Agriculture : bond en vue des exportations françaises de blé vers le Maghreb, l'Afrique et le Moyen-Orient

Malgré des rendements en légère baisse, la campagne de commercialisation 2022/23 "démarre sous de bons auspices", selon l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer. La qualité des grains, leur compétitivité en termes de prix, ainsi que les difficultés de certains compétiteurs devraient favoriser les exportations françaises hors UE.
Giulietta Gamberini
(Crédits : Reuters)

Les aléas climatiques auxquels les agriculteurs ont dû faire face tout au long des derniers mois laissaient présager le pire. Mais, malgré une légère baisse des rendements, la récolte de blé tendre devrait atteindre des niveaux quantitatifs corrects cette année, a expliqué la filière dans un communiqué diffusé le 1er juillet. Une tendance confirmée par le conseil spécialisé "Grandes cultures-marchés céréaliers" de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lequel, lors de sa dernière réunion du 13 juillet 2022, a formulé ses toutes premières prévisions pour la campagne commerciale 2022-2023 qui a débuté le premier du mois.

Environ 30,5 millions de tonnes de blé tendre devraient ainsi être collectées en 2022, selon FranceAgriMer: seulement 7% de moins qu'en 2021, mais presque 12% de plus qu'en 2020. Et la campagne de commercialisation 2022-2023 "démarre sous de bons auspices", se réjouit l'établissement. Il prévoit notamment "des exportations françaises de blé tendre hors Union européenne en nette hausse", à 10,3 millions de tonnes, soit 17% de plus que lors de la campagne précédente. Si les exportations vers les pays de l'Union européenne sont en revanche prévues en baisse de 12%, à 7 millions de tonnes, les exportations dans leur ensemble devraient aussi croître, de 3%.

530.000 tonnes déjà vendues à l'Egypte

FranceAgriMer souligne notamment que la campagne en cours a débuté d'une manière "particulièrement dynamique vers l'Afrique sub-saharienne, le Yémen, l'Égypte et le Maghreb". 530.000 tonnes de blé français ont ainsi déjà été vendues à l'Egypte qui, profitant d'une aide au développement de 500 millions de dollars de la Banque mondiale pour financer ses importations de blé, en a acquis entre juin et juillet 1,3 million de tonnes, pour des livraisons entre août et octobre. Et c'est justement sur les pays du Maghreb, d'Afrique et du Moyen-Orient, "en quête de blé meunier", que FranceAgriMer table pour une envolée des exportations françaises hors UE en 2022-2023.

Ce serait l'occasion de reconquérir des marchés historiques pour le blé français, mais sur lequel il avait ces dernières années perdu du terrain. En 2021-2022, ce sont en effet surtout les pays européens (+30%) qui ont porté une hausse globale des exportations de presque 40%. Et le premier client de la France s'est avéré être la Chine, dont les importations ont crû de 20%.

Une parité euro/dollar favorable

Plusieurs facteurs soutiennent les espoirs de la France -premier producteur et exportateur européen de blé tendre- sur les marchés internationaux tout au long de l'année à venir. Tout d'abord, les coûts élevés du fret, qui pénalisent le blé d'origines plus lointaines (Argentine, Australie, Etats-Unis) notamment par rapport aux destinations proches de l'Hexagone.

Cette compétitivité en termes de prix du blé tendre français est d'ailleurs accrue par l'effritement progressif tout au long de la dernière année des cours de l'euro par rapport à ceux du dollar, monnaie de transaction sur la plupart des marchés agricoles, jusqu'à la parité parfaite atteinte de manière inédite le 12 juillet. Une dégringolade qui favorise les exportations de blé. Sans compter que le repli des cours du blé tendre constaté depuis mai est susceptible de relancer globalement la demande des pays importateurs, malgré des prix encore très élevés.

"À 352,50 euros la tonne selon les cotations Euronext au 8 juillet 2022 et un prix équivalent en dollars la tonne, le prix du blé meunier français est redevenu très attractif pour les pays importateurs en quête de blé panifiable", écrit ainsi FranceAgriMer.

"L'origine française est aujourd'hui bien placée en termes de prix quel que soit le compétiteur", précise Marc Zribi, chef de l'unité grains et sucre de l'établissement.

Du blé adapté à la panification

Par rapport à 2021, la collecte de 2022 s'annonce en outre de qualité supérieure. Elle devrait donc permettre de mieux satisfaire la demande des pays qui achètent du blé surtout à des fins de panification, dont le cahier des charges est plus exigeant. Et c'est d'ailleurs pour cette même raison que les exportations vers l'UE, dont plusieurs pays comme l'Espagne achètent du blé tendre sur les marchés internationaux surtout pour des utilisations fourragères, devraient baisser. Si en 2021 elles avaient crû, c'est justement parce que la production française avait été moins qualitative.

