Climat : l’accord de Paris exige de développer six fois plus vite les énergies renouvelables

Contenir la hausse des températures sous les 2°C, c’est possible ! Et en plus, cela peut rapporter gros, sur le plan de la croissance et des emplois. Mais il faut agir vite et fort. Ce sont les principaux enseignements du rapport publié ce 17 avril par l’Agence internationale des énergies renouvelables.
Dominique Pialot
Pour limiter à +2°C la hausse des températures il faut développer six fois plus vite les énergies renouvelables
Pour limiter à +2°C la hausse des températures il faut développer six fois plus vite les énergies renouvelables (Crédits : Handout .)

La bonne nouvelle, c'est que c'est possible d'y parvenir. Limiter la hausse des températures à deux degrés Celsius (2°C), comme s'y est engagée la communauté internationale en décembre 2015 au travers de l'Accord de Paris, c'est à notre portée. C'est en tous cas ce qu'affirme l'Agence internationale des énergies renouvelables (Irena, pour International Renewable Energy Agency) dans son rapport « Global Energy Transformation : a Roadmap to 2050 », dévoilé en marge de l'événement Berlin Energy Transition Dialogue.

Un optimisme conditionné à une transition énergétique draconienne

Les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, les deux piliers des politiques qui permettront d'atteindre cet objectif ambitieux, sont, selon les auteurs, à même d'assurer 94% de la baisse des émissions de CO2 que cela implique.

Mais, pour ce faire, il faudrait que l'efficacité énergétique progresse à un rythme annuel de 2,8% (au lieu de 1,8% actuellement), et que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique passe de 18% en 2015 à 65% en 2050, et non à seulement 25% selon le scénario aujourd'hui de mise. Une forte progression de l'électrification, qui devra atteindre 40% en 2050, dont 85% d'origine renouvelables (contre 25% aujourd'hui), complète le schéma.

Multiplier par six le rythme de développement des renouvelables

Les capacités de solaire et d'éolien installées en 2017 ont battu de nouveaux records, avec 167 gigawatts (GW) supplémentaires, en hausse de 8,3% sur 2016, et une croissance annuelle moyenne de 8% sur les 10 dernières années. Mais, pour espérer contenir la hausse des températures sous la barre des 2°C, il faut multiplier ce rythme de développement des renouvelables par six, à la fois directement et via l'électrification des transports et de la chaleur. Solaire thermique, géothermie, bioénergie et carburants alternatifs seront également nécessaires.

Tous les pays pourraient contribuer à ce développement, avec une part des renouvelables dans le mix énergétique partout supérieure à 60%, de la Chine (où elle passerait de 7% en 2015 à 67% en 2050) à l'Europe (où sa part atteindrait 70%). Selon leur dépendance aux énergies fossiles, toutes les régions ne bénéficieront pas de la même façon de la transition énergétique. Le Mexique, le Brésil, l'Inde et l'Océanie figurent parmi les grands gagnants. Mais l'accès à l'énergie pour tous est assurément un pré-requis pour une transition juste.

Plus de 11 millions d'emplois créés d'ici à 2050

Bien évidemment, cette accélération drastique dans le déploiement des renouvelables a un coût, estimé par l'Irena à un investissement de 30% plus élevé que dans le scénario de base, ce qui nécessiterait de passer, sur la période de trente-cinq ans allant de 2015 à 2050, d'un investissement total de 93.000 milliards de dollars prévu aujourd'hui à 120.000 milliards de dollars, dont 18.000 milliards de dollars investis dans les réseaux et les outils de flexibilité. Ainsi, le surcoût annuel représenterait en 2050 quelque 1.700 milliards de dollars.

Pour libérer ces montants gigantesques, il importe d'aligner le système financier avec les exigences de durabilité et de transition, afin de faciliter l'accès aux financements et d'abaisser le coût de l'argent. Des sources encore peu sollicitées à cet effet, telles que les investisseurs institutionnels et les financements communautaires, devront être mises à contribution. Les finances publiques devront être utilisées à faible proportion dans l'objectif de "dérisquer" les investissements et d'abaisser le coût du capital dans les pays où les énergies renouvelables sont perçues comme risquées.

Après les investissements, des bénéfices non moins fabuleux !

