Airbus conserve sa ceinture mondiale en gagnant aux points contre Boeing qui évite le KO

Comme c'est le cas depuis plusieurs années, Airbus a gagné en 2022 le match des livraisons d'avions et des prises de commandes. Pour autant, bien que dominé, Boeing relève la tête : les cadences du 737 MAX remontent (très) doucement et le 787 est sorti de l'ornière avec la reprise des livraisons et une commande record de la part de United Airlines. Décryptage.
Léo Barnier
Le 737 MAX remonte peu à peu en puissance, mais reste loin derrière l'A320 NEO.
Le 737 MAX remonte peu à peu en puissance, mais reste loin derrière l'A320 NEO. (Crédits : PETER CZIBORRA)

Ce n'est une surprise pour personne : dans le match que se livre Airbus et Boeing, l'Européen a l'avantage depuis quelques années, bien aidé par les déboires à répétition de son concurrent américain (accidents du 737 MAX, problèmes de qualité sur le 787, retards de développement sur le 777X). Sonné, ce dernier se relève peu à peu. En 2021, bien que distancé sur le terrain des livraisons, il s'était permis de vendre plus d'avions qu'Airbus. Son bilan avait néanmoins été terni par de nombreuses annulations. Lors de l'année qui vient de s'achever, Boeing a encore trouvé des ressources pour venir contester la position dominante d'Airbus, mais cette fois sur un autre terrain. Il en faudra tout de même (beaucoup) plus pour détrôner l'avionneur européen de la première place mondiale.

Depuis les deux accidents mortels du 737 MAX, Airbus et Boeing ne boxent plus dans la même catégorie quand il s'agit de livraisons. Les difficultés d'Airbus à tenir sa montée en cadence, qui ont obligé son président exécutif Guillaume Faury à revoir par deux fois ses objectifs à la baisse pour 2022, auraient pu laisser une ouverture à Boeing, mais l'écart est bien trop grand. Après avoir livré pas loin du double d'avions par rapport à son concurrent l'an dernier, le constructeur européen va rester largement devant.

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Vers les 660 livraisons

Selon nos informations, le total d'avions livrés par Airbus cette année devrait plus s'approcher des 660 appareils que de 720 initialement prévus. Confronté à des difficultés logistiques, une chaîne d'approvisionnement très tendue et des difficultés de recrutement chez ses sous-traitants, Guillaume Faury avait dû se résoudre à abaisser ses prévisions à 700 appareils en juillet, puis à moins de 700 début décembre.

Si le communiqué d'Airbus indiquait alors que le résultat final « ne devrait pas être sensiblement inférieur à l'objectif (précédent) d'environ 700 livraisons », il est évident qu'une telle annonce n'a pas été faite que pour quelques unités de différence seulement. L'avionneur européen s'était tout de même fait fort de confirmer ses objectifs financiers avec un résultat opérationnel ajusté de 5,5 milliards d'euros, ainsi qu'un flux de trésorerie libre de 4,5 milliards d'euros, avant fusions et acquisitions et financement clients.

Si le chiffre final se situe bien autour des 660 unités, Airbus aura finalisé la livraison de pas moins d'une centaine d'appareils en un mois seulement. A fin novembre, au dernier comptage officiel, le constructeur était à 563 avions livrés, dont 485 moyen-courriers.

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Boeing loin derrière

Un chiffre inatteignable pour Boeing. Pour espérer rivaliser dans le domaine des livraisons, le constructeur américain aurait dû livrer pas moins de 250 avions pour le seul mois de décembre. Une performance qui est bien trop éloignée de ses standards actuels. Selon une annonce faite aux investisseurs en novembre dernier, l'objectif était d'arriver à 375 exemplaires du 737 MAX sur l'année entière. Cela nécessitait déjà une accélération sensible en décembre, seuls 321 exemplaires ayant été livrés à fin novembre, selon le dernier décompte officiel. En ce qui concerne les long-courriers et les cellules destinées à être convertis en avions militaires, Boeing en avait livré 90 appareils à fin novembre. Au vu du rythme actuel, le constructeur devrait dépasser la centaine d'avions sur l'année entière.

