Boeing va mieux, mais son patron Dave Calhoun a encore du pain sur la planche

C'est indéniable, Boeing va mieux. Surfant sur d'importants succès commerciaux, dont plusieurs méga-commandes, l'avionneur américain retrouve peu à peu le sourire. Pourtant, son directeur général Dave Calhoun peine encore à faire oublier les difficultés accumulées ces dernières années.
Léo Barnier
Dave Calhoun s'attelle à restaurer la confiance chez Boeing.
Dave Calhoun s'attelle à restaurer la confiance chez Boeing. (Crédits : Reuters)

Entre la crise du 737 MAX et l'écroulement du trafic mondial, le début du mandat de Dave Calhoun a été tout sauf un long fleuve tranquille. Trois ans après, à l'approche du salon du Bourget, le directeur général de Boeing se fait fort de montrer que la page est tournée. Pourtant des difficultés restent à surmonter avant d'espérer retrouver une situation nominale. Certaines communes à l'ensemble du secteur aéronautique, d'autres spécifiques à Boeing.

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Renaissance commerciale

Lors d'une rencontre avec la presse aéronautique mondiale à Charleston (Etats-Unis), Dave Calhoun a mis l'accent sur les évolutions depuis 18 mois, insistant particulièrement sur les contrats accumulés ces derniers mois. Boeing revendique ainsi depuis le salon de Farnborough l'an dernier plus de 1.000 commandes et engagements pour les 737 MAX et les 787, les deux fers de lance de sa gamme. L'avionneur a ainsi su engranger des succès marquants comme la vente à Ryanair de 150 exemplaires de 737 MAX 10, plus 150 options. Selon l'agence Reuters, la compagnie irlandaise pourrait encore acquérir des avions supplémentaires. Il y a également les engagements de Saudia et Riyadh Air pour 78 long-courriers, 787 fermes et 43 en options. Sans oublier la commande géante de United Airlines pour 100 avions (plus 100 en options). De quoi relancer les cadences de production de l'appareil.

Dave Calhoun a insisté sur ce moment : « En décembre de l'année dernière, nous avons célébré une commande de United Airlines pour 200 de nos 787, un engagement majeur. Je ne le mentionne pas seulement à cause du nombre d'avions et de son importance pour notre entreprise, mais si vous aviez pu voir cette célébration, avec 3 à 5000 de nos employés devant des avions garés juste à l'extérieur des hangars. C'était un moment merveilleux à célébrer pour tout le monde. Et si vous pensez à ce que ces employés ont enduré au cours des 18 mois précédents, vous pouvez imaginer la célébration que nous avons eue. »

Interrogé sur le temps nécessaire pour retrouver la confiance des passagers après les deux crashs du 737 MAX il y plus de quatre ans maintenant, Dave Calhoun a assuré de la « parfaite transparence » de Boeing à ce sujet bien que cela soit « un combat de tous les jours », une « situation inconfortable » et que « les actionnaires détestent ça ». Il estime qu'avion après avion, sa compagnie s'oblige à livrer des modèles parfaits pour regagner la confiance de chacun, et que si le travail n'est pas fini, « c'est ainsi que l'on doit avancer ».

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Une certification toujours complexe

Pourtant, derrière ces nouvelles indéniablement plus réjouissantes qu'il y a quelques mois encore, des problèmes persistent. Tout d'abord, les programmes de certification continuent d'avancer au ralenti : conformément à la politique mise en place depuis la crise du 737 MAX, l'avionneur se montre très évasif sur le calendrier pour ses appareils en cours de développement se contentant d'indiquer que seule l'Administration fédérale américaine de l'aviation (FAA) est décisionnaire en la matière.

Le fait est que le 737 MAX 7 n'est toujours pas certifié bien que les essais en vols soient achevés depuis 2021. Mike Fleming, vice-président en charge des programmes en développement et du soutien à la clientèle, assure que ce n'est qu'une histoire de documentation et que cela sera réglé dans « un futur proche ». Mais le discours était déjà le même en juillet 2022. Il se dit tout de même encore confiant pour une certification cette année.

Sur le 737 MAX 10, la situation est encore plus floue. L'avion a accumulé les vols de développement, mais n'a toujours pas débuté ceux de certification. De fait, Mike Fleming affirme ainsi ne pas être mesure de dire si l'obtention du précieux sésame interviendra d'ici un an, deux ans ou au-delà. Enfin, le 777-9 continue d'accumuler les vols, mais la certification n'est pas attendue avant 2025.

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La supply chain à la peine

La question du rachat de l'équipementier Spirit Aerosystems a également été évoquée. En proie à des difficultés à répétition ces dernières années, le géant des aérostructures a connu un nouveau problème en avril dernier qui a impacté la production du 737 MAX. Dave Calhoun a tenu à mettre fin à toute rumeur à ce sujet, assurant que les équipes d'ingénieurs des deux sociétés travaillent d'arrache-pied ensemble avec un niveau de collaboration inédit. Spirit Aerosystems a fait partie de Boeing pendant des dizaines d'années avant d'être revendu en 2005.

Dans le même temps, Boeing est confronté, comme le reste de l'industrie, par les tensions qui pèsent sur la chaîne d'approvisionnement. « Nous avons une chaîne d'approvisionnement très vaste et très fragmentée par rapport à la plupart des industries. Beaucoup de ces fournisseurs fabriquent une pièce, et ils sont les seuls à la fabriquer. Lorsqu'ils faiblissent ou ne peuvent pas répondre à une augmentation de cadence, nous en souffrons. Mais nous devons rester disciplinés et continuer à travailler avec eux », a analysé Dave Calhoun. Il estime que la principale raison de ces difficultés vient des coupes très importantes opérées dans les effectifs lors de la pandémie, avec notamment le départ anticipé d'un grand nombre de salariés expérimentés à la retraite. Une force de travail que l'industrie peine aujourd'hui à reconstituer, non pas en nombre mais « en compétences, en talent et en expérience ».

Cette situation pèse fortement sur la capacité de l'avionneur américain à remonter en cadences. L'objectif premier est d'ailleurs de stabiliser la production avant tout, même si des ambitions sont affichées pour le 737 MAX et le 737 pour les trois prochaines années. Pour son moyen-courrier, Boeing veut passer d'un objectif actuel de 31 exemplaires par mois actuellement à 40 puis 50 avions mensuel à l'horizon 2026. Et pour le Dreamliner, la capacité de production vient de repasser à quatre appareils par mois et devrait atteindre 5 d'ici la fin de l'année. L'objectif est d'arriver à 10 en 2025 ou 2026.

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Où se voit Boeing dans dix ans ?

Le dernier point noir qui apparaît est sans doute le manque d'ambitions affichées par Boeing pour les futures générations d'avions. Dave Calhoun a d'abord précisé que trois modèles d'avions étaient encore en développement, ce qui représentait un travail considérable. Pour lui, il faut avant tout faire monter en maturité un certain nombre de technologies (sans vraiment mettre l'accent sur l'une d'entre elles en particulier) pour concevoir un programme capable de changer la donne au minimum pour les 50 prochaines années. Et là, de confirmer que le constructeur américain ne lancerait pas de nouveau modèle avant le milieu de la prochaine décennie.

Léo Barnier

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