L'élection présidentielle à Taïwan, prévue à la mi-janvier, est un évènement sous haute surveillance, à la fois de la part de la Chine, qui revendique le rattachement de l'île démocratique au pouvoir communiste du continent, et des Etats-Unis, soucieux d'éviter toute escalade, avant les élections présidentielles américaines de novembre prochain. En attendant, ce sont les trois principaux candidats qui croisent le fer autour de la question ultra-sensible des relations sino-taïwanaises.
La politique à l'égard de la Chine est au centre des scrutins nationaux de l'île depuis les années 1990. Mais depuis l'arrivée au pouvoir du Parti démocratique progressiste (PDP) en 2016, sur un discours prônant à la fois la démocratie et la souveraineté de l'île, les relations entre Taipei et Pékin sont notoirement mauvaises, surtout depuis que le président chinois, Xi Jinping, réélu à un troisième mandat en mars dernier, développe un discours nationaliste et belliqueux. La Chine communiste a ainsi intensifié les pressions militaires sur l'île, organisant en 2022 deux manœuvres massives simulant un blocus.
Le candidat du PDP, actuellement en tête dans les sondages avec environ 35 % des intentions de vote, l'actuel vice-président Lai Ching-Te, est décrit comme un partisan pragmatique de l'indépendance, même si ce mot n'est jamais prononcé officiellement. Lors d'un débat télévisé samedi, ses deux principaux adversaires - qui n'ont pas s'entendre sur une candidature unique - ont fustigé les positions du candidat PDP qui « minent la sécurité de Taïwan ». La souveraineté de Taïwan « appartient aux 23 millions d'habitants » de l'île, a rétorqué Lai.
Ligne rouge
Lors du débat, M. Lai a également accusé Hou Yu-ih, le candidat du parti Kuomintang (KMT) - considéré comme ayant des liens plus étroits avec Pékin - d'être favorable à la Chine. « Je ne reviendrai pas en arrière (vers le passé) comme le Kuomintang, et je ne serai pas prêt à devenir un vassal du totalitarisme », a lancé le candidat démocrate à son rival.
« Nous devons maintenir la communication et les échanges (avec la Chine). C'est parce que vous ne l'avez pas fait que nous voyons un grand danger de l'autre côté du détroit », a plaidé Hou Yu-ih, réitérant son opposition à l'indépendance de Taïwan. M. Lai s'en est également pris à Ko Wen-je, candidat du Parti populaire taïwanais (TPP) pour avoir déclaré que l'île et la Chine « ne forment qu'une seule famille ».
Ce dernier a dénoncé la politique de l'actuelle présidente et juge que le PDP « a une attitude trop conflictuelle » avec la Chine. Selon le Financial Times, l'une des clés de ce scrutin sera l'électorat jeune, traditionnellement plus favorable au PDP, mais qui apparaît de plus en plus déboussolé par la politique et par l'attitude à adopter face à la Chine.
En attendant, peu d'experts s'attendent à une forte dégradation des relations entre la Chine et Taiwan pendant et après les élections présidentielles, et encore moins à une invasion. A une réserve près : que le candidat du PDP évite de franchir la ligne rouge fixée par la Chine, à savoir l'annonce d'un référendum sur l'indépendance de l'île.