HOP, Brittany Ferries, éoliennes, Fonderie de Bretagne, pêche : les cinq dossiers bretons très « chauds »

Désengagement industriel, crise sanitaire, Brexit et trafic transmanche ne font pas les affaires de la Région Bretagne. De Hop ! à Morlaix à la fonderie de Renault à Caudan en passant par le sensible dossier de la pêche dans les eaux britannique, plusieurs dossiers « chauds » font craindre pour l’emploi et l’économie des territoires. Les actions des pêcheurs en Baie de Saint-Brieuc, sur fond de transition énergétique, sont également scrutées de près. Décryptage.
Ailes Marines a annoncé l'instauration de mesures renforcées de suivis sur le bruit et la turbidité (état trouble de l'eau) durant la période de forage. Cette bouée va assurer la surveillance acoustique en temps réel.
Ailes Marines a annoncé l'instauration de mesures renforcées de suivis sur le bruit et la turbidité (état trouble de l'eau) durant la période de forage. Cette bouée va assurer la surveillance acoustique en temps réel. (Crédits : Ailes Marines)

Fin avril, l'État a déminé (pour l'instant ?) les conséquences du plan social chez Nokia à Lannion en lâchant 10,5 millions d'euros, au titre du plan de relance, afin de faciliter l'implantation par le groupe finlandais d'un centre européen d'expertise technologique. La création de cette entité devant créer 97 emplois avait été annoncée en octobre dernier, en même temps que la réduction d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Les Trégorrois et les salariés s'étaient fortement mobilisés contre ce quatrième PSE qui prévoyait initialement la suppression de 402 postes voire l'existence du site.

Si le cas Nokia est sorti des dossiers jugés sensibles, inquiétants pour l'emploi et l'économie de certaines petites villes bretonnes, d'autres subsistent. Et c'est sans compter la négociation qui s'ouvre entre l'État et les régions sur le second pilier de la future Politique agricole commune (PAC 2023-2027), lié à la répartition du Feader (1,2 milliard d'euros) entre les territoires ruraux. Elle pourrait aussi faire des vagues.

Tour d'horizon des cinq dossiers « chauds » en Bretagne, sur fond de restructuration, de délocalisation, de Brexit et de transition énergétique. Les questions de la pêche et de l'éolien  vont particulièrement émailler les débat des régionales.

La candidate LR, Isabelle Le Callenec, annonce ce lundi matin l'arrivée sur sa liste d'Alain Coudray, président du comité des pêches des Côtes d'Armor et chef de file des opposants au projet de parc éolien en baie de Saint-Brieuc, ainsi que de Pascal Lecler, président du comité des pêches d'Ille-et-Vilaine.

HOP à Morlaix : « Air France doit des emplois »

Le 30 avril dernier, lors d'une rencontre sur la situation économique de la cité des Côtes d'Armor, la Région, la Ville de Morlaix et Morlaix Communauté ont convenu « de ne ménager aucun effort pour aboutir à une reprise des activités aéronautiques et des activités de maintenance en envisageant, si besoin, des investissements nouveaux, conditionnant le développement de certaines de ces activités ».

Visé par un plan social, le site de filiale régionale d'Air France, HOP qui emploie 276  salariés à Morlaix, berceau de feu Britair (l'une des trois compagnies qui ont donné naissance à HOP en 2016), devrait fermer définitivement fin 2022 alors que la direction envisage de recentrer la compagnie sur Roissy et Lyon. Son activité sera transférée à Nantes.

Au niveau local, les élus, en lien avec la préfecture, cherchent la parade pour maintenir et développer les activités d'un site orienté autour de la maintenance, de l'affrètement d'avions et de la formation via Hop ! Training (simulateurs de vols).

Co-géré par Morlaix, l'aéroport est exploité par la CCI métropolitaine Bretagne Ouest (CCIMBO) qui bénéficie d'une délégation de service public jusqu'au 30 avril 2023. Maintenance, formation tourisme d'affaire ou accueil d'autres secteurs : toutes les pistes sont explorées, y compris celle de l'aviation hybride.

Un projet de reprise est actuellement à l'étude, porté par la CCIMBO, Morlaix Communauté et des investisseurs privés dont la société suisse Sparfell Aviation Group, spécialiste de l'aviation d'affaires. Chalair Aviation prévoit pour sa part d'installer à l'aéroport une plateforme téléphonique de support maintenance.

Baptisé Brocéliande, ce plan prévoirait la création d'une nouvelle compagnie aérienne et d'un site de maintenance. Son issue pourrait dépendre des négociations portant sur le rachat des actifs de la compagnie qui comptent notamment la flotte de Bombardier CRJ 1000, le siège social et les hangars. Air France en demanderait 10 millions d'euros.

