Où vont les millions d'euros d'amendes infligées par les régulateurs aux entreprises ?

La Cnil, l'AMF ou encore la Commission européenne et la Banque centrale européenne...Elles ont le pouvoir de sanctionner les entreprises pour leurs manquements. Des amendes qui peuvent grimper à des sommets comme celle de 75 millions d'euros infligée à la société de gestion H2O AM fin septembre. Une fois récupérées, comment sont utilisées ces sommes record ? À qui sont-elles allouées ? Décryptage.
Maxime Heuze
Apple a du payer 8 millions d'euros à l'Etat français suite à une amende infligée par la CNIL début janvier pour violation des règles de protection des données personnelles
Apple a du payer 8 millions d'euros à l'Etat français suite à une amende infligée par la CNIL début janvier pour violation des règles de protection des données personnelles (Crédits : Dado Ruvic)

Elles s'élèvent à plusieurs millions d'euros. Ces derniers jours, les autorités financières ont adressé plusieurs amendes salées aux entreprises ne respectant pas les règles européennes et nationales. Mercredi 4 janvier, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) française a ainsi infligé une amende de 8 millions d'euros à Apple pour violation des règles de protection des données personnelles (RGPD) et une de 5 millions d'euros à l'application de partage de vidéos, Tiktok, pour n'avoir pas permis aux utilisateurs de son site web de refuser simplement les cookies, comme l'a annoncé le 12 janvier le gendarme français des données personnelles. Un peu plus tôt, le 23 décembre, il indiquait avoir sanctionné d'une amende record Microsoft. Ce dernier a dû, en effet, s'acquitter de 60 millions d'euros pour ne pas avoir assez simplifié la possibilité pour les utilisateurs du moteur de recherche Bing de refuser les « cookies ». Le 30 décembre, c'est l'Autorité des marchés financiers (AMF) qui a infligé une amende record de 75 millions d'euros à la société de gestion H2O AM pour « plusieurs manquements à leurs obligations professionnelles ».

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Ces sanctions ne sont pas uniquement l'apanage des institutions françaises. Le 28 novembre, c'est la Commission de protection des données (DPC), le régulateur irlandais pour le compte de l'Union européenne, qui a sanctionné Meta, la maison mère de Facebook, en lui demandant de payer 265 millions d'euros pour ne pas avoir protégé suffisamment les données de ses utilisateurs.

Mais alors, où finit l'argent de ces lourdes sanctions ?

Les amendes des régulateurs français

Concernant les amendes émises par les institutions françaises de régulation et de supervision des entreprises, l'argent qu'elles récoltent est envoyé dans les caisses de l'Etat. Ainsi « un titre de paiement est adressé à l'organisme concerné (par une amende) qui paye directement l'amende au ministère de l'économie et des Finances », explique la CNIL. Il en est de même pour les sanctions émises par l'Autorité de régulation prudentielle et de contrôle et celles de l'Autorité de la concurrence. Une nuance est cependant apportée par les organismes financiers. L'Autorité des marchés financiers précise, en effet, que « le code monétaire et financier prévoit que les sanctions infligées notamment aux sociétés de gestion et à leurs dirigeants sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la société de gestion ou, à défaut, au Trésor public ».

L'argent de ces amendes versées par les entreprises qui enfreignent des règles françaises sont donc reçues par Bercy. Ainsi, en 2021, le ministère de l'Economie et des Finances a reçu 196 millions d'euros en 2021 des régulateurs. En comparaison, c'est 3,5 fois moins que l'argent récolté grâce aux radars routiers, estimé à 655 millions en 2021 par la Cour des comptes.

Ces sommes sont ensuite allouées au budget de l'année en cours, en temps que « produit des amendes prononcées par les autres autorités administratives indépendantes ». Ce mécanisme permet « de ne pas avoir d'intérêt des institutions de régulation à prononcer des sanctions, explique Thierry Philipponnat, chef économiste de l'ONG Finance Watch. Ça évite le conflit d'intérêt. À l'inverse aux Etats-Unis, ce n'est pas le même principe. Les sanctions sont affectées à des projets ou des institutions. Il y a un côté chasseur de primes dans le système américain que nous n'avons pas du tout en France et qui n'est pas sain ».

Le système des sanctions au niveau européen

La France et, de manière générale les Etats, ne sont pas les seuls à infliger des amendes. La Commission européenne est, elle aussi, amenée à émettre des sanctions à l'image de celle de 4,1 milliards d'euros adressée à Google pour ne pas avoir respecté la concurrence avec son système d'exploitation Android en 2018. En 2021, 2,1 milliards d'euros ont ainsi été perçus par la Commission. Cette somme a été directement envoyée dans le budget général de l'Union européenne. Ce budget co-géré par la Commission et le Parlement européen a notamment servi à financer le plan de relance européen « Next generation EU » qui a permis aux Etats-membres de se dispatcher 750 milliards d'euros d'aides de l'UE. Mais il finance aussi des travaux de recherche scientifique ou encore des projets de construction comme le financement des travaux de désensablement du Mont-Saint-Michel entre 2005 et 2015.

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La Banque centrale européenne, de son côté, peut aussi imposer des sanctions pécuniaires aux banques importantes qui enfreignent le droit de l'Union européenne. Le 16 décembre 2022, la BCE a infligé une amende de 3,14 millions d'euros à la banque espagnole Abanca pour ne pas avoir signalé une cyber-attaque. Au total, les « sanctions administratives » infligées par la gardienne de l'euro se sont établies à un million d'euros en 2021. « Nous gardons une partie de ces amendes récoltées en réserve et nous en reversons une partie aux banques centrales nationales, comme la Banque de France. Elles-mêmes sont ensuite amenées à reverser une partie de ces sommes au Trésor public », explique l'institution.

Maxime Heuze

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Commentaire 1
à écrit le 18/01/2023 à 6:49
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Ça sert à quoi vu que c'est toujours le consommateur qui paie l'addition au final ? Si le but est de lutter contre les GAFAM en informatique, alors il faudrait peut-être "pousser" GNU/Linux et les autres logiciels libres à remplacer les vieux logicie...

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