
Métamorphoser la consommation énergétique pour la décarboner, tout en s'appuyant sur l'infrastructure existante. C'est le pari sur lequel semblent miser les distributeurs de gaz, parmi lesquels Teréga - l'un des deux gestionnaires en la matière en France, avec GRT gaz -, qui travaille sur l'adaptation de son réseau de pipelines. Aujourd'hui alimentés en gaz naturel, un combustible fossile présent dans le sous-sol terrestre, ces derniers pourraient en effet acheminer demain une autre source d'énergie, aux vertus prometteuses : l'hydrogène « vert », produit par électrolyse de l'eau.
Transporté directement sur le territoire grâce à ses quelque 5.000 kilomètres de canalisations (15,8% du réseau français), il permettrait une multitude d'applications : faire carburer les camions, décarboner les procédés industriels, en passant, peut-être, par le chauffage les bâtiments. Et ce, en injectant dans les tuyaux de l'hydrogène pur, ou, entre autres, en faisant du « blending », c'est-à-dire un mélange de gaz naturel et d'hydrogène.
Une position stratégique
La stratégie était au cœur de la présentation du bilan 2020 de Teréga, qui avait lieu le 27 mai. Car si « la France a un rôle clé » en la matière, a expliqué Marie-Claire Aoun, responsable du pôle des relations institutionnelles, le gestionnaire de gaz, par sa localisation à Pau, bénéficie d'une position stratégique - proche de la frontière avec l'Espagne. Créé à l'origine pour transporter le gaz du gisement de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) désormais épuisé, Teréga compte en effet aujourd'hui sur la collaboration dans l'hydrogène avec le pays de Cervantes, qui se lance dans la production d'une grosse quantité de cette énergie « propre » à partir de panneaux solaire.
Une démarche intégrée dans un projet de grande ampleur entre Teréga et son homologue espagnol Enagàs, baptisé Lacq Hydrogen. Concrètement, celui-ci consistera à produire 10 millions de tonnes d'hydrogène « vert » d'ici à 2030 à prix compétitif, avant de le transporter entre l'Espagne et l'Europe. Le but : devenir l'un des maillons de la future dorsale européenne de l'hydrogène.
« L'Allemagne voit l'hydrogène comme un pilier pour atteindre sa neutralité carbone, et est en quête de nouvelle source d'approvisionnement. L'Espagne a aussi affiché des ambitions en termes d'exportation d'hydrogène vert. A côté de ces zones de consommation qui se développent, l'idée serait de pouvoir relier un transit qui l'acheminerait depuis l'Espagne vers la France puis vers l'Allemagne. On a déjà identifié un point d'interconnexion, qui commencerait à relier les deux pays en 2035 pour transporter de l'hydrogène pur », a ainsi développé Marie-Claire Aoun.
Minimiser les coûts
Mais le projet n'en est qu'à ses balbutiements, et reste une « vision » plutôt qu'un « plan d'investissement », a-t-elle insisté. Teréga, Enagàs, le producteur d'hydrogène renouvelable DHE et GazelEnergie ont pour l'instant signé, en avril 2021, un protocole d'accord portant sur le développement de Lacq Hydrogen, afin d'étudier le développement de la chaîne de valeur. Notamment la production et la fourniture d'hydrogène renouvelable, son transport et son stockage, ainsi que la production d'électricité renouvelable 100% pilotable via une centrale à cycle combiné pilotée par GazelEnergie.
« L'objectif est d'atteindre près de 40.000 kilomètres dans 21 pays d'ici à 2040, pour minimiser les coûts [...] mais il faut que les conditions de marché et réglementaires soient réunies », a souligné Marie-Claire Aoun. « Techniquement, on a identifié des solutions, on sait comment faire passer le réseau du gaz naturel à l'hydrogène. Cela dépendra surtout de conditions de marché, qui doivent se mettre en place peu à peu », a abondé Dominique Mockly, le Président et Directeur général de Teréga.
Développement du biométhane
En parallèle, le gestionnaire gazier s'intéresse à une troisième voie : la méthanation, qui consiste à faire réagir du CO2 avec de l'hydrogène, pour produire du méthane - pouvant ensuite être transformé en chaleur, électricité ou carburant - et de l'eau. Un procédé qui permettrait d'accélérer le déploiement des sources renouvelables d'énergie grâce au stockage, sous forme de méthane, dans le réseau actuel de gaz. Le projet se propose d'enrichir du biogaz, issu de la décomposition de matière organique par les unités de méthanisation, en méthane injectable dans les réseaux existants de transport et de distribution.
Mais encore faut-il produire suffisamment de biogaz. Pour se développer sur ce marché, la société, via sa structure Teréga Solutions, est entrée en 2020 dans le capital de deux unités de biométhanisation, DualMetha et Chadasaygas. « Le but est de doubler les quantités en 2023, et d'atteindre 8% voire 10% de biométhane d'ici à 2028 », a ainsi précisé Dominique Mockly lors de la conférence de presse. En lançant, dès 2021, la construction de cinq unités de production.
Lire aussi : Un hydrogène vert et compétitif : le pari de Teréga et d'une trentaine d'industriels européens
Mais en la matière, « de la visibilité sur le long terme doit être apportée pour soutenir la filière et conforter la mobilisation des financeurs », soulignaient en avril dernier le SER, le distributeur de gaz GRDF, les gestionnaires du réseau de transport GRTgaz et Teréga, et le Syndicat des entreprises gazières municipales (Spegnn). Et proposaient au gouvernement un mécanisme « extra-budgétaire », qui imposerait aux fournisseurs d'énergie une obligation de production ou d'achat de biométhane, avec allocation de « certificats verts ».
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