Mais cet effort s'accompagne selon l'Irena de bénéfices économiques et sociaux, que l'agence évalue pour la première fois à 52.000 milliards entre 2018 et 2050, soit 1 point de PIB supplémentaire et des bénéfices en termes de qualité de l'air, de santé et d'environnement estimés à 6.000 milliards de dollars par an en 2050.

En termes d'emplois, malgré la destruction de 7,4 millions d'emplois dans les énergies fossiles, l'Irena anticipe un solde positif de 11,6 millions d'emplois créés. Mais ce potentiel ne pourra se concrétiser totalement qu'à la condition que des politiques de formation adaptées seront mises en oeuvre, y compris sur le plan local.

Inventer de nouveaux modèles économiques

Au-delà des investissements, cette stratégie impliquerait aussi de nouvelles approches en termes de planification, d'organisation des marchés de l'électricité, de régulation et de politiques publiques, mais aussi dans l'invention de nouveaux modèles économiques, où l'innovation est tout aussi nécessaire que dans la technologie.

Dans le bâtiment, il faut multiplier par trois le rythme des rénovations, freiné par le faible taux de renouvellement du parc immobilier, de 1% par an. Dans les secteurs industriels les plus énergivores, de nouvelles solutions conçues sur l'intégralité du cycle de vie seront nécessaires.

Agir vite, très vite... pour limiter l'ampleur des "actifs échoués"

Mais le principal message de ce rapport réside dans l'urgence d'agir. Plus tôt les investissements seront fléchés vers les technologies les plus prometteuses, moins le coût de l'adaptation au changement climatique sera élevé, et les ruptures socio-économiques brutales, et mieux cela permettra de limiter l'ampleur des "actifs échoués". Selon l'Irena, ces installations de production d'énergie dont les ventes ne permettront pas d'amortir l'investissement, ce qui d'ores et déjà le cas aujourd'hui de nombreuses centrales à charbon, représenteront 11.000 milliards de dollars en 2050, mais cette valeur pourrait doubler si les actions correctrices continuaient d'être reportées.

Dans vingt ans, la bascule irrémédiable

En termes de méthode, les auteurs insistent également sur la nécessité d'adopter une approche plus intégrée et mieux coordonnée entre secteurs d'activité et pays.

Alors que l'Irena rappelle qu'au rythme actuel, la planète aura consommé dans les 20 prochaines années son « budget carbone » (le volume d'émissions au-delà duquel il ne sera plus possible de contenir la hausse des températures en deçà de +2°C), la plupart des prévisions, à commencer par celles de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), tablent sur une hausse de la demande de pétrole qui pourrait passer de 93,9 millions de barils par jour (mbj) en 2016 à... 104,9 mbj en 2040.

Dominique Pialot

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 33
à écrit le 23/04/2018 à 2:13
Signaler
@ Student : La réalité amplement prouvable est que : 1) les subventions aux renouvelables baissent continuellement (par ex tous les 3 mois pour le solaire en France) et sont supprimées dans de plus en plus de pays (dans moins de 3 ans au Danemark c...

à écrit le 21/04/2018 à 21:43
Signaler
@Polytech Vos affirmations sont surprenantes, certaines crédibles mais beaucoup d'autres fondées sur des croyances et non sur la réalité technique ou industrielle de notre monde d'aujourd'hui. Commençons par les bémols que vous mettez sur l'impor...

à écrit le 20/04/2018 à 13:52
Signaler
Il existe des pays où l'éolien et le photovoltaïque se sont développés sans subventions publiques. Aujourd'hui,grâce aux progrès technologiques ces 2 sources d'énergie renouvelables n'ont à priori,plus besoin de subventions publiques et elles sont mo...

à écrit le 20/04/2018 à 13:04
Signaler
Tout à fait d'accord pour développer l'"efficacité énergétique" de notre pays au sens large, ainsi que les énergies renouvelables THERMIQUES (bois, géothermie...). En revanche, la grosse arnaque des écolos politiques, c'est la volonté de sortir du ...

le 21/04/2018 à 12:30
Signaler
@ Student : le thermique biomasse prélève sur la ressource bois (avec un décalage pour sa reconstitution) et a des aspects polluants malgré tout. Mieux vaut donc utiliser le bois dans la construction etc mais le moins possible sous forme "combustible...

