations (circulation internationale) au profit d'une demande locale (circulation nationale) stimulée par des mesures de soutien à sa population de 1,4 milliard de consommateurs potentiels. Cela permettrait à la Chine d'être moins fragilisée par les chocs extérieurs. En réalité, c'est depuis plusieurs années que les dirigeants chinois inscrivent dans leurs plans quinquennaux cet objectif.

Les réformes structurelles mises entre parenthèses

Or, pour le moment, il est loin d'être atteint. À la fin de l'année dernière, après avoir constaté un ralentissement au cours des deux derniers trimestres, le gouvernement a modifié sa stratégie en préférant donner la priorité à la stabilité de l'économie plutôt que d'appliquer les réformes structurelles prévues dans un certain nombre de secteurs clés de la dynamique économique, notamment les secteurs de l'immobilier, de la technologie et de l'enseignement privé.

Aussi, dans sa mise à jour fin janvier sur les perspectives mondiales, le FMI a révisé de 5,6% à 4,8% la croissance chinoise en 2022. En 2021, elle avait rebondi à 8,1%. La persistance de la pandémie dans de nombreuses régions en Chine, la politique zéro-covid appliquée par les autorités ont largement contribué à freiner l'activité du moteur industriel de la planète. Les déboires du géant immobilier Evergrande à l'automne ont également suscité de vives inquiétudes chez les investisseurs. "Un ralentissement en Chine affectera les perspectives mondiales, principalement via les entreprises exportatrices de biens et les marchés émergents", alertent les économistes du FMI dans leur synthèse. "La réduction des dépenses dans le secteur de l'immobilier et le coup de frein plus prononcé que prévu de la consommation privée ont également limité les perspectives de croissance", ajoutent-ils. L'assouplissement monétaire avec une baisse des taux et des facilités de crédit et des allègements fiscaux pour les PME devraient permettre à l'activité chinoise de rebondir au cours du premier trimestre.

Le niveau de la consommation reste inférieur à celui de l'avant-pandémie

Or, ce rebond se fait toujours attendre. "Malgré une hausse de près de 48% du nombre de personnes revenues dans leur famille pour célébrer les fêtes du nouvel an chinois (qui a débuté le 1er février), des indicateurs comme la fréquentation des cinémas ou les revenus du tourisme montrent que le niveau de consommation n'a pas véritablement augmenté, en raison probablement de la détérioration du climat économique", soulignent les analystes de Nomura.

Selon une note de Euler/Allianz, les économistes Françoise Huang et Ludovic Subran ont calculé que "même si le contexte sanitaire s'améliore, la consommation privée va rester probablement en 2022 sous son niveau de pré-pandémie, de 2,8%, soit 170 milliards de dollars en moins."

Par ailleurs, d'autres indicateurs comme les ventes de véhicules, les transactions dans l'immobilier, ou encore les taux d'activité de certains secteurs manufacturiers clés montrent la poursuite de la détérioration en janvier, et ce, malgré les mesures de soutien.

"Nous pensons que la croissance du PIB au premier trimestre pourrait encore ralentir. L'augmentation du crédit, mesurée en fonction de la croissance annuelle de l'encours du financement global, pourrait s'accélérer après que les régulateurs chinois aient incité en urgence les banques à augmenter leurs prêts durant la dernière semaine de janvier. Mais nous nous attendons à voir des mesures plus fortes et plus favorables après la tenue de la conférence annuelle de l'Assemblée populaire nationale qui se tiendra au début du mois de mars", expliquent les analystes de Nomura. Cette réunion de l'instance la plus importante du PCC est capitale puisqu'elle doit entériner la reconduction de Xi Jinping à la présidence de la république populaire pour un troisième mandat.

Allègements fiscaux pour les entreprises

Car contrairement aux responsables des pays de l'OCDE, qui doivent composer avec la montée de l'inflation, le leader chinois doit au contraire maintenir une activité économique à un certain rythme pour éviter un trop fort ralentissement. Une nouvelle baisse des taux, et un soutien aux entreprises, notamment les PME, sous la forme d'allègements fiscaux devraient y contribuer. "Nous anticipons une nouvelle baisse des taux directeurs de 10 points de base, et une baisse du taux de réserves obligatoires pour les banques de 50 points de base durant le premier semestre, et davantage au deuxième si nécessaire. L'endettement public supplémentaire qui servira à investir dans les infrastructures devrait représenter environ 3% du PIB nominal de 2022", estiment Françoise Huang et Ludovic Subiran.

En décembre, la Banque centrale de Chine avait déjà abaissé ces deux taux pour la première fois depuis 20 mois. Le taux directeur s'établit aujourd'hui à 3,7%. Le but est de faciliter les conditions de crédit pour les ménages et les entreprises. Cela devrait permettre de soutenir l'activité nationale de la "circulation duale", tandis que les exportations, elles, devraient profiter de la dépréciation du yuan, qui rend plus compétitifs les produits chinois sur le marché international, d'une meilleure intégration régionale des échanges commerciaux et de relations moins tendues avec les Etats-Unis.

"Cela devrait permettre un renforcement de l'économie chinoise au cours du second semestre 2022", assurent les analystes d'Euler/Allianz. Une bonne indication sera fournie par les autorités chinoises qui devraient publier leur objectif de croissance officiel pour 2022 au début du mois de mars.

Robert Jules
Commentaires 5
à écrit le 16/02/2022 à 14:28
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Il faut lire "Terres rares" de Jean Tuan (C.L.C. Editions). On découvre les menaces que la Chine fait peser sur le monde et comment elle exerce un chantage : échanger ses terres rares contre des terres cultivables ! Lecture édifante et distrayante.

à écrit le 16/02/2022 à 10:20
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En effet quand nos économistes voyants extra lucides nous affirmaient que la paupérisation des salariés occidentaux du fait du dumping social chinois et autres serait compensée mondialement, grâce à la "main invisible", c'est pour dire s'ils sont dér...

à écrit le 16/02/2022 à 9:48
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La chine a un gouvernement totalitaire n hésitant pas à faire diisparaitre les opposants ou dissonance donc … c est facile d afficher le pseudo maitrise du covid …. Sachant que les chiffres officiels du covid et des morts sont tronqués… donc on ne pe...

à écrit le 15/02/2022 à 18:36
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La Chine se tire une balle dans le pied avec sa stratégie absurde du zéro Covid. Tant pis pour elle

le 15/02/2022 à 19:09
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La Chine considère juste que l'économie peut repartir. En revanche, si vous êtes mort, c'est définitif... Ceux qui critiquent la stratégie zéro-Covid sont très mal placés pour faire la leçon. La stratégie sanitaire de la Chine a permis d'éviter la pr...

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