Suez Environnement est-il à vendre ?

C'est la question qui se pose après la révélation des discussions récentes qui ont eu lieu entre Veolia et Suez Environnement autour d'un rapprochement. En interne, salariés et syndicats s'interrogent et se préparent à toute éventualité. GDF Suez, actionnaire principal, garde obstinément le silence.
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Depuis la révélation par Le Monde samedi de discussions, très récemment interrompues, entre Veolia et Suez Environnement visant à un rapprochement de certaines activités des deux géants, tous les regards se tournent vers Veolia Environnement, notoirement en difficulté. Mais la vraie surprise provient de Suez Environnement. La branche environnement de GDF Suez, dont Gérard Mestrallet ne perd pas une occasion de vanter la complémentarité avec l'énergie, serait donc à vendre? Ou du moins, son actionnaire principal ne serait pas opposé à une scission?

La vente des activités France de Suez Environnement a été envisagée

GDF Suez gardait lundi un silence obstiné sur ces discussions, tout en les confirmant avec réticence. Ce qui laisse le champ libre à la version de Veolia. Selon l'entourage du groupe dirigé par Antoine Frérot, Jean-Louis Chaussade, PDG de Suez Environnement, est venu proposer fin août à Veolia un rapprochement des activités internationales des deux géants des services à l'environnement. Dans cette proposition initiale, les activités France de Suez Environnement (essentiellement la Lyonnaise des Eaux) étaient destinées à la vente. «Récemment, Suez Environnement avait changé d'avis et voulait en garder une partie», ajoute cette source, «ce qui rendait le deal impossible compte tenu de la position dominante des deux groupes en France». "Aucun des deux groupes n'acceptait de céder une partie de ses activités France," rectifie une source du côté de GDF Suez.

"GDF Suez ne s'opposerait pas à un rapprochement avec Veolia, à condition de garder la Lyonnaise"
Beaucoup de flous et de trous dans cette version. Une seule chose est sûre: des discussions ont bel et bien eu lieu. Et elles ont forcement évoqué la cession par l'un, ou les deux groupes, d'activités en France. Chez Suez Environnement, c'est le choc. «L'information circule à grande vitesse au siège aujourd'hui et soulève beaucoup d'émotion», confie ce délégué syndical CGT. «On s'attendait à un rapprochement Veolia/EDF, certainement pas à un mariage avec Suez Environnement qui nécessiterait de vendre l'activité historique du groupe en France», ajoute ce syndicaliste CFE-CGC.
La stupéfaction est d'autant plus vive que jeudi dernier, à Barcelone, Gérard Mestrallet qui présidait un comité d'entreprise européen, a une nouvelle fois réaffirmé, en séance, que la branche Environnement avait une place à part entière au sein du groupe. Mais dans les couloirs, la direction générale se faisait plus prolixe. «GDF Suez, actionnaire à hauteur de 35% de Suez Environnement, ne s'opposerait pas à un rapprochement avec Veolia, à condition de garder les deux pépites du groupe, la Lyonnaise et la société d'ingénierie Degrémont», a alors expliqué des membres de la direction à certains syndicalistes.

Proglio, à la tête de Veolia, avait eu la même idée en 2006

Ce veto est-il la raison de l'achoppement des discussions avec Veolia? En tout cas, le projet de GDF Suez de se séparer de certaines activités de Suez Environnement est une révélation. Même si un rapprochement avec les actifs internationaux de Veolia pourrait être présenté comme un renforcement. La même idée, inversée, avait germé en 2006 dans le cerveau de Henri Proglio, à l'époque à la tête de Veolia, lorsque l'italien Enel lui avait proposé de l'aider à s'emparer de Suez. A l'époque le patron de Veolia entendait -déjà- fusionner les activités internationales et vendre en morceaux les activités eau et déchets en France. Ce qui avait suscité une levée de boucliers des collectivités locales, clientes de Suez ...et mené Gérard Mestrallet à enclencher la fusion avec Gaz de France.

