La Pologne, la Slovaquie et la Hongrie s'écharpent avec l'Ukraine sur les importations de céréales

Les trois pays ont annoncé prolonger l'embargo sur les importations de céréales ukrainiennes alors que celui-ci a été levé par Bruxelles. En riposte, Kiev a décidé de porter plainte.
En mai 2022, l'UE a levé les droits de douane sur les céréales ukrainiennes.
En mai 2022, l'UE a levé les droits de douane sur les céréales ukrainiennes. (Crédits : REUTERS/Viacheslav Musiienko)

Les tensions autour des céréales ukrainiennes sont montées d'un cran, lundi. Kiev a annoncé avoir porté plainte devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre trois pays de l'Union européenne, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie, après leur refus de lever l'embargo sur les importations ukrainiennes, comme le demande Bruxelles.

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Pour rappel, en mai 2022, l'UE a levé les droits de douane sur les céréales en provenance d'Ukraine. Cette décision, destinée à soutenir le pays privé de ses débouchés commerciaux en Afrique ou au Moyen-Orient en raison de l'invasion russe, a eu pour conséquence de faire affluer en Pologne, Slovaquie et Hongrie, des céréales ukrainiennes à prix bradé. En effet, depuis le début du conflit en février 2022 qui entrave les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, les pays voisins de l'Ukraine sont devenus incontournables pour le transit de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens vers l'Afrique et le Moyen-Orient. Mais une partie est restée bloquée sur leur sol en raison de leurs tarifs avantageux et de problèmes logistiques.

Embargo sur les céréales ukrainiennes

Inquiets devant la saturation des silos et l'effondrement des prix locaux, plusieurs des pays concernés avaient donc décrété, au printemps, un embargo unilatéral. La Commission européenne avait alors formellement autorisé cinq des Etats membres (la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie) à bloquer sur leur sol la commercialisation de blé, maïs, colza et tournesol ukrainiens afin de protéger leurs agriculteurs. Et ce, à titre temporaire et sous réserve de maintenir le passage des céréales vers d'autres destinations.

Vendredi dernier, Bruxelles a donc mis fin à cet embargo temporaire en estimant notamment que les « distorsions de marché » causées par l'afflux de céréales ukrainiennes avaient « disparu ».

Si la Roumanie a « regretté » cette décision, se gardant de toute mesure unilatérale et que la Bulgarie a accepté de lever l'embargo au nom de « la solidarité avec l'Ukraine », la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie ont, elles, décidé de braver la décision de la Commission, pourtant compétente pour définir la politique commerciale des Vingt-Sept. La Hongrie a ainsi annoncé une extension des restrictions à 24 produits au lieu de quatre, suivie de la Pologne où le gouvernement de droite populiste en fait « une question fondamentale » à un mois d'élections parlementaires. De même, la Slovaquie a décrété un embargo jusqu'à la fin de l'année, tandis que la Roumanie s'est dite prête à faire de même pour une durée d'un mois si elle n'obtenait pas les garanties nécessaires de Kiev. Toutes mettent en avant la protection de leurs agriculteurs pour justifier cette décision.

Plainte de Kiev

Au grand dam de l'Ukraine qui a donc annoncé porter plainte contre les trois pays expliquant qu'il est « pour nous crucial d'établir que des Etats membres ne peuvent pas interdire à titre individuel l'importation de biens ukrainiens », selon la ministre de l'Economie, Ioulia Svyrydenko. « C'est pour cela que nous portons plainte contre eux », a-t-elle justifié dans un communiqué, soulignant toutefois espérer « que ces pays vont lever leurs restrictions et que nous n'aurons pas besoin d'aller devant les tribunaux pendant une longue période pour régler notre litige ».

Rien n'est moins sûr. Le porte-parole du gouvernement polonais a, en effet, indiqué que son pays maintiendra son embargo en dépit de la plainte déposée par Kiev. « Nous maintenons notre position, nous pensons qu'elle est juste, elle est aussi le résultat d'une analyse économique et des pouvoirs qui découlent du droit communautaire et international », a déclaré Piotr Müller à la télévision Polsat News, ajoutant la plainte devant l'OMC « ne nous impressionn(ait) pas ».

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De son côté, le commissaire européen à l'Agriculture Janusz Wojciechowski s'est dit « surpris que Kiev s'engage dans cette voie » étant donné « les efforts considérables fournis par les Etats membres » et le fait que ses volumes d'exportation via l'UE ont nettement augmenté ces derniers mois malgré les restrictions.

« Je reste optimiste qu'on puisse résoudre ces différends via un dialogue à l'amiable, même si cette plainte complique la situation », a-t-il déclaré, estimant qu'« une rupture de l'unité de l'UE » ne profiterait pas à l'Ukraine.

Un navire transportant des céréales quitte un port ukrainien

Alors que la Russie a refusé, en juillet dernier, de prolonger une nouvelle fois l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes et menace désormais de prendre pour cible les bateaux ukrainiens qui s'aventureraient en mer Noire, un navire transportant du blé a réussi à quitter un port ukrainien. « Le vaisseau "Resilient Africa" avec trois tonnes de blé a quitté le port de Tchornomorsk et se dirige vers le Bosphore », a ainsi indiqué ce mardi le ministre ukrainien des Infrastructures Oleksandre Koubrakov sur X (ex-Twitter).

Selon lui, le bateau est l'un des deux navires entrés dans le port de Tchornomorsk la semaine passée. Le deuxième bateau se trouve toujours dans le port, en train d'être chargé de blé pour l'Egypte, a précisé le responsable.

L'Ukraine avait annoncé samedi que ces deux cargos, Resilient Africa et Aroyat battant pavillon de Palaos, naviguaient en mer Noire en direction de ses ports, une première depuis juillet.

(Avec AFP)

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