« Un délire » a réagi Loïg Chesnais-Girard. « Tout ce qui permettra de créer de l'emploi, de l'emploi de production, de l'emploi industriel ou de services dans nos territoires bénéficiera du soutien de la Région. Nous serons aux côtés des investisseurs. Mais il y a aussi la façon dont cela va s'organiser avec le groupe Air France. Air France nous doit des emplois » martèle le président du Conseil régional.

Brittany Ferries : le spectre de la fin du pavillon français ?

La compagnie de transport maritime Brittany Ferries, dont le siège se situe à Roscoff (Finistère), vient d'annuler les traversées de passagers jusqu'au 5 juin, mais envisage une reprise « avec optimisme pour juillet et août », a-t-elle annoncé dans un communiqué le 5 mai.

Rattrapée par la crise du Covid-19 et par le Brexit, la compagnie, dont 85% de la clientèle est britannique, attend des précisions sur le système de feu tricolore qui sera mis en place par le Royaume-Uni afin de classer par couleurs les pays les plus sûrs (en fonction du taux de vaccination) en termes de sécurité face au Covid. L'entreprise présidée par Jean-Marc Roué a publié en mars des résultats financiers 2020 fortement impactés par le Brexit et la crise sanitaire, notamment sur ses activités de transport maritime et de tour-opérateur.

Brittany Ferries a transporté moins d'un tiers de passagers en comparaison aux années précédentes (752.102 contre 1,4 million), et perdu 57% de son chiffre d'affaires (202,4 millions d'euros contre 469 millions d'euros en 2019). Le fret a quant à lui enregistré une baisse des volumes de l'ordre de 20% et pour 2021, Brittany Ferries anticipe une perte de 80 millions d'euros. Son plan de relance prévu sur cinq ans prévoit cependant un retour pour 2022 des volumes passagers équivalents à ceux de 2019.

Grand défenseur du pavillon français et institution bretonne, Brittany Ferries emploie 2.474 salariés dont 1.600 navigants. Pour continuer à employer des marins français, la compagnie, qui doit rembourser les 117 millions d'euros de prêts bancaires accordés par l'État, doit absolument se relever.

Soutenue par les collectivités territoriales, elle traverse la tempête et veut se faire entendre à Paris et à Bruxelles pour que l'activité transmanche ne tombe pas dans l'escarcelle de concurrents battant pavillon hors Union-Européenne et employant des marins des quatre coins du monde.

La Région Bretagne a récemment indiqué être intervenue de nouveau auprès de l'État « afin d'obtenir de celui-ci la concrétisation de ses engagements financiers (exonération charges sociales des salariés notamment) envers la Brittany Ferries ».

Le Conseil régional a voté une aide exceptionnelle de 47,5 millions d'euros (avances remboursables, prêts et subventions) à Brittany Ferries afin de soutenir son fonctionnement et le redémarrage de lignes de fret entre l'Irlande et les ports bretons. La Normandie a fait de même, mais la compagnie affiche un besoin global de plus de 200 millions d'euros.

Eaux de Jersey : houleuse partie de pêche post-Brexit

La guerre navale entre Anglais et Français va-t-elle reprendre ? Les tabloïds britanniques ont rapidement traduit le coup de pression, mercredi 5 mai, des pêcheurs bretons et normands dans le port de Saint-Hélier à Jersey, comme une nouvelle bataille de Trafalgar.

Celle-ci n'a pas eu lieu. Les 50 navires venus protester contre les conditions de pêche imposées depuis le Brexit ont quitté les eaux de Jersey jeudi matin et les patrouilleurs britanniques ont été rappelés.

Les pêcheurs français ont surtout voulu marquer les esprits et peser sur les négociations en cours à Bruxelles concernant les droits de pêche. Ils s'insurgent contre la publication le 30 avril d'une liste de 41 navires français, sur 344 demandes, autorisés par le Royaume-Uni à pêcher dans les eaux de Jersey. Ces licences concernent les unités de plus de douze mètres pouvant justifier d'au moins dix jours de pêche dans les eaux de Jersey sur une période de douze mois dans les trois dernières années.

Contre toute attente, cette liste a été accompagnée de nouveaux critères (nombre de jours de pêche autorisé, restriction des engins, fermeture de zone), non concertés ni discutés préalablement dans le cadre de l'accord du Brexit, en vigueur depuis le 1er janvier.