à écrit le 20/04/2018 à 2:42
Signaler
Complètement d'accord avec Polytech.Les énergies renouvelables font des progrès rapides et elles seront moins chères que les énergies fossiles avant 2020.Il faut que notre technocratie se décide à abandonner le nucléaire, sinon on prendra du retard v...

le 20/04/2018 à 13:09
Signaler
Quel retard par rapport à l'Allemagne ??? Celle-ci va dans un mur en arrêtant son nucléaire ce qui provoque l'envolée du prix de l'électricité (deux fois plus chère qu'en France) et une pollution majeure de l'ensemble de l'Europe à cause de leurs cen...

le 21/04/2018 à 12:42
Signaler
@ Student : informez-vous mieux ! La France est depuis des années "importateur net" d'électricité d'Allemagne car celle-ci y est moins chère (vous avez les prix en direct sur le site de RTE notamment et le détail complet du Worl Nuclear Status Report...

à écrit le 19/04/2018 à 22:14
Signaler
@ Dingo : ce n'est pas un parti pris de ma part mais pour la même quantité d'énergie, on a désormais beaucoup plus de renouvelables qui mettent pour un parc solaire entre 6 mois et 2 ans et en moyenne (hormis en France) 3 ans pour l'éolien contre en ...

le 20/04/2018 à 11:54
Signaler
En Angleterre : Parc éolien de 402MW avec 67 turbines de 6 MW et coût de 1,9 M$, 2 EPR de 1.600 MW pour 18,5 M$, les 2 EPR sont 8 fois plus puissant en nominal, l’équivalent éolien coûterai 15,2 M$. Rendement EPR 80 %, éolien 25 % max. Donc enviro...

le 20/04/2018 à 12:19
Signaler
Rectification en dollars les deux EPR (2600MW effectif) couterons 27 M$ soit 10,4 million $ par MWh produit. https://www.upi.com/Energy-News/2017/11/22/New-wind-farm-in-service-off-the-British-coast/7061511348159/?utm_source=sec&utm_campaign=sl&u...

le 21/04/2018 à 12:44
Signaler
@ Roberton : désolé mais la cour des comptes britannique calcule mieux que vous ! Votre calcul et vos donnés sont en effet inexactes à tous les niveaux (facteur de charge, taux de disponibilité, garantie de plus de 30 ans, prix du repowering, coût de...

le 22/04/2018 à 5:22
Signaler
Combien va couter l’éolien sans vent ? Exemple, l´Espagne a 20.000MW d’éolien et a dû installer 15.000MW au gaz et grâce à cela importe pour 6 milliards d’euros de gaz pour compenser l´intermittence, résultat fin des subventions dans les renouvelabl...

à écrit le 19/04/2018 à 18:15
Signaler
Réponse à Dingo Le dernier rapport de l'ADEME dit clairement qu'en 2050, on peut remplacer complètement les énergies fossiles et le nucléaire,par les énergies renouvelables si l'on fait les investissements nécessaires.Donc, il faut avoir la volonté p...

à écrit le 19/04/2018 à 17:33
Signaler
@ Polytech + Citoyen Blasé. L'objectif de réduire la hausse de la température en n'utilisant que des énergies renouvelable est à mon sens naif. Toutes les technologies permettant d'atteindre cette objectif doivent être prise en compte. Le nucléair...

à écrit le 19/04/2018 à 14:26
Signaler
L'Irena n'a pas actualisé son étude avec les chiffres les plus récents car on atteint des prix déjà beaucoup plus bas pour le solaire et l'éolien (par exemple 14 à 17 euros le MWh éolien en Amérique latine et du Nord, en plus avec une part de stockag...

à écrit le 19/04/2018 à 12:28
Signaler
EDF veut augmenter la durée de vie des centrales nucléaires à 60 ans. Cela n'est pas seulement cher (100 milliards d'euros) mais dangereux, car ça augmente le risque d'accident de manière importante.Fukushima coûtera ,au bas mot, 500 milliards d'euro...

