VV18 : le "quitte ou double" du lanceur italien Vega

Dans la nuit de mercredi à jeudi, Vega s’élancera depuis le Centre Spatial Guyanais (CSG) pour mettre notamment en orbite le satellite optique Pléiades Neo 3, fabriqué par son futur opérateur, Airbus Defence and Space. Une mission quitte ou double pour Vega et l'industriel Avio.
Michel Cabirol
Dans un contexte exigeant, l'Agence spatiale européenne (ESA) et Arianespace ont pris toutes les précautions pour le succès de la mission du lanceur italien Vega (VV18), qui va durer plus de 1H40.
Dans un contexte exigeant, l'Agence spatiale européenne (ESA) et Arianespace ont pris toutes les précautions pour le succès de la mission du lanceur italien Vega (VV18), qui va durer plus de 1H40. (Crédits : Arianespace)

L'industriel italien Avio joue gros sur le prochain vol de son lanceur Vega dans la nuit de mercredi à jeudi. Très gros. Sa crédibilité de maître d'oeuvre et la fiabilité d'un lanceur abimée par deux graves échecs en très peu de temps (VV15 en juillet 2019 et VV17 en novembre 2020) au moment où la concurrence se fait très pressante dans le monde et en Europe avec l'émergence de mini-lanceurs, notamment allemands d'Isar Arospace, de RFA (OHB) et d'HyImpulse technologies, qui vont grignoter une part de son marché jusqu'ici captif. Au-delà d'Avio, Arianespace, en tant que société de commercialisation de Vega, et Airbus Space, qui a confié au lanceur italien le premier satellite optique de sa constellation Pléiades Neo qu'il va opérer, risquent beaucoup aussi. Une angoisse qui va durer un peu plus de six minutes durant le vol des trois premiers étages de Vega. Pour l'heure, les voyants restent au vert, la météo étant favorable.

"Il y a exigence parce qu'après un échec qui fait partie de la vie des lanceurs et surtout des jeunes lanceurs, les clients sont légitimement très exigeants et se tournent vers Arianespace, qui est leur unique interface. Il y a donc une exigence envers Arianespace de restaurer toute la fiabilité du système Vega", avait expliqué début janvier le PDG d'Arianespace, Stéphane Israël, dans une interview accordée à La Tribune.

Une mission d'importance pour Airbus

Dans ce contexte exigeant, l'Agence spatiale européenne (ESA) et Arianespace ont pris toutes les précautions possibles pour s'assurer du succès de cette mission, qui va durer plus de 1H40. "Les opérations de production du lanceur Vega, ainsi que la préparation du VV18 ont été minutieusement préparées par Avio, maître d'œuvre industriel du lanceur Vega, sous la supervision d'Arianespace et de l'ESA, en suivant l'ensemble des recommandations qui avaient été formulées par la Commission d'enquête indépendante mise en place après l'échec du vol Vega numéro 17 (VV17)", a expliqué Arianespace dans son communiqué.

Des opérations également surveillées étroitement par Airbus Space, qui est actuellement l'un des plus gros clients du lanceur italien. D'autant que le premier satellite Pléiades Neo avec une résolution de 30 centimètres est censé être le fer de lance d'Airbus Space pour concurrencer Maxar, qui a acheté en 2017 DigitalGlobe, sur le marché de l'imagerie satellitaire commerciale. Le deuxième Pléiades devrait monter à bord de Vega en juillet prochain, et, enfin, les deux derniers à bord de Vega C au deuxième trimestre 2022. Les images seront facilement accessibles sur la plateforme numérique OneAtlas d'Airbus, permettant aux clients d'avoir un accès immédiat aux données fraîchement acquises et aux données d'archives, ainsi qu'aux analyses. Selon Airbus, les satellites peuvent effectuer des acquisitions urgentes seulement 30 à 40 minutes après la demande de mission pour répondre rapidement aux situations les plus critiques.

Avio, responsable des échecs

"Le premier échec est la conséquence d'une faiblesse de conception de la protection thermique du Zéphiro 23, le deuxième étage de Vega. Le deuxième échec est le résultat de lacunes identifiées au niveau des processus d'intégration, de contrôle et de réception du quatrième étage de Vega, l'Avum sous responsabilité d'Avio", avait rappelé le PDG d'Arianespace dans La Tribune. Lors de la présentation des résultats de la commission d'enquête, l'administrateur délégué d'Avio, Giulio Ranzo avait assumé "l'intégralité de la responsabilité de son entreprise dans cet échec", a-t-on expliqué à La Tribune. Au-delà de VV18, Avio va également devoir démontrer à tous ses clients que la fiabilisation et la robustesse de son lanceur Vega est pérenne.

De ces deux échecs, certains y voient une crise de croissance d'Avio. Ces échecs ont également définitivement tué le rêve de Giulio Ranzo de vouloir concurrencer Ariane 6 avec Vega C, puis Vega E. Au terme d'une réflexion, Avio s'est finalement rendu compte qu'il avait besoin autant d'Ariane 6 que d'Arianespace pour faire tourner le modèle économique de Vega. L'industriel italien a également fini par comprendre que son marché n'était finalement qu'un marché de niche, à dominante institutionnel avec des satellites d'observation fabriqués par Airbus Space et Thales Alenia Space. Des satellites "made in France" mis en orbite de préférence de Kourou en Guyane. Dans le cas contraire, il aurait fallu que les deux constructeurs obtiennent après un parcours du combattant, des licences d'exportation (CIEEMG) pour pouvoir les lancer hors de France. Le rêve d'Avio d'un "Vega Space" n'était finalement qu'un miroir aux alouettes...

Des passagers supplémentaires

Le dix-huitième vol de Vega emportera également un microsatellite d'observation au profit de l'agence spatiale norvégienne, Norsat-3, et quatre cubesats, pour les opérateurs Eutelsat (satellite Tyvak-182A), Aurora Insight (BRAVO fabriqué par NanoAvionics) et Spire (LEMUR-2). Après la démonstration en orbite réussie en septembre 2020 du premier service de lancement partagé européen, le vol VV18 embarquera ces cinq charges auxiliaires rassemblées autour de la structure de déploiement SSMS (Small Spacecraft Mission Service). Un service financé par l'ESA qui permet à Arianespace de multiplier les opportunités de lancements à coût abordable pour les petits satellites et les constellations, un marché aujourd'hui très convoité par les micro-lanceurs.

Michel Cabirol

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Commentaires 2
à écrit le 28/04/2021 à 16:23
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Après les quelques échecs d'Ariane pouvions nous écrire "quitte ou double" de la fusée Ariane ?? non , alors pourquoi utiliser se terme pour VEGA ??? . Pour information l' Avum est construit par une société espagnole EADS (Airbus espagne) et Ukrainie...

le 29/04/2021 à 0:11
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Vous avez la mémoire courte, la France a failli abandonner Ariane 5 après son dernier échec. Elle a été sauvée in extremis...

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