Une poignée de biens, toujours très prisés. En pleine crise du logement, le marché des châteaux semble faire figure d'exception si l'on en croit les agents immobiliers spécialisés dans cette activité.
« C'est la meilleure année que nous n'ayons jamais faite en termes de chiffre d'affaires », se félicite en effet Patrice Besse, fondateur de l'agence du même nom, spécialiste des châteaux, qui affiche une vingtaine de ventes sur les douze derniers mois.
Même son de cloche pour Olivier Brunet, directeur associé chez Barnes Propriétés et Châteaux. « Il y a 5-6 ans nous ne vendions presque rien mais, aujourd'hui, le marché est dynamique », confirme-t-il après avoir réalisé une quinzaine de ventes cette année.
Des amoureux de châteaux toujours au rendez-vous
Depuis les confinements, les envies de nature aux citadins aisés et les particuliers rêvant de posséder l'un des 40.000 châteaux français sont plus nombreux que jamais. Patrice Besse fait état de 70.000 demandeurs de châteaux en attente dans son agence. Et ces derniers jettent principalement leur dévolu sur les « petits » châteaux de 400 à 1.500 mètres carrés pour des prix allant de 500.000 et 4 millions d'euros.
Fait notable, la crise du crédit ne pose étonnamment pas de problème aux acheteurs.
« Les acheteurs mûrissent longtemps leurs projets et attendent d'avoir leur financement avant de faire une offre », explique Olivier Brunet.
Un marché d'achats « coups de cœur », peu spéculatif
Ce marché est également peu sensible aux dynamiques des prix, selon les agents interrogés. Il est d'ailleurs quasiment impossible de donner une moyenne et une dynamique car les prix dépendent de l'état du bien, de sa localisation, mais surtout des coups de cœur des acheteurs. D'autant que tous n'ont pas constaté de baisse de leur pouvoir d'achat. Nombre d'Américains ont profité de la hausse du dollar, en 2022 et 2023, pour acheter leur petit bout de France.
Reste qu'avec les inquiétudes sur le ralentissement économique et l'inflation, les acheteurs réfléchissent à deux fois avant de se lancer dans un tel projet. « Un acheteur met traditionnellement 12 à 18 mois pour se décider à acheter un bien mais ce délai est aujourd'hui rallongé de 6 mois », reconnaît Jérémie Bouchitté, directeur général associé chez Lloyd & Davis qui compte moins d'une dizaine de ventes de château en 2023. « On est revenu sur un marché de besoin et moins sur un marché de pulsion acheteuse comme à la sortie des confinements où les biens se vendaient très vite », ajoute l'agent immobilier.
Au centre des inquiétudes : « la flambée des prix de l'énergie et des coûts des matériaux », précise Gwennola Bothorel, fondatrice de l'agence GB immobilier de prestige. Les agences spécialisées dans les châteaux sont en effet de plus en plus confrontées à la question du coût du chauffage de ces grandes bâtisses généralement très mal isolées. Et pour cause, certains châtelains reçoivent des factures de chauffage à quatre chiffres pour un seul week-end passé en famille dans leur résidence secondaire.
Pour autant, « 99% des acheteurs sont prêts à faire face à ce problème. Les acheteurs sont prêts à vivre dans 3 pièces l'hiver et 5 pièces l'été et se chauffer avec un poêle à bois », assure Patrick Besse.
Mais la bonne santé du marché ne vient en réalité pas des particuliers.
Les groupes hôteliers partent à la conquête des gros châteaux
Nouveaux challengers, les groupes hôteliers, mais aussi les particuliers voulant lancer une activité d'accueil de touristes, sont « arrivés en grand nombre depuis deux ou trois ans, dans le marché des gros châteaux de plus de 1.500 mètres carrés », explique le directeur de Barnes. Paris Society, Accor ou encore Domaine de Fontenille, tous ces acteurs du tourisme veulent bénéficier de l'engouement nouveau des urbains pour les vacances luxueuses à la campagne.
Grâce à ces nouveaux acteurs, « nous avons organisé cinq transactions de gros châteaux en 2023, quand nous n'en réalisons qu'une ou deux tous les deux ans dans le passé », se réjouit Patrice Besse.
Étonnement, ces bâtisses immenses ne coûtent pas forcément plus cher que les châteaux « à taille humaine », car leur état est parfois très dégradé. Le prix d'achat de ces passoires thermiques historiques ne représente d'ailleurs généralement qu'une partie (parfois moins de 20%) de l'enveloppe totale dépensée par leurs acheteurs.
« Si un propriétaire veut remettre son château en très bon état, cela peut lui coûter 3.000 à 5.000 euros par m2 », affirme Patrice Besse.
Mais ces très lourdes charges ne rebutent pas les acquéreurs ayant des projets commerciaux, tant l'opportunité de conquérir un grand nombre de vacanciers en manque de vert est commercialement intéressante pour eux, confie l'agent.
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