Travailleurs des plateformes numériques : bientôt salariés ? Bruxelles y réfléchit sérieusement, les Etats prêts à négocier

Les pays membres de l'UE ont annoncé le 12 juin qu'ils sont prêts à négocier avec le Parlement européen le projet de législation préparé par la Commission pour renforcer les droits des travailleurs de plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo.
La grande majorité des 28 millions de travailleurs des quelque 500 plateformes recensées dans l'UE sont aujourd'hui des travailleurs indépendants.
La grande majorité des 28 millions de travailleurs des quelque 500 plateformes recensées dans l'UE sont aujourd'hui des travailleurs indépendants. (Crédits : DR)

Requalifier comme salariés de nombreuses personnes aujourd'hui considérées comme des indépendants. Telle est la piste privilégiée par la Commission européenne afin de renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques, comme Uber ou Deliveroo.

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Alors que les réglementations sur les plateformes sont, encore à ce jour, très disparates au sein de l'Union européenne, Bruxelles veut créer une présomption de salariat autour de cinq critères communs à tous les pays membres : le fait qu'une plateforme fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d'uniforme, ou encore interdit de travailler pour d'autres entreprises.

Les 27 pays de l'UE plus prudents

Si, au moins, deux critères sont remplis, la plateforme serait « présumée » employeur. A ce titre, elle devrait se soumettre aux obligations du droit du travail (salaire minimum, temps de travail, indemnités maladie, congés payés, retraite...) imposées par la législation du pays concerné. La proposition de la Commission prévoit par ailleurs d'imposer une transparence accrue sur le fonctionnement des algorithmes des applications, en informant les travailleurs sur la façon dont ils sont supervisés et évalués (distribution des missions, attribution de primes...).

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Les 27 Etats membres de l'Union européenne, eux, veulent restreindre le champ de la présomption de salariat. Leur position prévoit de rehausser le seuil à trois critères, sur un total qui passerait à sept, réduisant le nombre de travailleurs concernés par une requalification. Les eurodéputés avaient adopté une position encore plus protectrice des droits des travailleurs lors d'un vote en séance plénière le 2 février dernier. Ils plaident notamment pour qu'en cas de litige, il incombe à l'entreprise de prouver qu'elle n'emploie pas le travailleur. Les négociations entre pays membres et eurodéputés peuvent désormais commencer. Elles devraient durer plusieurs mois avant d'aboutir au texte final.

Une fronde des plateformes

La grande majorité des 28 millions de travailleurs des quelque 500 plateformes recensées dans l'UE sont aujourd'hui considérés comme des travailleurs indépendants. Selon les estimations européennes, 5,5 millions d'entre eux sont aujourd'hui considérés, à tort, comme tels. Les plateformes s'opposent farouchement à toute requalification importante, redoutant une multiplication des procédures judiciaires et des conséquences négatives pour l'emploi.

Le texte approuvé par les Etats membres « apporte plus de clarté que la proposition initiale » de la Commission, mais « il ne parvient toujours pas à tracer une ligne assez claire entre l'emploi et le travail indépendant et n'améliore pas vraiment la situation des travailleurs réellement indépendants », s'est inquiété lundi le lobby des plateformes, la fédération Delivery Platforms Europe.

A Barcelone, la justice européenne donne raison aux plateformes

A la demande des taxis, qui dénonçaient une concurrence illégale des plateformes de services de transport, l'aire métropolitaine de Barcelone, dirigée par la gauche, a appliqué dans les années 2010 un quota d'un VTC pour 30 taxis au sein de l'agglomération. Cette politique a été contestée en justice par plusieurs plateformes, qui dénoncent une entrave à leur activité. L'une d'elles, la société Prestige and Limousine S.L., a saisi la Cour supérieure de justice de Catalogne, poussant cette dernière à se tourner vers la CJUE.

Dans son arrêt, la CJUE reconnaît que « l'exigence de l'autorisation préalable peut être considérée comme nécessaire pour atteindre les objectifs de bonne gestion du transport, du trafic et de l'espace public ainsi que de protection de l'environnement » dans les villes européennes.

Mais « cette autorisation spécifique doit être fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l'avance », insiste la Cour européenne, pour qui « l'objectif d'assurer la viabilité économique des services de taxi (...) ne peut constituer une raison impérieuse d'intérêt général ».

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 13/06/2023 à 10:52
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Cette absurde volonté de vouloir générer le salariat sera contre productive. Les plus grosses plateformes vont faire une analyse économique pour voir le coût de cette nouvelle contrainte(augmentation de rémunération,charges sociales et fiscales etc....

le 13/06/2023 à 14:10
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Pour vous le fait d'avoir aucune compétence en dehors de savoir faire du vélo vous ôte le droit d'avoir pour le moins une couverture sociale à défaut d'un revenu minimum ?

à écrit le 13/06/2023 à 10:03
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C'est une bonne démarche, il serait temps d'arrêter de massacrer aussi massivement le travail, par contre le statut de travailleur détaché européen, validé par le traité constitutionnel que le peuple français dans sa grande sagesse avait pourtant mas...

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