Compte tenu de ces différents éléments, et partant du principe qu'il remplira son objectif pour les 737 MAX, Boeing devrait tendre vers les 500 unités sur l'année sans pour autant les atteindre. Son total devrait avoisiner les 480 appareils. Ce qui ferait environ 70 nouvelles livraisons en décembre. Sur ce total, un bon nombre de 737 et de 787 ne seront pas tout droit sortis des lignes d'assemblage : Boeing possède encore d'importants stocks d'avions accumulés pendant l'arrêt des livraisons des MAX et des Dreamliner. Ces appareils pourraient représenter une large partie des livraisons à en croire un graphique présenté par Boeing à ses investisseurs, possiblement une vingtaine de 787 et une centaine de 737 MAX.

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De forts écarts de cadences

Cet écart entre les deux constructeurs devrait se maintenir pour quelques années au moins. Airbus est aujourd'hui freiné dans sa montée en cadence. Lors des annonces début décembre, Guillaume Faury avait admis que « cet environnement complexe persistera plus longtemps que prévu ». De fait, le constructeur est contraint « d'ajuster la vitesse de montée en cadence de la famille A320 au taux 65 sur 2023 et 2024 ». Autrement dit, il n'atteindra pas son objectif de produire en moyenne 65 appareils moyen-courriers (hors A220) par mois début 2024 comme prévu. Cette cadence, qui correspond à son niveau de production avant la crise sanitaire, avait déjà été repoussée de six mois en cours d'année.

Même avec ces retards à répétition, ces chiffres ont de quoi faire rêver n'importe quel avionneur, à commencer par Boeing. Depuis plusieurs mois, le constructeur américain essaye essentiellement de stabiliser sa production de 737 MAX à 31 exemplaires par mois. Il recommence néanmoins à se projeter sur les prochaines années, avec pour objectif de s'approcher des 40 puis des 50 exemplaires par mois à l'horizon 2026. Il retrouverait ainsi le niveau qu'il avait jusqu'en 2019 (ralentissement puis arrêt de la production, suite aux deux accidents mortels de l'appareil). Dans le même temps, le 787 doit remonter à 10 avions par mois, et le 777/777X à quatre. Les 737 MAX (plus de 200) et les 787 (moins d'une centaine) encore stockés doivent être en grande partie écoulés d'ici fin 2024, et définitivement en 2025.

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Airbus domine aussi les ventes...

Du côté des ventes, Airbus a réussi une bonne année en termes de commandes brutes avec 1.062 appareils déjà vendus fin novembre. Pour la neuvième fois de son histoire, le constructeur européen passe la barre des 1.000 commandes brutes annuelles - des performances toutes réalisées depuis le début des années 2000 et l'explosion de la demande. Sans être exceptionnel, et bien qu'aucun nouveau contrat n'ait été annoncé en décembre, le bilan est indéniablement positif au vu du contexte de reprise actuel.

Paradoxalement, la photo est peut-être encore un peu plus belle lorsqu'on tient compte des annulations. Avec 237 appareils sortis du carnet de commandes fin novembre, Airbus est plutôt dans de bons standards. Si les annulations ne se sont pas envolées en décembre, le constructeur atteindrait ainsi 825 commandes nettes, son meilleur résultat depuis cinq ans.

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... mais souffre sur le long-courrier

Dans le détail, certains points sont tout de même inquiétants. Sur le long-courrier, qui est le secteur qui a le plus souffert de la crise, seuls 38 A350 ont été vendus pour 33 annulations. Sans la version cargo A350F (20 commandes, pas d'annulation), le bilan serait même négatif. Le modèle passagers le plus gros, l'A350-1000, subit le recul le plus important. Déjà faible, son carnet de commandes diminue et ne comprend plus que 140 exemplaires, dont la moitié déjà livrée.

