C'est un nouveau pied de nez aux détracteurs de l'éolien, au moment où les deux candidats à l'élection présidentielle française souhaitent freiner sur l'implantation de nouveaux parcs dans les terres - voire démanteler les installations existantes, pour ce qui est de Marine Le Pen. Car tandis que les coûts de ces géants à pales se sont effondrés en une décennie, comme l'a récemment rappelé le Groupe d'expert intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), leur niveau de production dans certains pays flirte désormais avec celui des sources d'énergie plus traditionnelles... allant même jusqu'à les dépasser.
Ou du moins brièvement. Ainsi, aux Etats-Unis, les éoliennes ont pour la première fois fourni en une journée plus d'électricité que le charbon ou le nucléaire, a fait savoir ce jeudi l'agence américaine d'information sur l'énergie (EIA). Concrètement, elles ont généré au total, le mardi 29 mars dernier, 2.017 gigawattheures (GWh) d'électricité, tandis que l'atome a produit 1.989 GWh et le charbon 1.822 GWh. C'est une étape symboliquement importante, puisque si l'éolien avait déjà temporairement été plus performant que la roche noire ou les réacteurs nucléaires outre-Atlantique, il n'avait encore jamais devancé les deux en même temps à l'échelle d'une journée.
Toutes les conditions étaient réunies
Il faut dire que des rafales ont traversé le pays ce jour-là : le Southwest Power Pool (SPP), qui couvre notamment des régions de l'Oklahoma, du Kansas, du Nebraska et du Dakota, et l'Electric Reliability Council of Texas (ERCOT), où de nombreuses éoliennes sont installées, avaient tous deux signalé de nouveaux records de pénétration du vent.
En parallèle, la consommation d'électricité tendant à être plus faible au printemps, certaines centrales au charbon ou au nucléaire fonctionnaient comme prévu à marche ralentie, tandis qu'une partie se trouvait à l'arrêt pour des entretiens programmés.
A cela s'ajoute le fait que « les jours où les conditions météorologiques entraînent une plus grande production d'énergie éolienne, les générateurs au charbon et au gaz naturel concurrents sont souvent appelés à réduire leur production afin que l'offre globale corresponde à la demande », précise l'EIA sur son site Internet. De quoi permettre aux éoliennes de leur voler la vedette, au moins pour quelques heures.
Si les conditions étaient exceptionnelles ce jour-là, un tel phénomène pourrait néanmoins se produire « de manière plus fréquente », au fur et à mesure que la capacité éolienne se construit, selon Tyler Jubert, analyste du marché de l'électricité chez S&P Global. De fait, le marché américain s'avère très prometteur pour l'éolien, puisqu'avec pas moins de 100 projets prévus, l'administration du président Joe Biden tente de rattraper le terrain perdu dans le domaine lors de la précédente mandature. Rien que cette année, 7,6 gigawatts (GW) supplémentaires devraient être raccordés au réseau, selon les prévisions de l'EIA.
Le facteur de charge de l'éolien reste faible
Reste qu'« il n'est pas certain que cette performance se reproduise régulièrement à court terme », tempère l'EIA. Et pour cause, la production de ces géants à pales reste par nature intermittente et non pilotable, c'est-à-dire conditionnée aux conditions météorologiques, contrairement aux centrales atomiques ou à hydrocarbures. Pour preuve, la capacité totale théorique d'énergie que les éoliennes peuvent produire dépasse déjà celle des réacteurs nucléaires depuis septembre 2019, mais leur contribution réelle au réseau continue d'être inférieure, en-dehors d'événements particuliers.
Rien d'étonnant, puisque leur facteur de charge, c'est-à-dire le taux moyen de fonctionnement, ne dépassait pas 35% en 2021, quand celui des centrales atomiques s'élevait à 93%, selon les données de l'EIA. Ainsi, l'agence américaine ne s'attend pas à ce que la production mensuelle des éoliennes « dépasse la production au charbon ou nucléaire pour aucun mois en 2022 ou 2023 ».
Par ailleurs, la production d'électricité à partir de gaz fossile, qui est principalement obtenu par fracturation hydraulique outre-Atlantique, restait la principale source d'électricité le 29 mars dernier, avec 3.287 GWh fournis au réseau - c'est-à-dire plus de 1.000 GWh supplémentaires que l'éolien, selon le Hourly Electric Grid Monitor de l'EIA. Si l'éolien se taille une place de choix dans le mix électrique américain, il n'est donc pas encore près d'éclipser les combustibles fossiles, encore largement majoritaires.
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