Thales booste son offre sur le marché commercial des drones civils et gouvernementaux

Thales a décidé de se lancer véritablement sur le marché à fort potentiel du drone civil et gouvernemental. Une stratégie déclinée en trois axes : lancement d'un drone développé en coopération, opérateur et équipementier.
Michel Cabirol
Nous voyons clairement l'usage des drones, nous voyons leur efficacité technique et économique et nous constatons que le décollage de cette industrie devient possible. Nous pensons qu'un nouveau segment de marché va émerger pour lequel nous voulons être dans la course, estime le directeur de la stratégie innovation dans le domaine de l'avionique de vol chez Thales, Marc Duval-Destin
"Nous voyons clairement l'usage des drones, nous voyons leur efficacité technique et économique et nous constatons que le décollage de cette industrie devient possible. Nous pensons qu'un nouveau segment de marché va émerger pour lequel nous voulons être dans la course", estime le directeur de la stratégie innovation dans le domaine de l'avionique de vol chez Thales, Marc Duval-Destin (Crédits : Thales)

Pour Thales, c'est le moment de lancer un drone sur le marché commercial, qui pourra assurer également des missions militaires et gouvernementales. Le groupe électronique croit vraiment à ce marché. Pourquoi maintenant ? La réglementation européenne (CS-LUAS) devient mature pour opérer de façon plus industrielle les drones et le lancement du marché est désormais attendue "en 2023", estime dans un entretien accordé à La Tribune le directeur de la stratégie innovation dans le domaine de l'avionique de vol chez Thales, Marc Duval-Destin. Mais il est clair cette industrie décollera une bonne fois pour toute quand la réglementation sera claire et harmonisée au niveau mondial.

"Nous voyons clairement l'usage des drones, nous voyons leur efficacité technique et économique et nous constatons que le décollage de cette industrie devient possible. Nous pensons qu'un nouveau segment de marché va émerger pour lequel nous voulons être dans la course", explique-t-il.

Pour Thales, c'est donc le fameux time-to-market. Avec l'aide de l'Agence de l'innovation de défense (AID) et en partenariat avec Rexiaa Group, qui détient Issoire Aviation, et la startup Hionos, il a développé et conçu un drone capable de voler au-delà d'un rayon d'action de 100 kilomètres à basse altitude. "Entre Hionos, Rexiaa et Thales, depuis notre base de Valence, nous avons constitué un petit consortium régional qui rassemble toutes les compétences clés nécessaires pour aller vers cette nouvelle frontière", souligne Marc Destin-Duval.

"Nous avons choisi de s'investir sur la frontière qu'on appelle la grande élongation, au-delà de ce qu'on appelle dans notre jargon le BVLOS (Beyond Visual Line of Sight), c'est-à-dire le hors vue, explique Marc Duval-Destin. Thales a choisi le long rayon d'action pour répondre aux différents usages commerciaux et gouvernementaux. Nous visons très clairement le développement d'un drone de moins de 100 kg ayant une capacité de vol au-delà de 100 kilomètres. Soit la classe UAS 100 (Unmanned Aircraft Systems). Nous visons un rayon d'action de 300 km".

Thales : industriel, opérateur et équipementier

Le groupe vise deux grands marchés : la surveillance des grandes installations critiques et les usages gouvernementaux, en particulier la surveillance de frontières et des zones critiques. Avec comme objectif, voler bas, voler loin et voler efficacement sans interruption de la mission tout étant robuste face aux aléas de la météorologie, notamment du vent, qui entrave le vol des drones. Compte tenu de la structuration du marché, "il est assez évident que les premiers clients vont nous demander dans un premier temps d'opérer les drones, estime-t-il. En fonction de l'évolution des besoins, il est fort probable qu'une partie des clients, les plus importants d'entre eux, opéreront eux-mêmes leurs drones".

Au-delà du drone développé en coopération, Thales souhaite également élargir sa capacité à pénétrer le marché des drones, en se proposant "comme systémier avionicien au service de l'industrie des drones". Mais "pour être crédible, nous avons également décidé d'opérer notre propre drone et de faire partie des acteurs, qui vont effectivement jouer sur la grande élongation", souligne le directeur de la stratégie innovation dans le domaine de l'avionique de vol chez Thales. Le groupe travaille déjà avec Atexys et Aeromapper mais il se dit complètement agnostique.