Le constat semble encore plus grave pour l'A330 NEO (version remotorisée de l'A330). L'A330-900 engrange seulement neuf commandes brutes pour 84 annulations, d'où un bilan largement négatif. Plus du quart du carnet de commandes de l'appareil s'est ainsi évaporé, et moins de 200 exemplaires restent à livrer. Ce n'est néanmoins pas une surprise, la quasi-totalité de ces annulations ayant été enregistrées dès le premier trimestre de 2022 avec le retrait par AirAsia X (low cost long-courrier du groupe AirAsia) d'une grande partie de sa commande.

Sur le moyen-courrier en revanche, tout va bien. Si l'A319 NEO est toujours un peu faible, le reste de la famille performe pour un total de près de 900 commandes brutes. La barre des 1.000 exemplaires est même franchie avec l'apport des 127 A220, soit le deuxième meilleur total de l'histoire du programme (y compris du temps où il était commercialisé sous le nom CSeries par Bombardier). Avec un nombre d'annulations raisonnable, familles A220 et A320 NEO cumulent 896 commandes nettes.

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United change la donne

De l'autre côté de l'Atlantique, Boeing était loin derrière jusqu'à fin novembre. Mais le contrat mirobolant de United Airlines, et dans une moindre mesure celui du loueur BOC Aviation, vont changer la donne s'ils sont bien comptabilisés cette année. La compagnie américaine a commandé 100 avions long-courriers 787 (avec 100 de plus en options), et autant de 737 MAX. Le loueur basé à Singapour a lui opté pour 40 exemplaires du 737 MAX. Bien qu'une partie des MAX de United soit issue d'options de précédents contrats, le total de Boeing passe ainsi à 925 commandes brutes.

Il faut néanmoins retrancher 109 appareils, principalement pour cause d'annulations (selon le décompte en cours fin novembre). Si le total en reste là, Boeing serait ainsi au coude-à-coude avec Airbus, avec 816 commandes nettes contre 825 (sous réserve qu'aucune commande n'ait été enregistrée sans avoir été annoncée).

Dans le détail, la disparité entre moyen et long-courrier est moins forte chez le constructeur américain que chez son concurrent européen. Le 737 MAX représente la majorité des commandes avec 637 exemplaires nets. S'il y a eu moins de contrats qu'en 2021, portés par des tarifs très avantageux, les annulations ont été divisées par quatre. Le programme reprend ainsi du poil de la bête, même s'il reste handicapé par les retards de développement des versions 737 MAX 7 et MAX 10 - qui se poursuivra finalement en 2023, Boeing ayant obtenu du Congrès américain la prolongation de l'exemption qui lui permettra de faire certifier ses appareils sans avoir à y intégrer un nouveau système de sécurité EICAS (système d'affichage des paramètres moteurs et d'alerte de l'équipage).

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Un mix plus intéressant pour Boeing

Le long-courrier est lui porté par les ventes d'avions cargo, qu'il s'agisse du 767F, du 777F ou du nouveau 777-8F. Cela représente en tout une centaine d'appareils bruts. Le total aurait pu même être plus élevé, mais une partie de la commande de Qatar Airways, client de lancement du 777-8F, n'a pas été comptabilisée dans les comptes de Boeing. Sur 34 appareils fermes, seuls 14 sont pour l'instant inscrits dans le carnet de commandes. Le constructeur a aussi dû intégrer des changements de normes comptables qui font tomber le nombre de commandes nettes pour les familles 767 et 777 à 57 exemplaires.

L'autre satisfaction vient du 787 : la commande de United a permis de transformer une année faible en une année très forte, alors que le secteur des long-courriers est encore à la peine. Compte tenu d'une vingtaine d'annulations, l'appareil enregistre 122 commandes nettes. Si Boeing a globalement un peu de retard sur Airbus, son mix entre avions moyen et long-courriers est bien plus intéressant. De fait, son carnet de commandes long-courrier progresse de 179 appareils quand celui d'Airbus recule de 71 exemplaires.

Léo Barnier

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Commentaire 1
à écrit le 05/01/2023 à 19:42
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Bravo Airbus !!!

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