Automobile : la consolidation du secteur des équipementiers a-t-elle commencé ?

En quelques semaines, Faurecia et Valeo ont annoncé une série d'opérations d'acquisition qui pourraient préfigurer le mouvement de consolidation tant attendu par les marchés. Pourtant, hormis quelques rares et hypothétiques opportunités, il ne devrait pas y avoir de gros rapprochements, mais plutôt des opérations très ciblées, entre grands groupes...
Nabil Bourassi
Les équipementiers automobiles pourraient multiplier les acquisitions, mais les opérations devraient rester de taille limitée.

C'est un festival d'acquisitions que les équipementiers automobiles français ont célébré au mois de décembre. Faurecia a annoncé la vente de sa branche pare-choc à Plastic Omnium pour 665 millions d'euros. Puis, Valeo a révélé deux acquisitions : l'allemand Peiker, qui lui permet de se hisser au second rang mondial dans la connectivité des véhicules, puis, dernière annonce en date, le rachat de Spheros, une société allemande spécialisée dans les systèmes de climatisation pour autobus, pour entrer sur le marché mondial en forte croissance des transports en commun.

Le marché parie sur de nouvelles opérations

Depuis quelque temps, la question de la consolidation des équipementiers est dans tous les esprits. En début d'année 2015, Goldman Sachs publiait une note pour recommander l'achat d'actions de ce secteur dans la perspective d'une consolidation, relevant ses perspectives sur Faurecia et Valeo. Les investisseurs estiment en effet que les grands acteurs du secteur sont parvenus à restaurer leur marge et leur trésorerie, et qu'ils sont dans le même temps contraints de rationaliser cette industrie.

Il se pourrait néanmoins que si consolidation il y a, elle ne se manifeste pas par des opérations majeures. Hormis le rachat de l'américain TRW par ZF en 2015, le secteur n'est pas propice aux grosses fusions.

En réalité, les équipementiers sont plutôt désireux d'accéder à un effet de taille dans des activités qu'ils maîtrisent déjà pour gagner en compétitivité mais pas seulement. Pour Laurent Petizon, consultant stratégiste pour l'industrie automobile chez AlixPartners, il pourrait s'agir "d'une concentration sous forme de swaps (échanges d'actifs, Ndlr)". L'opération de cession des activités pare-chocs de Faurecia s'inscrit clairement dans cette logique. L'équipementier abandonne une activité dont il n'était plus un acteur décisif, notamment par son implantation géographique. Et Plastic Omnium se renforce sur un métier qu'il connaît déjà, renforçant son dispositif industriel d'un point de vue géographique en s'implantant dans des régions où il était absent, mais également d'un point de vue commercial en complétant ses solutions plastiques à ses clients. Faurecia, lui, devrait se servir du cash dégagé pour consolider ses autres activités, probablement au travers de futures opérations d'acquisitions. Le paysage des équipementiers automobiles se reconfigure pour gagner en efficience à travers une division du travail toujours plus resserrée.

La mondialisation de l'automobile accélère

La globalisation des constructeurs automobiles force les équipementiers à se restructurer.

"Les constructeurs poussent les équipementiers à se concentrer afin que ceux-ci puissent répondre industriellement aux méga-plateformes qui représenteront bientôt 50% des voitures produites dans le monde", explique Laurent Petizon.

La diversification géographique est également stratégique pour les équipementiers, d'après Laurent Petizon. D'après lui, il est devenu nécessaire pour eux "de s'implanter dans plusieurs régions dans le monde, au moins deux sur trois, pour suivre leurs grands clients". Mais l'analyste y voit un autre intérêt :

"Ces trois régions [Amérique du Nord, Europe et Asie, Ndlr] évoluent de manière cyclique, mais chacune à des moments en décalage, rendant donc une présence globale encore plus pertinente."

Chercher l'innovation pour plus de valeur ajoutée

Enfin, il existe également le critère de l'innovation comme moteur de la concentration industrielle, afin de chercher de la valeur ajoutée. Ainsi, Valeo qui s'est déjà lancé depuis plusieurs années dans le marché de la connectivité a souhaité consolider sa position en acquérant Peiker, une entreprise allemande avec qui le Français était déjà en partenariat.

Qu'il s'agisse des périphériques haut débit, de la fonction d'appel d'urgence pour voiture en détresse, ou encore des modules de communication entre la voiture et son environnement, Valeo a mis la main sur un trésor de technologies et de brevets qu'il va pouvoir agréger dans les solutions qu'il propose à des nombreux clients partout dans le monde. Avec cette acquisition, il devient le numéro deux mondial des solutions de connectivité embarquées. Cette activité est en pleine croissance et apporte des marges très importantes.

Faurecia est également guidé par la consolidation de ses activités sur davantage d'innovations. Il s'intéresse ainsi de près aux nouvelles technologies des matériaux, que ce soit le carbone ou les alliages, tout ce qui permet d'alléger le poids de la voiture, mais également au contrôle des émissions polluantes, un segment en plein boom et dont il est leader mondial. Dans les systèmes intérieurs, Faurecia est également à la recherche de solutions innovantes et se tourne ainsi vers la connectivité comme le montrent les solutions proposées au salon de Francfort.

Magnetti-Marelli avec un gros point d'interrogation

On se dirige donc vers une rationalisation du paysage industriel automobile plutôt que vers un big bang des forces en présence. Il existe toutefois quelques opportunités. Laurent Petizon remarque ainsi :

"En Asie, de fortes concentrations ont eu lieu, notamment dans les intérieurs de voiture, ce qui n'a pas encore été fait en Europe."

Enfin, il reste la question de Magnetti-Marelli, un secret de polichinelle d'après certains analystes qui spéculent depuis plusieurs mois sur l'annonce d'une cession par son actionnaire principal, le groupe Fiat. Mais cette opération ne rivalisera pas avec le rachat de TWR (13,5 milliards d'euros), puisque Sergio Marchionne, le patron de FCA (Fiat Chrysler Automobile) ne semble guère espérer plus de 3 milliards d'euros de cette cession.

Ainsi, le marché continuera à bouger en 2016, probablement avec des petites opérations très ciblées. Mais l'inconnue Magnetti-Marelli pourrait néanmoins faire trembler ce monde discret mais très actif.

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 31/12/2015 à 11:31
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Il y a 20 ans que Ford a exigé de n'avoir que 4 ou 5 équipementiers de premier rang, et non les quelque 130 sous-traitants qu'il avait avant

à écrit le 31/12/2015 à 11:31
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Il y a 20 ans que Ford a exigé de n'avoir que 4 ou 5 équipementiers de premier rang, et non les quelque 130 sous-traitants qu'il avait avant

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