Pour atteindre la neutralité carbone, la France ne veut pas mettre tous ses œufs dans le même panier en ne misant que sur le nucléaire. Elle table ainsi sur une montée en puissance de l'éolien en mer. Un choix réaffirmé, lundi 10 mai, par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, en déplacement à Dunkerque, malgré les récentes vives contestations des pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc.
Alors que la France affiche encore un retard important par rapport à ses voisins européens sur ce terrain là, le développement de l'éolien en mer flottant, une technologie émergente qui se distingue de l'éolien en mer posé plus mature, devrait jouer, dans les années à venir, un rôle déterminant dans sa transition énergétique.
L'éolien flottant, majoritaire en France à l'horizon 2050
"A l'horizon 2030, la France vise entre 8 et 10 gigawatt (GW) de puissance installée dans l'éolien en mer. A cet horizon, nous n'aurons pas un besoin spécifique de l'éolien flottant en exploitation. En revanche, pour des objectifs de l'ordre de 50 GW de capacité installée en 2050, là, nous aurons besoin de l'éolien flottant, et de manière majoritaire", a affirmé Régis Boigegrain, directeur exécutif des affaires maritimes de RTE, le gestionnaire du réseau de transport électrique, à l'occasion d'un point presse ce mardi 11 mai. "L'éolien flottant en France va être nécessaire pour tenir nos objectifs de neutralité carbone. L'objectif est de passer à la vitesse commerciale", a-t-il ajouté.
L'éolien flottant désigne des turbines fixées sur une structure flottante sur l'eau et reliées au fond marin par différentes technologies d'ancrage pour en limiter les mouvements. Elles se distinguent ainsi des éoliennes directement posées sur le plancher océanique grâce à des fondations.
Historiquement, l'éolien en mer, dont le berceau se situe en mer du Nord, s'est développé grâce à la technologie de l'éolien posé, adaptée aux fonds marins de ce bassin. Mais, "les fonds spécifiques de la mer du Nord se ne retrouvent pas ailleurs dans le monde, notamment en Asie ou aux Etats-Unis. Le marché mondial de l'éolien offshore est à 80% flottant", rappelle Régis Boigegrain.
En France, cette technologie émergente est notamment indispensable pour couvrir les façades atlantiques et méditerranéennes car la profondeur des fonds, qui s'accentue très rapidement, ne permet pas d'installer des éoliennes posées, dont l'équation économique n'est pas tenable au-delà de 50 mètres de profondeur.
Quatre fermes pilotes et trois projets commerciaux
Aujourd'hui, quatre fermes pilotes ont été sélectionnées (Faraman, Gruissan, Leucate, Groix-Belle-Ile) et doivent être installées en 2023 pour un total de 24 mégawatts (MW). "Cela reste petit mais cela va permettre d'identifier les défis technologiques et économiques à surmonter", expliquait récemment Jean-Louis Bal, le président du syndicat des énergies renouvelables, dans la Tribune.
A plus long terme, trois projets commerciaux sont également prévus : un en Bretagne Sud et deux en Méditerranée. Pour le premier, la puissance attendue est de 250 MW avec une extension possible pour un second parc de 500 MW. La zone maritime précise retenue doit être dévoilée prochainement. S'en suivra la phase de sélection du producteur, en charge de ce premier parc. Les deux projets en Méditerranée, de respectivement 250 et 500 MW, sont quant à eux moins avancés. Un débat public est prévu au second semestre de l'année.
De nombreux verrous technologiques
Pour atteindre cette phase commerciale, de nombreux verrous technologiques doivent encore être levés. Du côté de la filière industrielle, l'enjeu est de garantir la stabilité des éoliennes grâce à des flotteurs. Au-delà du défi technique, l'aspect économique est déterminant car aujourd'hui la part du flotteur dans le coût complet du dispositif reste très importante.
La réduction du coût de ce composant sera donc primordiale pour faire décoller la filière. Les professionnels du secteur espèrent atteindre ce point de bascule en 2030. Compte tenu de la vitesse de réduction des coûts observée précédemment dans l'éolien posé, ils semblent plutôt confiants
L'autre grand défi doit être relevé par RTE, chargé du raccordement électriques des parcs éoliens en mer. D'un point de vue technique, le gestionnaire du réseau doit notamment vérifier le comportement et l'usure de câbles dynamiques très haute tension et planche sur la mise au point de postes de raccordement électriques flottants, dont les flotteurs devront être en mesure de gérer la houle afin de limiter au maximum les vibrations. Pour optimiser ses coûts, RTE mise aussi sur le raccordement mutualisé de plusieurs parcs.
Faire baisser le coût du raccordement
L'enjeu est de taille car plus les parcs sont installés loin des côtes, plus les coûts de raccordement sont élevés, les besoins en câbles étant plus importants. Par ailleurs, plus la puissance de production est élevée, plus les matériels sont significatifs et donc onéreux. Or aujourd'hui "la course à la taille nécessite de s'éloigner des côtes pour des raisons d'acceptabilité", souligne le directeur exécutif des affaires maritimes de RTE.
Si la France ambitionne d'être à la pointe de l'éolien flottant et compte des pépites dans ce domaine, comme la PME provençale Ideol (désormais contrôlée par le groupe norvégien BW), d'autres pays sont déjà plus avancés. C'est le cas de l'Ecosse et du Portugal. Le pays de la péninsule ibérique a relié, en décembre dernier, la plus grande éolienne flottante au monde (190 mètres de haut) au continent. Le Japon, les Etats-Unis et Taiwan sont également très engagés dans le développement de cette technologie. "La mer du Nord est le berceau de l'éolien posé, le bassin méditerranéen sera probablement le berceau de l'éolien flottant", veut croire, pour sa part, Régis Boigegrain.
Source : RTE
Sujets les + commentés