Un coup d'Etat au Gabon met fin au règne de la dynastie Bongo

Un groupe d'officiers supérieurs ont mis fin mercredi au pouvoir du président Ali Bongo, quelques instants après l'annonce de sa victoire pour un troisième mandat. Si rien n'a filtré des intentions des putschistes, c'est une autre ancienne colonie française qui passe sous le contrôle de militaires, après le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ce pays de l'Afrique centrale qui est un producteur de pétrole et de manganèse n'a jamais réussi à faire profiter sa population de la manne des matières premières.
Robert Jules
Manifestants dans les rues de Libreville ce mercredi soutenant les putschistes et célébrant la chute du président Ali Bongo.
Manifestants dans les rues de Libreville ce mercredi soutenant les putschistes et célébrant la chute du président Ali Bongo. (Crédits : Reuters)

Révolution de palais, coup d'Etat fomenté par une puissance étrangère, fin de règne de la dynastie Bongo qui gouverne depuis 1967... Il était difficile de connaître les véritables intentions de la dizaine d'officiers supérieurs de l'armée gabonaise qui ont pris le pouvoir dans la nuit de mercredi à Libreville, la capitale du Gabon.

« Aujourd'hui, le pays traverse une grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale », ont déclaré à la télévision les putschistes, estimant que les élections présidentielle et législatives du 26 août avaient manqué de transparence et de crédibilité. « Au nom du peuple gabonais, et garant de la protection des institutions, nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », ont-ils indiqué, en annonçant la fermeture de toutes les frontières jusqu'à nouvel ordre et la dissolution de toutes les institutions de l'État, dont le Sénat, l'Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle. Le leader des putschistes pourrait être Brice Oligui Nguema, le chef de la garde républicaine et garde prétorienne d'Ali Bongo, dont les soldats scandaient « Oligui président ».

Doutes sur la transparence du scrutin

Le coup d'Etat est intervenu quelques instants à peine après l'annonce par le président Ali Bongo de sa réélection pour une troisième mandat, avec 64,27% des voix contre 30,77% pour son principal adversaire, Albert Ondo Ossa. Le scrutin présidentiel et législatif s'est déroulé dans un climat tendu, marqué par des allégations de fraude. L'absence d'observateurs internationaux, la suspension de certaines chaînes de télévision étrangères et la décision des autorités de couper l'accès à internet et d'imposer un couvre-feu nocturne dans tout le pays après le scrutin ont suscité des inquiétudes quant à la transparence du processus électoral.

Dans la capitale Libreville, des centaines de personnes sont descendues dans les rues pour célébrer l'éviction apparente de Bongo. Les putschistes ont placé en résidence surveillée Ali Bongo, 64 ans, affaibli depuis son AVC en 2019. Ils ont aussi annoncé l'arrestation de son fils et d'autres personnes accusées de corruption et de trahison.

S'il se confirme, ce coup d'Etat dans une ancienne colonie française, réputée alliée des pays occidentaux, risque d'affaiblir encore un peu plus la place de la France en Afrique. Des juntes militaires ont déjà pris le pouvoir depuis 2020 au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et, le mois dernier, au Niger.

Paris, qui a condamné « le coup d'Etat militaire », par la voix d'Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, fait face à une vague de sentiment anti-français dans la région du Sahel. Au Mali et au Burkina Faso, la France a retiré ses troupes qui étaient stationnées sur place tandis que les putschistes au Niger ont révoqué les accords militaires avec Paris.

Absence de groupes islamistes violents

Au Gabon, l'ancienne puissance coloniale dispose d'un contingent de 350 soldats, selon le ministère des Armées. Le pays est considéré comme un allié des pays occidentaux. Malgré la tenue régulière d'élections, il est classé comme « non libre » par l'institut Freedom House.

Toutefois, contrairement au Niger et aux autres pays de la région du Sahel, le Gabon n'est pas le théâtre de la violence exercée par les groupes islamistes qui ont fait perdre la confiance de la population dans les gouvernements élus jugés impuissants à assurer leur sécurité.