Paris et Bruxelles indiquent ne rien vouloir lâcher sur les discussions liées au Brexit. Les instances iront-elles jusqu'à mettre à exécution les mesures de rétorsions prévues dans l'accord du Brexit et, par exemple, couper le courant de Jersey comme a menacé Annick Girardin, ministre de la Mer ?

Pas sûr, mais la partie ne fait que commencer.  « On est dans une situation surréaliste où le gouvernement britannique ne respecte pas les engagements de l'accord du Brexit. Boris Johnson défend le non-respect du droit international » a commenté l'eurodéputée bretonne Marie-Pierre Vedrenne.

Les Régions Normandie et Bretagne campent sur les mêmes positions : les conventions de l'accord doivent être respectées.

Naviguant en eaux troubles depuis janvier, les pêcheurs voient dans la publication de cette liste une « provocation ». A Saint-Malo, ils envisagent un blocage des Condor Ferries afin d'empêcher les Jersiais de débarquer leur marchandise. Pour certains pêcheurs côtiers, comme ceux qui ramassent les araignées et les crustacés, l'enjeu est de taille : leur taux de dépendance aux eaux jersiaises en termes de chiffre d'affaires oscille entre 80 à 100%.

Parallèlement au volet sur les îles anglo-normandes, les pêcheurs redoutent l'issue des négociations des détails. L'accord global du Brexit prévoit que les pêcheurs européens renonceront à 25% des captures dans les eaux anglaises d'ici à cinq ans. Mais après la période de transition, les détails sur les zones de pêche, les espèces, les quotas 2021, sont toujours en négociation.

« On ne sait pas si les futurs quotas seront calculés sur la globalité des quotas ou sur le chiffre d'affaires des bateaux » craignait déjà en février, Pascal Lecler, président du Comité des pêches d'Ille-et-Vilaine. « De même, les espèces sous quotas (morue, cabillaud...) concernent la pêche hauturière. On n'a pas d'éclairage sur la question des espèces hors quotas communautaires (coquillages, crustacés) de la pêche côtière. Ça risque de peser lourd ! ».

Fonderie de Bretagne : grève sur fond de délocalisation

Démarrée il y a plus de dix jours sur une opération coup de poing, la grève à la Fonderie de Bretagne, filiale du groupe Renault, se poursuit. Les salariés demandent le maintien au sein du groupe qui, de son côté, cherche un repreneur.  Environ 150 salariés se sont rassemblés ce lundi devant la sous-préfecture de Lorient pour empêcher la tenue d'un Conseil social et économique (CSE) qui devait acter la vente de l'usine, selon la CGT

Éric Boireau, directeur de l'unité territoriale de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a été nommé médiateur et a démarré ses consultations. « Tout le monde reste mobilisé et soudé » s'est félicité le délégué CGT Maël Le Goff, lors d'une opération escargot sur la RN 165 jeudi 10 mai.

Les salariés veulent convaincre le médiateur que la pérennité du site, spécialisé dans la fabrication des bras de suspension automobile, des collecteurs et coudes d'échappement et des différentiels de boîte de vitesses, passe par un maintien dans le groupe Renault et par des volumes conséquents pour être compétitifs.

L'avenir industriel de l'usine de Caudan, qui emploie 350 personnes, demeure pourtant très incertain. Dans ce bras de fer, les salariés sont épaulés par les élus locaux, des présidents de Lorient Agglo et de la Région Bretagne aux parlementaires. A la veille des élections régionales, le dossier est devenu politique.

« Renault doit aller au bout de ses engagements, sur le retour des pièces, sur les investissements et c'est indispensable de le faire très vite » appelle Loïg Chesnais-Girard, candidat à sa réélection.

Les élus, qui veulent peser sur le gouvernement, ont depuis longtemps suggéré que la capacité de production de la fonderie restait importante, mais que son volume de production était volontiers délesté dans des sites situés hors du territoire national (Turquie, Pologne ou Espagne). Pour eux, il y a « nécessité d'investir à la fois pour conforter l'activité de production de pièces en fonte et pour s'inscrire dans le processus de conversion de l'automobile vers l'électrique. »

Installée près de Lorient depuis 1965, la Fonderie de Bretagne vit en sursis depuis l'annonce en 2020 du plan d'économies de plus de deux milliards d'euros sur trois ans qui prévoit 4.600 suppressions de postes en France. Repris en 2009 par Renault, le site industriel, a, par deux fois, été financièrement soutenu par la Région Bretagne, le département du Morbihan et Lorient Agglomération, aux côtés de l'État à hauteur de 8,2 M€. Ces apports ont permis de moderniser l'outil industriel, assurer sa pérennité et participer au maintien de l'emploi sur le territoire.

