Immobilier : Raphaël Di Meglio (Matera), l'homme qui défie les syndics de copropriété

À L'AFFICHE- Le directeur général de Matera, une jeune pousse spécialisée dans l'autogestion des copropriétés, vient d'annoncer une quatrième levée de fonds en quatre ans, cette fois dotée de 10 millions d'euros. Raphael Di Meglio revendique ainsi d'être le 4ème acteur du marché derrière Foncia, Citya et Nexity, bien que la startup ne soit pas encore rentable. Bien que cette dernière ait été condamnée pour concurrence déloyale par le passé, le trentenaire conserve, malgré tout, son franc-parler.
César Armand
Raphael Di Meglio a co-fondé Matera (ex-illiCopro) en 2017.
Raphael Di Meglio a co-fondé Matera (ex-illiCopro) en 2017. (Crédits : La Tribune)

Et de quatre ! Après avoir levé 1,5 million d'euros en 2019, 10 millions en janvier 2020 et la somme record pour la proptech de 35 millions en mai 2021, la jeune pousse Matera, spécialisée dans l'autogestion des copropriétés, vient d'annoncer, ce 9 mai 2023, une nouvelle récolte de 10 millions d'euros.

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7 millions viennent des investisseurs historiques, type Bpifrance, qui détiennent 50% du capital contre 35% pour les trois co-fondateurs et 15% pour les salariés. Les 3 millions restants feront l'objet d'une souscription auprès de sa communauté dès le 22 mai via la plateforme de financement participatif Crowdcube. « Cela fait cinq ans que nos clients nous le demandent. Nous avons enfin trouvé un accord avec les investisseurs pour que ça se fasse », déclare, à La Tribune, Raphael Di Meglio, co-fondateur et CEO de Matera. « L'an dernier, Qonto avait levé de cette façon près 4 millions d'euros», ajoute-t-il.

Matera revendique d'être 4ème sur la gestion de copropriété...

A la différence des syndics traditionnels choisis par les copropriétaires pour une durée de 1 à 3 ans pour gérer les finances et les parties communes (ascenseurs, espaces verts, canalisations, chaudières...), la startup, qui revendique d'être le 4ème acteur sur le marché français de la gestion de copropriété derrière Foncia, Citya et Nexity, propose à ses clients particuliers une plateforme de conseils comptables, juridiques et techniques moyennant un abonnement de 9 à 11 euros.

« Un gain de temps, d'efficacité, de transparence, de convivialité et 30% d'économies de charges en moyenne pour les copropriétés », assure encore Raphael Di Meglio, qui affirme « accompagner » 7.500 copropriétés partout en France, soit un peu plus de 100.000 copropriétaires. La levée devant permettre de se développer en Allemagne où il compte 500 copropriétés.

Le startuppeur n'est pas pour autant rassasié. Début 2023, il s'est lancé dans la gestion locative, partant du principe que 40% de ses clients copropriétaires sont des bailleurs. Tant est si bien qu'à date, il recense 300 appartements sous gestion.

... mais la jeune pousse n'est pas encore rentable

Sauf que Matera n'est pas encore rentable. Malgré 12 millions d'euros de revenus récurrents annuels et une croissance affichée de 70% en 2022 par rapport à 2021, la rentabilité ne sera atteinte que « fin 2024-début 2025 », promet Raphael Di Meglio.

A cet horizon, le CEO tranchera entre deux scénarios. Soit la jeune pousse continue sur la voie de la rentabilité, soit elle procèdera à une nouvelle levée de fonds pour ouvrir de nouveaux pays et/ou lancer de nouveaux produits.

Après la gestion de copropriété et la gestion locative, Matera se lancera, « peut-être » sur la transaction, fort de 8.000 ventes chez ses clients en 2022. Un pivot ? « Non, car les administrateurs de bien font les trois métiers », rétorque Raphael Di Meglio.

Une startup déjà condamnée par le passé du fait de ses pratiques

Dès 2019 d'ailleurs, le réseau d'agences immobilières et administrateur de biens Foncia, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), le Syndicat national des professionnels de l'immobilier (SNPI) et l'Association nationale des gestionnaires de copropriété (ANGC) - l'ont poursuivi en justice pour « concurrence déloyale » et « pratiques commerciales déloyales et trompeuses », à la suite de publication d'affiches publicitaires baptisées « Merci Syndic ».

En février 2022, Matera a été reconnue coupable de « dénigrement » par le Tribunal de Commerce de Paris et condamnée à payer à chacun de ses plaignants 20.000 euros de dommages et intérêts. Dans le même temps, à la suite d'une enquête de la Répression des Fraudes, la FNAIM a été déboutée de son assignation pour « exercice illégal » de la profession, tout comme la plainte de l'Association nationale des gestionnaires de copropriété (ANGC, 1.000 adhérents) a été classée sans suite au pénal.

« Cela relève de la concurrence déloyale par dénigrement et de la violation du code de déontologie des professionnels de l'immobilier au chapitre de la confraternité. Sans même avoir fait leurs preuves, ils tendent à faire croire qu'ils ont la solution miracle pour gérer les copropriétés, en faisant passer les syndics pour des ''ringards à l'âge de pierre'' qu'il faudrait ''dépoussiérer'' », persiste et signe auprès de La Tribune le président de l'ANGC, Gilles Frémont.

Mais son DG compte bien conserver son franc-parler

Il n'empêche : le DG de la jeune pousse compte bien conserver son franc-parler. « Si d'excellents entrepreneurs ont réussi à créer de superbes produits, ils se heurtent systématiquement à la même problématique : l'impossibilité de pénétrer correctement le marché parce que la primeur est donnée au prestataire existant », assène Raphael Di Meglio.

« Par exemple, on peut aujourd'hui changer du jour au lendemain de fournisseur d'énergie, de mutuelle salariée, d'assurance habitation mais il faut attendre parfois jusqu'à trois ans pour changer de syndic », poursuit-il.

«Tant que les chambres professionnelles feront l'alpha et l'oméga de la politique immobilière, le logement ne pourra bénéficier de l'incroyable vent entrepreneurial français qui bénéficie à d'autres secteurs », insiste le co-fondateur de Matera.

Quoiqu'il en soit, une chose est sûre : le marché des syndics de copropriété, estimé à 1,4 milliard d'euros, est en pleine transformation. Entre d'un côté la startup Bellman qui a annoncé le 19 juillet 2022 « un projet de réduction des effectifs », Homeland qui se dit déjà rentable et FaciliCiti qui se positionne sur les logements neufs, et de l'autre, les majors qui achètent à tour de bras les TPME du secteur, Matera a donc tout intérêt à jouer sur les trois tableaux : syndic, gestion locative et transaction.

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César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 10/05/2023 à 9:23
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L’État ne demandait pas que tous les deux ans (prévu tous les ans au début, irréaliste), le syndic propose systématiquement un concurrent, voire que le conseil syndical en cherche un autre pour les mettre en concurrence ? Près de Paris, on en avait c...

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