à écrit le 19/04/2018 à 9:05
Signaler
On porte à 50 ans l'âge de nos centrales nucléaires, on construit quelques EPRs de plus, ce sera moins cher, (infiniment) plus efficace

le 19/04/2018 à 22:31
Signaler
Le prix d'un EPR est désormais proche en France de celui d'Hinkley Point en GB et vous pouvez lire les rapports de la Cour des comptes britannique (Noa) qui sont très négatifs alors qu'elle comparait avec l'éolien et stockage. Mais depuis l'éolien a ...

à écrit le 18/04/2018 à 20:52
Signaler
L'énergie c'est le veau d'or des états et des très grosses entreprises , alors l'on peu comprendre les difficultés à changer quoi ce soit .

à écrit le 18/04/2018 à 19:02
Signaler
La France n'a pas besoin de 65% d'énergie renouvelable en 2050 si la part du nucléaire reste à 70-75% car cette dernière n'émet pas de CO2. Attention je ne dis pas que le nucléaire est la solution miracle mais si le but est de réduire le CO2 pour emp...

le 19/04/2018 à 8:53
Signaler
"Cette article ne fait que la promotion des énergies verte..." C'est un peu comme si vous dénonciez les papiers de l'abbé pierre qui totalement subjectif s'attaquait à tout ce qui générait la pauvreté ! AU sein d'une industrie et de propriéta...

le 19/04/2018 à 14:33
Signaler
@ Dingo : notre nucléaire arrive en fin de vie et les EPR ne sont plus compétitifs donc il faut passer nécessairement aux renouvelables, efficacité énergétique et méthanation : rendement plus de 80% et prix déjà compétitifs aux centrales gaz, il faut...

à écrit le 18/04/2018 à 15:54
Signaler
Le voltaïque et l'éolien représentent moins de 3% chacun de la production énergétique globale en France, car l'électricité ne représente guère plus de 22% de l'énergie globale consommée. Donc, il ne faut pas rêver, la filière est très loin d'avoir un...

à écrit le 18/04/2018 à 15:21
Signaler
Je lis:"On peut aussi présumer que la production individuelle d’énergie et la décentralisation ne plaisent pas aux fournisseurs traditionnels". C'est surement pas le cas car qui voudraient disposer d'énergie électrique quand personne n'en consomme. ...

à écrit le 18/04/2018 à 14:02
Signaler
conso versus production https://imgur.com/a/6dEDt

à écrit le 18/04/2018 à 13:56
Signaler
La transition énergétique est une impossibilité physique donc une grande arnaque (loi de la conservation d’énergie). la technologie aura toujours besoin de ressources minérales et d’énergie. Toutes les énergies sont basé sur le pétrole (minéraux, fab...

à écrit le 18/04/2018 à 11:40
Signaler
Cela risque de prendre du temps, encore trop de freins et de contradictions pour le moment, il est certain que plus on attend plus cela coûtera cher. Ceci dit, de plus en plus de pays prouvent que le modèle ENR est économiquement viable et pourra...

à écrit le 18/04/2018 à 10:28
Signaler
Il faudrait commencer par investir les 100 milliards d'euros, que EDF veut investir ds le renouvellement des centrales nucléaires,dans les énergies renouvelables.Après ,sur le stockage , les solutions techniques existent. Il faut simplement avoir la ...

à écrit le 18/04/2018 à 10:04
Signaler
Bien sur le souhait de limiter la hausse de la température à 2°C est général. Mais ce souhait ne PEUT être réalisable sans un support technique minimum.C'est bien là que se situe le problème, l'augmentation des ENR ne changera jamais les choses tant ...

à écrit le 18/04/2018 à 9:20
Signaler
Merci pour vos articles intelligents, bien faits et enthousiastes même si l’environnement politique et économique aurait plutôt tendance à nous rendre profondément pessimiste parce que tant que les propriétaires d'outils de production gagneront 30% d...

à écrit le 18/04/2018 à 8:36
Signaler
l'agence defend son job mais on ne peut pas dire qu'elle est impartiale !!!

à écrit le 18/04/2018 à 8:23
Signaler
Pour un dogme (le pseudo réchauffement du GIEC) c'est cher payé par les contribuables. Des sommes colossales qui pourraient être utilisées pour développer certains pays d'Afrique par exemple car eux, ne peuvent pas se payer les éoliennes ou les panne...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.