Report du procès Banier-Bettencourt sur fond de tourmente autour du couple Woerth

Le tribunal de Nanterre a renvoyé ce jeudi sine die le procès de François-Marie Banier (photo), soupçonné d'abus de faiblesse sur la milliardaire Liliane Bettencourt, tout en estimant nécessaire un supplément d'information sur des enregistrements clandestins versés au dossier par la fille de la milliardaire. Mais le parquet de Nanterre fait appel du complément d'enquête, ce qui bloque les investigations.

A peine ouvert ce jeudi, le procès du photographe d'art François-Marie Banier (photo), soupçonné d'avoir abusé de la faiblesse psychologique de l'héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, pour lui soutirer 1 milliard d'euros de dons, a été reporté sine die. Le tribunal de Nanterre a en outre jugé nécessaire un supplément d'information sur les enregistrements clandestins versés au dossier par la fille de la milliardaire. Mais le parquet de Nanterre fait appel du complément d'enquête ce qui bloque les investigations.

Me Hervé Témime, avocat du prévenu, François-Marie Banier, 63 ans, cité directement devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) par la fille de la femme la plus riche de France, Françoise Meyers-Bettencourt, avait demandé le renvoi. Durant deux heures d'audience, lui et Me Georges Kiejman ont dénoncé un procès "nauséabond".

Une demande appuyée par le parquet par la voix du procureur Marie-Christine Daubigney. De son côté, Me Olivier Metzner, avocat de Françoise Bettencourt-Meyers, avait annoncé mardi qu'il ne s'opposerait pas à la demande de renvoi. Le tribunal s'est retiré  pour délibérer sur cette demande de renvoi. Il rendra sa décision à 16H00.

A l'audience, Me Georges Kiejman a tendu à l'avocat de Françoise Meyers, Olivier Metzner, un chèque d'un euro signé de la milliardaire, la somme que sa fille demande en dommages et intérêts symboliques à François-Marie Banier. Me Metzner a aussitôt déchiré le chèque. Me Kiejman s'est plus tard dressé. "Qu'il ne me cherche pas, ce sera terrible pour lui ! Qu'il ne me cherche pas, mon revers du gauche est connu !", a lancé Me Kiejman à Me Metzner.

Me Kiejman a vivement critiqué dans sa plaidoirie les enregistrements clandestins, réalisés par un domestique se disant indigné de voir la vieille dame abusée. "Liliane Bettencourt a été au centre d'un complot pour l'humilier, pour lui voler sa dignité", a-t-il dit. Il soutient que Françoise Meyers a de noirs desseins. "Il lui faut le pouvoir sur sa mère, la vengeance sur sa mère". Me Metzner a sollicité un complément d'information pour vérifier l'authenticité des enregistrements, contenus dans 28 CD-Roms, qu'il a fait remettre au tribunal. "N'est-ce pas nauséabond qu'un homme exploite une femme, profite d'une vieille femme ?", a-t-il demandé au tribunal.
 

La publication à la mi-juin d'enregistrements clandestins de Liliane Bettencourt, qui accréditent l'hypothèse d'une fragilité psychologique de la dame de 87 ans, pourrait inciter la justice à décider d'un supplément d'informations alors que l'affaire prend aussi une tournure politique.

Elle a fait apparaître des soupçons de fraude fiscale et de complaisance du ministre du Budget en 2009, Eric Woerth. Aujourd'hui ministre du Travail chargé du dossier crucial des retraites, ce dernier est aussi trésorier de l'UMP, parti majoritaire auquel l'héritière a fait des dons.

L'épouse d'Eric Woerth était employée par le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Le parquet de Nanterre a transmis début 2009 à Bercy des éléments dévoilant des avoirs cachés à l'étranger, sans qu'il y ait de poursuite. Eric Woerth, soutenu par l'Elysée, dit n'avoir rien à se reprocher et se voit en "cible politique".

Le tribunal de Nanterre devra décider lors de la première journée d'audience s'il accepte la requête de Françoise Meyers de prendre en compte les enregistrements pour trancher sur l'accusation "d'abus de faiblesse" visant François-Marie Banier. Les juges peuvent aussi ordonner un supplément d'enquête pour vérifier leur intégrité et leur authenticité, ou s'en passer totalement. Les avocats de Liliane Bettencourt ont déposé plainte contre l'auteur de ces enregistrements, un employé de maison de l'héritière se disant indigné de ce qu'il a vu.

BANIER LÉGATAIRE UNIVERSEL ?

François-Marie Banier encourt jusqu'à trois ans de prison, 375.000 euros d'amende et la rétrocession des sommes obtenues. Il a nié dans la presse tout délit et parlé de calomnies.

Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a classé sans suite en septembre 2009 la plainte de Françoise Meyers. Les enregistrements clandestins tendent à montrer que le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre avait été informé à l'avance par l'Elysée de cette décision.

L'enquête de police a établi le chiffre d'un milliard d'euros de dons sous formes d'assurances-vie, oeuvres d'art, chèques ou espèces au profit de François-Marie Banier, photographe de stars entré dans l'intimité de l'héritière notamment après le décès de son mari en novembre 2007. Liliane Bettencourt, 17e fortune mondiale avec environ 17 milliards d'euros selon le classement Forbes, souffre d'une affection neurologique depuis 2002, qui, selon sa fille, affecte sa lucidité. Elle a cependant refusé toute expertise médicale.

L'héritière a donné depuis le début de l'affaire deux interviews à la presse où elle se dit saine d'esprit, la dernière dans Le Monde du 21 juin. Mais il apparaît dans les enregistrements clandestins que Patrice de Maistre doit lui rappeler qu'elle a fait de François-Marie Banier son légataire universel par testament, ce qu'elle semble avoir oublié.

Plusieurs ex-employés et médecins de Liliane Bettencourt ont dit à la police que ses facultés étaient altérées et que le photographe exerçait sur elle une emprise psychologique. Dans les conversations enregistrées, il est question de 78 millions d'euros cachés en Suisse, d'une île aux Seychelles, Arros, possédée via une fondation au Liechtenstein et d'évasion fiscale vers Singapour ou l'Uruguay.

Tout en contestant la validité des enregistrements, les avocats de Liliane Bettencourt ont promis qu'elle ferait revenir ses avoirs en France. François Baroin, ministre du Budget, a annoncé dimanche dernier un examen complet de sa fortune. C'est Françoise Meyers qui possède en nue-propriété les titres L'Oréal de sa mère avec 31% des droits de vote et elle a promis de ne jamais les vendre à Nestlé.

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