Avec la reprise, le débat sur l'austérité fissure l'Europe

Plusieurs ministres des Finances de pays européens ont plaidé vendredi pour que les règles européennes de discipline budgétaire soient adaptées afin de favoriser la poursuite des investissements dans l'économie post-pandémie de COVID-19.
Les règles définies dans le pacte de stabilité et de croissance européen - déficit public limité à 3 % du produit intérieur brut (PIB) et dette publique contenue à 60 % du PIB – ont été suspendues par la Commission européenne en mars 2020 afin de permettre aux Etats membres de l'Union européenne (UE) d'adopter des mesures d'urgence pour limiter l'impact de la crise sanitaire internationale sur leur économie.
Les règles définies dans le pacte de stabilité et de croissance européen - déficit public limité à 3 % du produit intérieur brut (PIB) et dette publique contenue à 60 % du PIB – ont été suspendues par la Commission européenne en mars 2020 afin de permettre aux Etats membres de l'Union européenne (UE) d'adopter des mesures d'urgence pour limiter l'impact de la crise sanitaire internationale sur leur économie. (Crédits : Yves Herman)

C'est un débat qui fracture l'Europe depuis des décennies. Les ministres des Finances de l'UE ont préparé le terrain vendredi à un rétablissement progressif des règles de rigueur budgétaire à partir de 2023 tout en lançant une discussion sur leur réforme qui divise les Vingt-Sept.

Pour éviter un effondrement économique dans le contexte de pandémie, l'Union européenne avait mis de côté temporairement le "pacte de stabilité", qui limite les déficits publics à 3% et la dette à 60% du produit intérieur brut (PIB). Mais avec le retour de la croissance, se pose la question de sa remise en place. Plusieurs dirigeants appellent cependant à ne pas commettre l'erreur de la crise de 2008. "L'erreur que nous voulons éviter est la consolidation budgétaire trop rapide. Cela a tué la croissance en 2008" a expliqué le ministre des Finances Bruno Le Maire lors d'une réunion avec des journalistes jeudi dernier.

Consultation citoyenne

Réunis à Kranj (Slovénie) depuis vendredi matin, et jusqu'à samedi, les ministres des Finances de l'UE ont entamé de premiers échanges entre défenseurs de l'orthodoxie et partisans d'un assouplissement, faisant réapparaître la ligne de fracture entre "frugaux" du nord de l'Europe et pays du sud.

Bruxelles prévoit de relancer à l'automne une consultation citoyenne, point de départ d'une discussion sur une réforme du pacte de stabilité qui s'étirera durant des mois. Ce débat, déjà lancé avant la pandémie, avait été suspendu à cause de la crise.

Il revient dans un contexte bouleversé par la récession historique subie l'an dernier. "Il y a des règles qui sont visiblement obsolètes", a estimé le ministre français des Finances Bruno Le Maire. "Il va falloir un retour à l'équilibre budgétaire qui soit différent" selon les pays, a-t-il ajouté.

La chute d'activité combinée aux dépenses des gouvernements pour protéger les entreprises et l'emploi, ont provoqué de lourds déficits. Le ratio de dette publique des 19 pays partageant la monnaie unique a atteint pour la première fois en 2020 le seuil symbolique de 100% du PIB, contre 86% en 2019.

Le choc a touché bien plus durement les pays du sud, les plus endettés, qui vivent davantage des services liés au tourisme, premières victimes des restrictions sanitaires. Le ratio d'endettement de la Grèce a redépassé les 200% du PIB, celui de l'Italie frôle les 160%, contre près de 120% pour l'Espagne et la France.

 Investissements verts

Un strict retour au pacte budgétaire d'avant-crise entraînerait pour ces pays une réduction brutale des investissements publics au risque de replonger l'Europe toute entière dans la récession.

L'effondrement de la dépense minerait par ailleurs la lutte contre le changement climatique qui nécessite de rénover des millions de logements, de bâtir des réseaux de bornes de recharge pour les voitures électriques ou de construire un nouveau système énergétique décarbonné.

"Si nous sommes sérieux avec la transition climatique, et nous le sommes, nous devrons éviter ce qui s'est produit lors de la crise précédente quand l'investissement public a fini par être réduit à zéro", a averti le commissaire européen à l'Economie, l'Italien Paolo Gentiloni, qui défend une "réforme en profondeur", à l'instar des pays du sud et de la Banque centrale européenne (BCE). Il plaide pour une politique de croissance, seul moyen, selon lui, de réduire à terme les déficits.

Mais les "frugaux", qui s'inquiètent de devoir payer pour les excès supposés de leurs voisins, redoutent l'abandon de la rigueur. Avec le retour de la croissance, attendue à 4,8% cette année et 4,5% l'an prochain pour la zone euro, ils estiment que le pacte de stabilité doit être réinstauré dès 2023 en utilisant les marges d'interprétation qu'il prévoit déjà.

"Tout le monde sait que nous devons retourner aux critères de stabilité, mais tout le monde sait aussi que cela nécessite une transition (et) tout cela est possible dans le cadre des règles existantes", a affirmé le ministre allemand des Finances Olaf Scholz.

Il a rappelé l'action pragmatique et la solidarité dont l'Europe a fait preuve dans la crise, notamment avec le plan de relance de 750 milliards d'euros financé par une dette commune. "Des simplifications et adaptations qui favorisent une meilleure mise en application méritent d'être discutées, mais seulement si les nouvelles propositions ne mettent pas en péril la viabilité budgétaire des Etats membres et de la zone euro", ont estimé huit pays "frugaux", dont l'Autriche, le Danemark, et les Pays-Bas, dans une lettre publiée jeudi soir.

Lire aussi 6 mnPlan de relance européen : un effet intégrateur en attendant l'effet multiplicateur

(avec agences)

Commentaires 3
à écrit le 13/09/2021 à 7:36
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La Bourse s'est jamais si bien portée. Ou est la menace sur la croissance ?

à écrit le 11/09/2021 à 17:36
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"Cela a tué la croissance en 2008" Pourtant, tout le monde, médias et politiciens se félicitaient de la reprise rapide de l'économie grâce à eux bien entendu à ce moment là. Ils nous racontent n'importe quoi.

à écrit le 11/09/2021 à 17:30
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les politiciens francais sont furieux, ils pensaient jeter l'argent ( des autres) par la fenetre, sans aucune consequence ( par exemple pas comme avec la republique de weimar), et quoi qu'il en coute; ils pensaient faire plein de cadeaux avec de l'a...

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