La situation de cette usine qui livre 95 % de ses pièces à Renault, traduit les difficultés des fonderies liées à la construction automobile. Son avenir passera aussi par la capacité qui lui sera offerte de diversifier son activité, vers l'alu (au lieu de la fonte) et vers d'autres secteurs.

Éolien : grand vent en Baie de Saint-Brieuc

Démonstration de force vendredi 7 mai contre le parc éolien en mer de la Baie de Saint-Brieuc. Alors que la première phase des travaux de forage a démarré sur la zone nord du futur parc et durera jusqu'en octobre, les pêcheurs continuent d'être vent debout contre ce projet qualifié de « mortifère » pour leur activité, pour la ressource halieutique et pour l'écologie. 70 bateaux ont encerclé l'énorme navire Aeolus, chargé de forer les pieux d'ancrage, et tiré des feux de détresse.

Cette journée d'action en mer suit une première mobilisation qui avait réuni, le lundi précédent, 300 personnes (riverains, associations d'opposition, représentants politiques) devant la préfecture des Côtes d'Armor à Saint-Brieuc. Elle ne sera sans doute pas la dernière.

Les opposants réclament un report des travaux, la finalisation des études promises voire l'annulation de ce projet de parc qui verra l'installation, d'ici à 2023 et à 16 kilomètres au large du Cap Fréhel, de 62 éoliennes. Hautes de plus de 200 mètres et d'une capacité de 496 mégawatts, elles seront construites sur un périmètre de 75 mètres carrés et devraient produire 9% de l'électricité bretonne. Soit la consommation annuelle de 835.000 habitants.

Lundi, le comité des pêches, présidé par Alain Coudray, a demandé à être reçu par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique et réclame une discussion avec les représentants d'Ailes Marines, le porteur du projet et filiale du groupe espagnol Iberdrola.

Ce dernier, qui a annoncé l'instauration de mesures renforcées de suivis en temps réel sur le bruit et la turbidité (état trouble de l'eau) durant la période de forage, défend depuis 10 ans un projet dont l'investissement représente 2,4 milliards d'euros.

 « Le site est complexe en termes d'installations et cher en raison de l'hétérogénéité des sols et des fonds rocheuxNous comprenons les attentes des pêcheurs, légitimes dans un contexte post-Brexit. Le parc, éloigné de six kilomètres au nord pour éviter le principal gisement de coquilles Saint-Jacques, a été conçu, en concertation, pour que l'on puisse y pêcher et pour réduire les impacts. Il empiète que 13% de gisement secondaire » répète Emmanuel Rollin, directeur d'Ailes Marines.

Ouvrant une nouvelle filière en France et des emplois, le parc éolien est soutenu par la Région Bretagne ainsi que par les acteurs économiques dont la CCI Bretagne. Il va mobiliser 1.500 emplois en France dont 500 en Bretagne, et 750 pour la fabrication des éoliennes. Près de 150 entreprises bretonnes sont concernées. Au-delà, c'est aussi « la transition écologique et l'indépendance énergétique du territoire qui sont en jeu » font valoir les acteurs économiques.

D'autres projets liés à l'éolien sont en cours en Bretagne et pourraient aussi agiter le débat public. L'appel d'offres pour le projet des éoliennes flottantes en Bretagne Sud, premier parc commercial de ce type en France, a été lancé le 30 avril. Situé au large de Belle-île et de l'Île de Groix, il ambitionne de couvrir à terme 13% de la consommation régionale.

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Commentaires 4
à écrit le 10/05/2021 à 20:11
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Les industries de la passé - aviation, voitures thermiques - sont en berne voire en train de disparaitre - pour conforter les bretons on developpe l'éolien mais les bretons le resistent toujours.

à écrit le 10/05/2021 à 17:57
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C'est ce qu'on appelle la souveraineté. Maintenant que l'on travaille en bilatéral avec le UK, on a un excédent commercial, il faut les bichonner.

à écrit le 10/05/2021 à 15:03
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Plutôt que de nous confronter avec les anglais il faudrait que nous nous associons sur un projet commun reposant sur une économie martitime qui avec nos deux immenses territoires marins fusionnés créerait les emplois à la pelle et ceci dans le monde ...

le 10/05/2021 à 20:15
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L'établissement britannique déteste la France - la France est toujours le bouc émissaire de premier ressort et de préférence des anglais. Vous n'avez pas vu la presse britannique le semaine derniere quand les pecheirs francais ont bloqué St Helier - ...

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