La dette de GDF Suez a enflé
Entre-temps, la crise est venue malmener ces activités, surtout en France et en Europe. Suez Environnement a vu sa dette enfler. Depuis 2008, elle est passée de 5,9 milliards d'euros à 7,9 milliards (mi 2012), soit de 2,8 à 3,3 fois son résultat brut d'exploitation. Sa maison mère GDF Suez (elle-même détenue à 35% par l'Etat) a vu la sienne exploser: le coût annuel de sa dette a plus que doublé, passant de 800 millions en 2007 à près de 2 milliards d'euros fin 2011 (à périmètre égal).

Le spectre de la Saur est évoqué
«Est-on à vendre?», s'interroge un délégué CGT de Suez Environnement. «Une fusion Veolia / Suez, cela paraît impossible pour des raisons de concurrence, on le sait depuis longtemps, mais une vente par appartements c'est possible. C'est ce dont il est question aujourd'hui», souligne un autre syndicaliste. «Gérard Mestrallet délaisse depuis longtemps sa base géographique historique, la France et la Belgique, pour s'enthousiasmer pour les pays émergents. Un désengagement supplémentaire en France serait cohérent avec le déplacement du centre de gravité du groupe vers les zones émergentes», commente un délégué de GDF Suez. «Les salariés ont en tête le précédent de la Saur, vendue à un fonds d'investissement puis à Séché Environnement, avec l'appui de l'Etat et aujourd'hui au bord de la ruine. Aujourd'hui l'Etat ferait-il le même geste de sauvegarde si on était vendu par appartements?», s'interroge un syndicaliste de Suez Environnement.

Albert Frère a converti sa participation en obligations
Les salariés du groupe s'attendent de toute façon à des changements. Le pacte d'actionnaires qui contrôlent 48,4% du capital de Suez Environnement (GDF Suez, Albert Frère et la CDC, Areva, ...) arrive à échéance l'été prochain. Albert Frère a converti début septembre l'intégralité de sa participation (7%) en obligations remboursables en actions. Une façon de vendre à l'avance ses actions. «Cela veut dire qu'il sera encore là dans trois ans, au terme de son emprunt», veut croire GDF Suez. Pas forcément.

La CGC réflechit à un rachat de la Lyonnaise par ses salariés
La CFE-CGC anticipe le prochain mouvement. «On est convaincus qu'il va se passer quelque chose avec la fin de ce pacte. Si la Lyonnaise des Eaux en vient à être à vendre, nous réfléchissons actuellement à son rachat par ses salariés, avec l'appui de partenaires financiers comme la CDC», déclare Fabrice Amathieu, délégué CFE-CGC de la Lyonnaise des Eaux. «Il y a une chance sur 5 que Suez Environnement soit vendue, une chance sur 5 que GDF Suez se renforce à son capital, et 3 chances sur cinq pour que rien ne change», pronostique un délégué syndical GDF Suez. Suez Environnement réunit un comité d'entreprise extraordinaire sur sa stratégie mercredi 31 octobre. Le débat va être animé.
 

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Commentaires 4
à écrit le 23/10/2012 à 14:36
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Alors la Tribune on censure pas le droit de prononcer les noms Mestrallet et Proglio la pub peut-être?

à écrit le 23/10/2012 à 14:25
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Plusieurs problèmes se croisent le premier étant que certains actionnaires ne peuvent se maintenir Albert Frère qui est une sorte de prolongement de la BNP doit obtenir désormais un meilleurs retour sur investissement, Areva doit payer ses propres de...

à écrit le 22/10/2012 à 23:07
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L'environnement et les eaux ont été pendant des années des pépites en accord avec les politiques. La partie eaux en France est un partage géographique avec peu ou pas de concurrence. Il était facile pour les politiques de "vendre" la pépites aux entr...

le 23/10/2012 à 10:26
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mais la machine a cash ne fonctionnant plus, on cherche à faire fortune de la même manière ailleurs..... ces entreprises ont eu de gros déboires sur de très gros chantiers... en europe..... de très belles régies municipale fonctionnent bien.... et un...

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