Arctic LNG-2 : malgré Total, la France interdit à ses banques de soutenir la giga-usine de gaz pilotée par la Russie

Malgré la présence de TotalEnergies au capital d'Arctic LNG-2, cette gigantesque usine d'exploitation gazière en Arctique pilotée par la Russie et son champion de l'énergie Novatek, la France - son président mais aussi ses banques - désavoue le projet, au nom du climat. Le financement est pour moitié russe, mais Chine, Japon, OCDE y participent aussi. Côté industriel, de nombreuses entreprises occidentales sont impliquées : le français Technip Energies, le suisse Glencore ou l'allemand Siemens.
Jérôme Cristiani
Arctic LNG 2 sera très semblable à la première giga-usine d'exploitation de gaz liquéfié de Yamal, distante d'une trentaine de kilomètres, toujours en Russie (voir carte à l'intérieur de l'article). Cette deuxième usine puisera dans le gisement géant d'Utrenneye  qui totalisait au 31 décembre 2020, quelque 1.434 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
Arctic LNG 2 sera très semblable à la première giga-usine d'exploitation de gaz liquéfié de Yamal, distante d'une trentaine de kilomètres, toujours en Russie (voir carte à l'intérieur de l'article). Cette deuxième usine puisera dans le gisement géant d'Utrenneye qui totalisait au 31 décembre 2020, quelque 1.434 milliards de mètres cubes de gaz naturel. (Crédits : Novatek)

Dans ce gigantesque projet d'usine de gaz liquéfié (GNL, ou LNG en anglais) implanté en Arctique russe, la France brille par son absence, pas dans un sens péjoratif cette fois, puisqu'il est question de sauvegarde de la planète.

Mais ce boycott français semble loin de suffire à arrêter le train en marche car le projet Arctic LNG-2 a obtenu près de 10 milliards d'euros de financement de la part d'un certain nombre de banques internationales, dont la moitié sont russes, selon une annonce publiée mardi.

Arctic LNG-2 gère et détient l'ensemble des actifs de cette co-entreprise. Les opérateurs qui ont une participation directe au projet sont : le russe Novatek (60%), les 40% restants se partageant à égalité avec ces quatre autres entités : le français TotalEnergies (10%), les chinois CNPC (China National Petroleum Corporation, 10%) et CNOOC (China National Offshore Oil Corporation, 10 %) et les japonais de Japan Arctic LNG, un consortium constitué de Mitsui&Co et de Jogmec (Japan Oil, Gas and Metals National Corporation) comptant aussi pour 10%.

Le magazine Capital précise que, sachant que le pétrolier français "Total possède également une participation indirecte de 11,6% dans le projet via les 19,4% qu'il détient dans le capital de Novatek, sa participation économique globale dans le projet s'élève en fait à 21,6%".

Les banques russes financent près de la moitié du projet

Les responsables du projet ont déclaré avoir reçu l'assurance de pouvoir emprunter auprès de banques et d'institutions internationales jusqu'à 9,5 milliards d'euros sur une période allant jusqu'à 15 ans.

De cette somme totale, 2,5 milliards d'euros seront fournis par des banques chinoises, dont la Banque de développement de Chine et la Banque d'exportation et d'importation de Chine. Le groupe indique que 2,5 milliards d'euros supplémentaires seront prêtés par des institutions financières de l'OCDE. Le communiqué précise que la Banque japonaise pour la coopération internationale en fait partie, sans nommer les autres.

Enfin, le gros de la somme - soit 4,5 milliards d'euros - sera fourni par un syndicat de banques russes, comprenant notamment Sberbank, Gazprombank et sa filiale Bank GPB International.

Macron désavoue le projet, BPIFrance n'apporte pas sa garantie à l'export

En revanche, la banque publique d'investissement française Bpifrance n'a pas apporté de garantie à l'export pour le projet, a-t-on indiqué de source proche du dossier à Paris.

La France avait déjà indiqué sa réticence à soutenir ce projet. Elle "n'attendra pas les lois pour prendre toutes les mesures qu'elle peut prendre pour que rien de la biodiversité dans la région arctique ne puisse être dégradé par des projets économiques portés par des entreprises", avait déclaré le président Emmanuel Macron au congrès mondial de la nature de l'UICN à Marseille début septembre.

Aucune banque commerciale française n'est par ailleurs présente dans le tour de table, a précisé la source proche du dossier.

|Lire: COP26  : sous pression, la France cessera de financer les énergies fossiles à l'étranger dès fin 2022

La France a renoncé au financement... sous la pression des ONG

Mais ce renoncement n'était pas prévu ainsi car ce sont les ONG qui ont bataillé pour obtenir que la France se positionne ainsi, elles qui clament désormais que c'est la mobilisation citoyenne qui a contraint Emmanuel Macron à ne pas soutenir "cette fois-ci" le champion français TotalEnergies.

