
Avec la hausse des taux d'intérêt, l'inflation et la baisse de la demande, les procédures collectives, notamment les redressements judiciaires, prennent de plus en plus d'ampleur. C'est ce que tend notamment à montrer le dernier baromètre de Xerfi, réalisé avec le conseil national des Greffiers des Tribunaux de Commerce (CNGTC) sur la situation des entreprises au troisième trimestre.
Basées sur les données des greffes des tribunaux de commerce, les deux organisations font état de « voyants rouges » concernant « l'évolution du tissu entrepreneurial ». Rien qu'au troisième trimestre, 10.400 entreprises ont fait l'objet d'une ouverture de procédure collective, c'est-à-dire qu'elles ont été placées sous contrôle judiciaire à cause de difficultés, soit une augmentation de 22% sur un an. Mais tous les secteurs ne sont pas égaux face à la conjoncture.
Immobilier et BTP en première ligne
Dans le détail, le nombre de liquidations judiciaires a bondi de 18% au troisième trimestre cette année par rapport à 2022, portant ainsi son total à 7.723. Sans grande surprise, c'est le secteur de l'immobilier qui paie le plus les pots cassés. Après des années d'euphorie, l'heure est à la hausse des taux d'intérêts venant compliquer l'accès au crédit et à la baisse des prix des biens. Le secteur subit de plein fouet le retournement du marché : près de 165 agences immobilières ont ainsi été placées en liquidation judiciaire sur la période allant du 1er juillet au 30 septembre 2023, soit une augmentation de 175% sur un an!
Dans la même veine, le bâtiment continue à faire grise mine, touché par la crise du logement. Sur ce secteur, « le problème est imminent », confie Sophie Heurley, greffier associée au tribunal de commerce de Narbonne et membre du Bureau du CNGTC. « On constate une chute des mises en chantier des bâtiments neufs, une hausse du prix des matières premières, peu de demandes concernant la rénovation et des prêts de plus en plus difficiles à obtenir avec l'augmentation des taux », argumente-t-elle. Et tous les acteurs sont touchés, aussi bien les grosses entreprises que les petits artisans. Les entreprises spécialisées dans les travaux de maçonnerie générale et le gros œuvre de bâtiment voient ainsi une augmentation de 90% des liquidations judiciaires.
Des raisons liées à la conjoncture
Certains commerces et services de proximité subissent également le contexte morose actuel. C'est le cas notamment des boulangeries-pâtisseries ainsi que des salons de coiffure qui pâtissent des hausses de coûts et de la baisse de la demande.
« A l'époque, les procédures collectives intervenaient en cas de décès, à la suite d'un divorce ou d'importantes dettes », explique Sophie Heurley. « Dorénavant, quand une entreprise est en difficulté, c'est uniquement pour des raisons liées à la conjoncture », complète-t-elle.
Les commerces subissent toujours les prix élevés de l'énergie et des matières premières. A cela s'ajoute également le remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE). Pour le moment néanmoins, la situation reste gérable pour la plupart des boîtes : seuls 4% des PGE ont rencontré des difficultés de remboursement, déclarait, en début 2023, la Fédération bancaire française (FBF).
Surtout d'après Sophie Heurley, un autre phénomène vient expliquer cet accroissement des ouvertures de procédures collectives : la reprise du paiement des cotisations. Pendant la crise sanitaire, les charges des sociétés ont pu être reportées. Mais avec la reprise des paiements, certaines ont dû être placées en redressement voire liquidation judiciaire. « Et quand on a peur, on veut diminuer le risque, et on investit moins », relève Sophie Heurley. Pour preuve, le nombre de créations d'entreprises a diminué de 2,5% au troisième trimestre, selon le baromètre.
« La reprise du cours normal de l'économie, maintenue sous perfusion depuis quelque temps »
Cependant, la hausse des liquidations judiciaires reste moindre comparée au second trimestre qui avait vu une augmentation de 36% de ces procédures. Certains secteurs se retrouvent également davantage épargnés. C'est le cas notamment des activités de transport et entreposage, qui connaissent une « hausse des ouvertures de procédures limitée à 13% », note le baromètre.
Finalement, d'après Sophie Heurley « cette vague indique la reprise du cours normal de l'économie, maintenue sous perfusion depuis quelque temps ».