En outre, "la campagne commerciale française 2021/22 devrait s'achever sur un stock de report  un peu plus important que prévu en blé tendre (3,3 millions de tonnes versus 3,2 millions de tonnes prévues en juin), en raison du ralentissement de la demande des importateurs à l'approche de la nouvelle récolte", écrit FranceAgriMer. .

Or, "ces bon stocks de report permettent aussi à la France d'être plus présente à l'export, souligne Marc Zribi.

Les exportations russes, ukrainiennes et indiennes à la peine

La situation du marché international et les difficultés de certains compétiteurs potentiels entrent aussi en ligne de compte. Ainsi, bien que la Russie prévoit une récolte record, sa compétitivité est aujourd'hui bridée par sa propre taxe sur les exportations de céréales ainsi que par les sanctions internationales qui, sans frapper directement les exportations alimentaires, les entravent.

Quant à l'Ukraine, de nombreux aléas pèsent sur sa prochaine récolte, qui sera dans tous les cas pénalisée par la guerre. Les négociations avec la Russie visant à débloquer ses exportations maritimes de céréales (qui avant la guerre pouvaient atteindre 5-6 tonnes par mois) avancent en outre péniblement, alors que les exportations par corridors terrestres ou fluviaux, s'élevant au maximum à 2 tonnes par mois, restent insuffisantes pour les compenser, note Marc Zribi.

Et bien qu'une réunion entre les présidents iranien, russe et turc soit prévue ce mardi pour discuter justement du déblocage des exportations maritimes ukrainiennes, "les effets d'une reprise du trafic ne seraient en outre pas immédiats", rappelle l'expert, pour qui "un retour de l'Ukraine sur les marchés nationaux ne se ferait dans tous les cas que très lentement".

"Cela serait en plus compensé par la baisse des exportations de l'Inde", ajoute-t-il, en relevant que "selon le consensus d'une majorité d'observateurs", à cause de la sécheresse dont est victime le pays, sa prochaine production devrait correspondre tout juste à sa consommation, ce qui l'empêcherait d'exporter. Afin d'assurer la "sécurité alimentaire" de ses 1,4 milliard d'habitants, en mai, l'Inde a d'ailleurs décidé de suspendre ses exportations de blé.

De nombreuses incertitudes

On n'en est toutefois qu'au stade des prévisions, rappelle FranceAgriMer. Les rendements et la qualité de la récolte française ne pourront en effet être réellement mesurés qu'une fois les moissons terminées. De nombreux facteurs, climatiques, géopolitiques, économiques, risquent en outre de chambouler le marché international.

En raison des confinements liés à la dernière vague de Covid-19, des doutes importants concernent notamment la demande chinoise, qui entre 2019 et 2021 a flambé en chamboulant les marchés internationaux. Tant que les prix du blé restent très élevés et volatiles, le risque que les restrictions aux exportations fassent tâche d'huile persiste aussi. Et si les prix devaient repartir à la hausse, certains potentiels pays importateurs pourraient se retrouver en difficulté, rappelle FranceAgriMer.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 7
à écrit le 20/07/2022 à 7:47
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Encore les céréaliers qui ont été aidés par la PAC, par l'Etat et qui se remplissent encore les poches!

le 20/07/2022 à 9:07
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Qui sont les plus gros bénéficiaires de la politique agricole commune, la PAC ? Une famille de milliardaires exilés en Suisse, les géants du lait Sodiaal et Lactalis, un industriel breton du porc ou encore une usine de fabrication d’aliments pour chi...

à écrit le 20/07/2022 à 0:09
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Pourquoi exportation si ce blé entre dans le marché français ça diminuera les prix des baguettes par augmentatiin de la conqurence interne.

le 20/07/2022 à 15:33
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Vous touchez là un point que l'on appelle l'élasticité. Une fois la demande saturée, vous pourrez augmenter autant que vous voulez l'offre, le prix ne bougera pas. On ne fait qu'exporter l'excédent d'offre.

à écrit le 19/07/2022 à 18:54
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Personne ne comprend les estimations de rendements des céréales cette année en France, et surtout pas moi. Je crois que ni la quantité, ni la qualité (grains échaudés dans nombre de situations mais effectivement, peu de maladies) ne seront au rendez-...

à écrit le 19/07/2022 à 17:37
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Les producteurs de bé vont se faire un sacré blé cette été,120 quintaux à l'hectare minimum; sacré reclte avec un temps hyper chaud. Blé hyper sec debut juillet. Une vraie manne!

à écrit le 19/07/2022 à 17:23
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Une bonne monnaie d'échange contre du pétrole et du gaz ;non ?

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