En mai dernier, les ONG avaient organisé une manifestation devant le ministère des Finances pour la remise d'une pétition ayant recueilli 240.000 signatures. Pour les ONG, le fait que le président de la République et les institutions financiers et bancaires du pays se désolidarisent du projet est une victoire. Sur son site, l'ONG Les Amis de la Terre écrit aujourd'hui :

« La France ne soutiendra finalement pas Arctic LNG 2, le gigantesque projet gazier de Total en Arctique. Les Amis de la Terre France, SumOfUs et 350.org saluent la mobilisation qui a conduit à cette décision. »

L'ONG ajoute cependant un avertissement à l'adresse du président et de son bras armé financier:

« Le retrait de la France d'un tel projet est un signal fort. Emmanuel Macron admet indirectement que continuer à extraire du gaz est problématique pour le climat et la biodiversité. Ce faisant, il désavoue sa propre politique adoptée en 2020 qui permet à la Banque Publique d'Investissement de soutenir des projets d'exploitation gazière jusqu'en 2035. »

C'est le journal Le Monde qui, en septembre 2020, avait déclenché l'alerte et la mobilisation des ONG en dévoilant que la France s'apprêtait à soutenir, grâce à une garantie à l'export de 700 millions d'euros, Arctic LNG-2, ce gigantesque projet gazier de TotalEnergies et Novatek dans la zone arctique de la Russie, "au cœur d'une région qui se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète", et où les atteintes à la biodiversité risquent de s'aggraver avec la multiplication des navires de transport empruntant une route maritime du Nord de plus en plus longtemps libérée des glaces.

|Lire : Arrêt de l'exploration gazière et pétrolière, fin des voitures thermiques...les recommandations de l'AIE pour atteindre la neutralité carbone

Technip, Glencore, Siemens... sont de la partie

Novatek est devenu le premier producteur et exportateur de gaz naturel liquéfié russe, notamment grâce à ses méga-projets dans l'Arctique, dont le français TotalEnergies est un partenaire privilégié.

Une première usine géante de GNL dans la péninsule de Yamal (Yamal LNG) est entrée en service en 2017. Arctic LNG-2 est le deuxième projet de cette envergure, situé dans la péninsule de Gydan, en Sibérie occidentale russe, au bord du fleuve Ob, face au site de Yamal LNG distant d'une trentaine de kilomètres (voir la carte ci-dessous - source: Novatek). Il est chiffré par Novatek à 21,3 milliards de dollars (18,7 milliards d'euros).

Arctic LNG, Yamal LNG, Novatek, carte, infographie

Il est prévu que le projet Arctic LNG-2 atteigne une capacité de production de 19,8 millions de tonnes de GNL par an grâce à trois lignes de production.

Ce deuxième site vient compléter un dispositif permettant d'exploiter au mieux les riches gisements de la zone, Arctic LNG-2 puisant quant à lui dans le gisement géant d'Utrenneye qui totalisait, selon l'estimation au 31 décembre 2020, quelque 1.434 milliards de mètres cubes de gaz naturel.

De nombreux groupes industriels occidentaux sont impliqués dans ce projet, à l'instar du français Technip Energies, du suisse Glencore ou de l'allemand Siemens.

(avec AFP)

Jérôme Cristiani

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Commentaires 17
à écrit le 02/12/2021 à 21:46
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Le principe fondamental géopolitique de Brzenziski in "le grand échiquier" est plus que jamais appliqué à la lettre par l'administration états-unienne, républicaine et/ou démocrate : Empêcher toute reconstitution d'un axe Eurasie. Les allemands reta...

à écrit le 02/12/2021 à 16:13
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Mourir de froid , par manque de gaz pour se chauffer, est une initiative "intelligente". La narrative sur le carbone est une ineptie , puisque nous allons vers un minimum de Maunder. L'histoire jugera , à leur juste valeur, ces Gribouille de la gou...

le 12/12/2021 à 18:09
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La messe est dite...

le 12/12/2021 à 18:11
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La messe est dite...

à écrit le 02/12/2021 à 10:55
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McRond est vraiment à la botte des ricains. Ce projet gazier est capital pour l’Europe et pour le monde. C’est une source d’innovation technologique et de plus cela ouvre la navigation vers le pacifique via le détroit de Béring ce qui permet une éc...

le 02/12/2021 à 11:20
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+ de 30 %, et Total est informé ?

le 02/12/2021 à 19:58
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"McRond est vraiment à la botte des ricains". Logique ,McRond est un young leader de la French-American Foundation ,promo 2012.

à écrit le 02/12/2021 à 9:25
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quid des ong allemande et japonaise ? on voit bien l hypocrisie de ces gouvernements : arret du nucleaire mais chabon ou gaz en artique ...

le 02/12/2021 à 11:48
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Avez vous des solutions pour transformer le paysage énergétique du jour au lendemain? Ceci modérant la casse sociale et environnementale ? Sachant que la transition exige de nouvelles usines, de nouveaux bétonnages et ferraillages, de nouveaux allia...

à écrit le 02/12/2021 à 8:11
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Un projet sur lequel se trouve russes, japonais et chinois ne s'abandonne pas maintenant attention, vu la faiblesse désastreuse de nos dirigeants politiques et de leur soit disant opposition hein, trop facile de l'oublier celle-là alors qu'elle ferai...

à écrit le 02/12/2021 à 1:14
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Micron encore a contrecourant. Vivement 2022.

à écrit le 01/12/2021 à 22:07
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Donc une fois de plus la France se tire une balle dans le pied , malin ! Le pire c'est que ce gaz elle l'achètera , comme le reste de l europe , pathétique...

à écrit le 01/12/2021 à 21:08
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lamentable . le projet se fera mais sans les français grâce à Siemens allemand vive les grunen et les chinois japonais. on se tire une balle dans le pieds. vive macron

à écrit le 01/12/2021 à 18:52
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Je croyais que BPI avait été créée pour financer l'investissement en France. De toute façon, pour prêter, nous aurions été obligé d'emprunter... à l'Etranger, puisque nous n'avons plus un sou!

à écrit le 01/12/2021 à 18:03
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faut obliger greta a aller manifester a moscou, pekin, et tokyo, en traitant tout le monde de facho capitaliste, comme le veut la tradition tolerante de la gauche ecolo....et la on va rire

à écrit le 01/12/2021 à 17:26
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C'est de la haute stratégie de pousser la Russie dans les bras de la Chine...

le 02/12/2021 à 0:29
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@Britannicus Ça pourrait l'être en fait.

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