La ministre des Armées Florence Parly sera à Marignane vendredi pour célébrer les succès à l'export d'Airbus Helicopters ainsi que le lancement industriel du programme HIL (Hélicoptère interarmées léger) confié au constructeur. Un programme très important pour les trois armées, le Guépard devant remplacer cinq modèles différents en service (Gazelle, Alouette III, Dauphin, Panther, Fennec). Avant Noël, le ministère des Armées a notifié au constructeur de Marignane une commande de l'ordre de 1,7 milliard d'euros pour le développement du programme HIL ainsi que la livraison des 30 premiers Guépard, la version militaire dérivée du H160. Florence Parly en profitera également pour mettre sur la table avec le PDG d'Airbus Helicopters Bruno Even les problèmes de maintien en condition opérationnelle (MCO) du Caïman (NH90 marine), dont la disponibilité sous la maitrise d'oeuvre de NHIndustries (Airbus Helicopters, Leonardo et Fokker) est mauvaise.
Florence Parly va aussi à Marignane "pour passer des messages extrêmement calibrés, précis et sans ambiguïté sur le Caïman Marine. Il y aura notamment un entretien bilatéral avec Bruno Even sur cette question-là, qui irrite la ministre et qui doit être réglée", a expliqué la semaine dernière le porte-parole du ministère, Hervé Grandjean.
Bruno Even ne découvre pas vraiment les problèmes de MCO des Caïman. "Nous avons toujours des flottes sur lesquelles nous avons des enjeux lourds, en particulier les flottes qui font l'objet de retrofit, avait-il expliqué dans une interview accordé fin novembre à La Tribune. Par définition, ce sont des flottes, qui font l'objet d'un prélèvement mécanique d'un certain nombre d'hélicoptères pour être mis au dernier standard. Ces flottes souffrent d'un vrai handicap sur certaines périodes. Et effectivement c'est le cas du NH90 Marine sur lequel nous avons de vrais enjeux de disponibilité. Nous avons un plan d'action autour de la charge de maintenance et des durées de visites et nous travaillons étroitement avec la Marine. Globalement, la disponibilité reste un travail au quotidien. Nous ne sommes pas encore à la cible que nous nous sommes fixés, mais il y a une vraie compréhension des enjeux partagés par tous les acteurs".
Sept Caïman sur 27 disponibles
Quel est le problème du MCO du Caïman ? Sur une flotte de 27 appareils (le dernier ayant été livré fin 2021), seuls "sept Caïman sont disponibles actuellement", a confié la directrice de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), Monique Legrand-Larroche lors du point presse du ministère des Armées, qui s'est tenu jeudi dernier. Soit à peine 26% de la flotte. Mais ce serait la fourchette haute, estime une source interrogée par La Tribune. "En moyenne, la disponibilité des Caïman est de l'ordre de 4 à 7 appareils", affirme-t-on. Et de façon très exceptionnelle, elle est même tombée à une seule machine lors d'une journée fin 2021. Soit une disponibilité d'un peu plus de 15% de la flotte pour la fourchette basse. Pourtant la disponibilité des Caïman était bien meilleure en 2017 (36,1%) et 2018 (30,4%) même si c'était loin d'être remarquable.
Depuis 2020, le ministère des Armées a curieusement affirmé que la communication de la disponibilité des matériels en service dans les armées était "soumise à des impératifs renforcés de confidentialité". Ce qui rend complètement opaque le fonctionnement du MCO.
"Il faut savoir - même si ce n'est pas une excuse - que le Caïman marine fait actuellement l'objet de rénovations ou de mises à hauteur, qui sont en cours, a précisé la directrice de la DMAé. Cela occasionne des immobilisations de chantiers industriels importants, qui se passent plus ou moins bien avec des retards qui conduisent à ces difficultés". La mise à niveau des premiers Caïman au dernier standard prend deux ans, confie-t-on à La Trbune. Un problème qui avait pourtant été déjà identifié en 2015 par le chef d'état-major de la marine d'alors, l'amiral Bernard Rogel : "Ces machines sont également souvent immobilisées pour des opérations de soutien, de sorte que nous avons élaboré un autre plan afin d'adapter le soutien aux besoins opérationnels", avait-il expliqué aux députés de la commission de la défense de l'Assemblée nationale.
En outre, le Caïman marine subit au bout de quelques années une corrosion sur les poutres de queue entre les matériaux composites et le métal, ce qui nécessite des immobilisations supplémentaires. Ce problème avait été également identifiés en 2015 par l'amiral Bernard Rogel. "Le NH90 présente des défauts de corrosion", avait-il indiqué à l'Assemblée nationale. Il assurait que ces défauts de jeunesse provenaient "d'une perte de compétence de l'industriel, qui du reste l'a reconnu". Six ans plus tard, ces défauts persistent encore alors même qu'un plan avait été lancé "pour remédier" à ces problèmes de jeunesse "rapidement". En vain...
Une disponibilité revue à la baisse
Résultat, la prévision d'activité hélicoptères Marine est extrêmement contrainte par la faible disponibilité des Caïman. Ainsi, la prévision de la disponibilité en 2021 a dû être revue à la baisse en raison de toutes ces difficultés, qui affectent la flotte Caïman avec des immobilisations prolongées (soutien industriel et soutien opérationnel prolongées de plusieurs mois). En outre, ce programme a rencontré d'importantes difficultés logistiques, qui ont occasionné des retards. L'objectif de disponibilité en 2022 est programmé pour être "en nette progression par rapport à celui de 2021", selon Bercy. Il "repose sur l'hypothèse d'une disponibilité de la flotte Caïman capable de générer les heures de vol prévues". Airbus Helicopters devrait redresser la barre dès le premier semestre 2022 en améliorant la disponibilité du Caïman. Elle devrait atteindre en moyenne 11 appareils cette année. Dans la marine, on a dû mal à y croire...
La moindre disponibilité est "la contrepartie des mises à hauteur capacitaire, qui sont indispensables pour disposer de systèmes d'armes qui continuent à répondre aux menaces que nous rencontrons. Les chantiers de mise à hauteur sont souvent des chantiers, qui sont lourds, importants et qui durent de très longs mois et qui, évidemment, grèvent la disponibilité", a reconnu Monique Legrand-Larroche.
"Le taux de disponibilité de l'hélicoptère Caïman ne répond pas encore aux objectifs théoriques envisagés au lancement du programme industriel. Il en résulte une montée en puissance de la flotte plus lente qu'espérée", a écrit dans son rapport le député LREM du Finistère, Didier Le Gac. Ce que confirme également le député LR d ela Haute-Marne François Cornut-Gentille : "Le taux de disponibilité des NH90 est particulièrement inquiétant. Il est vrai que les problèmes de disponibilité et de maintenance ne sont pas propres à la France et que tous les États partenaires du programme sont confrontés à des difficultés similaires".
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