Grâce à ses ressources naturelles  — pétrole, manganèse, bois, or, diamants... —, le pays dont la population de 2,3 millions d'habitants est concentrée en milieu urbain dispose d'une rente conséquente. Membre de l'Opep, le Gabon profite de la demande de pétrole dont il a produit 210.000 barils par jour en juillet, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). « En 2020, le secteur pétrolier a représenté 38,5 % du PIB et 70,5 % des exportations malgré les efforts engagés pour diversifier l'économie », indique la Banque centrale. C'est également un producteur majeur de manganèse, un minéral dont la demande est en hausse car entrant dans la composition des batteries pour véhicules électriques. En 2022, il a extrait 4,6 millions de tonnes, ce qui le classe comme deuxième producteur mondial derrière l'Afrique du sud et devant l'Australie, selon l'USGS.

Un impact faible à l'échelle internationale

« L'impact du coup d'Etat sera faible sur les marchés internationaux car la production de matières premières du pays est trop faible, mais cela peut avoir de sérieuses conséquences pour les entreprises présentes, notamment Eramet qui exploite du manganèse », souligne un spécialiste de la région.

Lire aussiCoup d'Etat au Gabon : Eramet, TotalEnergies, Air Liquide, Air France... ces entreprises françaises qui ont misé sur ce petit pays d'Afrique centrale

« L'incapacité d'Ali Bongo à mener des réformes économiques a pu peser dans la décision des putschistes », explique-t-il. La manne des matières premières est inégalement répartie au sein de la population dont la moitié à moins de 20 ans et un tiers vit dans la pauvreté. « Pour relancer l'économie gabonaise, il faut en changer le modèle », préconisait fin juillet dans un entretien à la Tribune l'économiste Mays Mouissi, auteur  d'un rapport « 105 promesses, 13 réalisations - Le bilan du second septennat d'Ali Bongo Ondimba (2016-2023) ». L'économiste pointait notamment l'échec du président déchu à tenir ses promesses lors des sept ans de son deuxième mandat, qui s'est soldé par un taux de croissance annuel du PIB d'à peine 2 à 3%, un taux de chômage passé de 28% à 32%, et celui de la pauvreté qui s'est aggravé de 30% à 34%.

Robert Jules
Commentaires 29
à écrit le 01/09/2023 à 2:54
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Le manque de DEMOCRATIE entretenu par la FRANCE AFRIQUE alimente la formation de coup d etat suele chance pour les AFRICAINS de sortir de la pauvretee

à écrit le 31/08/2023 à 19:53
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Bonjour, bon lorsque que certains individus sont élus démocratiquement 2,3 ou 4 fois en suivant, ons peux se poser des questions... Pour le Gabon, ou autre pays africains les présidents a vie ne sont plus acceptable....

à écrit le 31/08/2023 à 18:30
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"Un coup d'Etat au Gabon met fin au règne de la dynastie Bongo" dit La Tribune. Il faudrait ajouter et peut-être aussi de la présence de la France!

à écrit le 31/08/2023 à 12:00
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@megadebt. "Jusqu'à preuve du contraire la corruption dans les pays prétendus pauvres africains (cf. abondance de ressources naturelles, main d'oeuvre et normalisation de l'économie informelle) est surtout financée hors d'Afrique notamment par la Fra...

le 31/08/2023 à 13:18
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"pourquoi l'Occident n'a-t-elle pas déjà fourni tous les outils en suffisance pour étendre largement le niveau d'instruction des populations d'Afrique? " Nous ne sommes plus capables de garder un niveau décent d'instruction en France (baisse du nive...

le 31/08/2023 à 18:54
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@Adieu BCE. "Nous ne sommes plus capables de garder un niveau décent d'instruction en France". Tout à fait exacte!

à écrit le 31/08/2023 à 11:01
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La Démocratie est chose fragile: nous avons connu 1958; l'Egypte, l'Algérie, la Lybie... et même les USA avec Trump; et nous espérons pour la Russie.

le 31/08/2023 à 11:10
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Le meilleur peut et doit arriver avec Trump qui consistera en un retour de la démocratie évacuée par les biden et l' état profond us. Tucker Carlson journaliste indépendant et républicain et qui supporte tous les jours Trump ...

le 31/08/2023 à 17:18
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"et même les USA avec Trump" Est-ce que la démocratie aime la guerre ,vaste sujet A noter ,que contrairement à Obama et Biden ,il n'y a pas eu de guerre sous son mandat,concrètement, les États-Unis n'ont en effet pas officiellement déclenché de...

à écrit le 31/08/2023 à 10:15
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2012 : A une dizaine de jours du sommet de la Francophonie, le président du Gabon Ali Bongo, un des plus proches alliés de la France en Afrique, a semé le trouble lundi en se prononçant pour l'introduction de l'anglais dans son pays et en vantant ...

le 31/08/2023 à 13:20
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On ne peut pas les plaindre: si on veut une économie qui marche et des citoyens qui soient intégrés dans les marchés mondiaux il vaut mieux savoir parler anglais que français

le 31/08/2023 à 18:59
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@Adieu BCE. Tout à fait exacte.