Dans ce cadre de la stratégie du groupe, il propose toute une gamme d'équipements vers les opérateurs de drones et les dronistes : communications, sécurisation géographique, identification à distance, antibrouillage, dispositifs de réaction autonome pour faire des fins de mission en sécurité. Tous ces équipements sur lesquels Thales se positionne apportent des solutions de sécurisation, qui permettront des usages sur le segment où il y a le plus de valeur.

Tests de marché

Thales teste le marché depuis plusieurs mois. Il a notamment exploré avec Teréga des solutions sécurisées de surveillance du réseau de transport de gaz de cet opérateur gazier au moyen de drones sur de longues distances. "Il faut montrer la viabilité économique du dispositif en déterminant les caractéristiques d'usage du drone, qui permettra à Teréga de gagner significativement en efficacité par rapport à leur type de surveillance actuel, explique Marc Duval-Destin. Nous avons constaté que des drones ayant un rayon d'action de 20 ou 30 km n'amélioraient pas leur dispositif de surveillance. parce que leurs équipes étaient obligées de se déplacer régulièrement. Il faut donc être capable d'inspecter 300 kms de linéaires dans la journée sans avoir à redéployer le système et les équipes".

Le groupe a aussi beaucoup échangé avec la startup suisse RigiTech (Rigi pour le mont situé près de Lucerne), spécialisée dans le transport de médicaments et l'analyse bio-médicale par drones (AirBridge). RigiTech souhaite faire valider par l'administration suisse plusieurs routes afin de transporter des analyses ou des médicaments d'un point A à un point B. Ce qui prend des mois pour faire faire valider chaque route. Alors qu'ils "font déjà l'objet d'un traitement bienveillant de leur administration, il faudrait passer d'une autorisation de vol, qui prend des mois, à une capacité d'autorisation de vols qui prenne au maximum quelques heures", estime Marc Duval-Destin. C'est là l'enjeu majeur pour que les drones professionnels puissent opérer en toute sécurité et soient utiles à la société.

"Notre objectif est de mettre en lumière les réels avantages de la technologie des drones. Des problèmes tels que l'inégalité d'accessibilité à des services affectent fortement les habitants de certains villages. En survolant des villes surpeuplées, des rivières, des lacs et des montagnes, nous sommes en mesure de réduire les délais de livraison et de rendre l'accès aux médicaments et aux dispositifs médicaux presque instantané", explique RigiTech.

Une réglementation qui sécurise

Les agences de réglementation (AESA, FAA...) demandent pour les drones beaucoup de redondance, surtout pour des opérations critiques, tout en maîtrisant les probabilités de risques catastrophiques. Résultat, le niveau de sécurité est plus dur pour les drones que pour les aéronefs habités. Avec cette nouvelle réglementation, un drone devra effectuer une démonstration de sécurité pour ses opérations les plus critiques et devra se montrer robuste et résilient face à deux pannes franches successives. Pour un aéronef habité, l'AESA et la FAA demandent aux avions d'être robuste à une seule panne franche. C'est pour cela que Thales a équipé son drone d'une motorisation thermique et électrique pour des raisons de sécurité et de discrétion. "Sur la roadmap, nous avons également des points de passage où nous envisageons des drones à l'hydrogène. C'est une deuxième étape qui prendra un petit peu de temps", estime le directeur de la stratégie, de la politique produit et de l'innovation.

Elles ont "pris en compte la nécessité de garantir aux populations que les drones, volant à proximité ou parfois au-dessus de leur tête, viennent répondre à une exigence de sécurité sérieuse", explique Marc Duval-Destin. La  réglementation est modulée en fonction de la masse du drone, de son envergure et des conditions de son usage : reste-t-il sur un petit rayon d'action ou est-il hors vue et à grand rayon d'action. C'est également modulé en fonction des zones survolées : non habitées ou un peu plus dense".

En règle générale, les drones civils doivent voler en dessous des espaces aériens réglementés, soit en dessous de 150 mètres d'altitude, là où il n'y a plus de circulation aérienne générale à part les opérations de décollage et d'atterrissage. Tous les autres aéronefs, y compris d'ailleurs les parapentistes ou les vélivoles doivent voler au-dessus de cette altitude , sauf conditions particulières d'atterrissage, y compris d'ailleurs les parapentistes ou les vélivoles.

Michel Cabirol

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