à écrit le 31/08/2023 à 9:54
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Aujourd' hui le Courrier des Stratèhes interroge "Pouvons-nous formuler l’hypothèse que le coup d’Etat ait été organisé en relation avec une ou des puissances qui veulent changer les équilibres sur le contrôle des ressources du pays ?". Voilà ...

à écrit le 31/08/2023 à 9:30
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Dossier 51, Churchill, Raymond, Rogger, pseudos très stéréotypés, sont ils de vrais personnes ou des créations d'agences Web pour créer une apparente animation (fictive) sur les sections commentaires de ce site?

le 31/08/2023 à 13:22
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Je ne sais pas mais il me semble que Rutabaga soit crée par une intelligence artificielle générative de niveau supérieur

le 31/08/2023 à 17:20
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Ouf, je suis pas dedans.

à écrit le 31/08/2023 à 9:30
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Échec lamentable de la diplomatie française en Afrique, il est évident que le racisme inhérent à notre classe dirigeante n'a pas aidé, quand on prend systématiquement les africains de haut à un moment où à un autre ils vont sortir de notre champ de v...

le 31/08/2023 à 17:32
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En général je ne connais aucune junte militaire qui améliore le niveau de vie de ses habitants au contraire, les militaires africains sont évidement connus pour leur combat contre la corruption, respectent les droits de l'homme, ne sont pas du tout c...

le 01/09/2023 à 9:22
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Ce serait étonnant en effet mais ce sont les dégâts connus de la corruption au pouvoir.

à écrit le 31/08/2023 à 9:20
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Contrairement au Niger, ce n'est pas une si mauvaise nouvelle.6

à écrit le 31/08/2023 à 6:19
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qui peut encore croire que voter ça sert à faire autre chose que de remplir des urnes .... funéraires? la kalachnikov ça rapporte plus et plus vite! Construire c'est long et difficile, détruire c'est facile et ça peut rapporter gros. Le modèle africa...

à écrit le 31/08/2023 à 5:45
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Mais aussi de la dynastie de nos politiciens qui dansaient la danse du ventre devant les Bongo. Que de compromissions politiques d'une partie de nos élites toute couleur confondue . Quel pays représente le mieux la France-Afrique que le Gabon. Ne pa...

à écrit le 31/08/2023 à 3:42
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A force de tirer sur la ficelle il arrive qu’elle casse. C’est ce que la famille Bongo vient de subir et c’est tant mieux

à écrit le 30/08/2023 à 20:02
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On n'agresse pas les nouveaux dirigeants d'un pays souverain avant de savoir quelles sont leurs intentions à notre égard. Sinon on va encore aussi mal jouer qu'au Niger. Un peu de pragmatisme, ça aide...

à écrit le 30/08/2023 à 19:37
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Sinon - à l'échelle plus globale - avec la cartographie du monde qui redessine les plans des nouvelles chaînes d'approvisionnement des matières premières, sur fond d'une inflation galopante non maîtrisée et d'un nouvel ordre monétaire en mouvement, t...

à écrit le 30/08/2023 à 19:04
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Il faut espérer que l'armée gabonaise puisque organiser pacifiquement une transition démocratique par la validation de toute élection par la majorité du corps électoral et non en terme de suffrages exprimés tronqués par l'abstention. A défaut l...

le 30/08/2023 à 19:49
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L'Afrique est construite sur des systèmes tribaux et claniques où la corruption demeure endémique. L'Afrique n'a pas le même regard que l'Occident sur son continent, en ce sens, je pense qu'il est illusoire de réfléchir en terme de démocratie dans de...

le 30/08/2023 à 20:36
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@Raymond Jusqu'à preuve du contraire la corruption dans les pays prétendus pauvres africains (cf. abondance de ressources naturelles, main d'oeuvre et normalisation de l'économie informelle) est surtout financée hors d'Afrique notamment par la ...

le 31/08/2023 à 8:03
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@megadebt. "Jusqu'à preuve du contraire la corruption dans les pays prétendus pauvres africains (cf. abondance de ressources naturelles, main d'oeuvre et normalisation de l'économie informelle) est surtout financée hors d'Afrique notamment par la Fra...

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