"Le gaz est le meilleur ami du renouvelable" (Philippe Berterottière, PDG de GTT)

GTT a publié des résultats 2021 contrastés : le chiffre d’affaires s'élève à 314,7 millions d’euros, en baisse de 21% alors que l'EBITDA a progressé à 172,2 millions d’euros. En outre, le carnet de commandes atteint un niveau record avec 161 unités, d’une valeur de 795 millions d’euros. Dans une interview accordée à la Tribune, le PDG de GTT Philippe Berterottière estime que son entreprise est sur une dynamique très positive en raison du positionnement du gaz, qui excelle comme énergie d'appoint des énergies renouvelables.
Près de 20% des navires commandés dans le monde en 2021 seront propulsés au GNL. L'évolution est très positive, mais c'est loin d'être suffisant. Nous sommes convaincus que le marché n'en est qu'à ses débuts et que le nombre de bateaux propulsés au GNL ira en s'accroissant dans les prochaines années (Philippe Berterottière, PDG de GTT)
"Près de 20% des navires commandés dans le monde en 2021 seront propulsés au GNL. L'évolution est très positive, mais c'est loin d'être suffisant. Nous sommes convaincus que le marché n'en est qu'à ses débuts et que le nombre de bateaux propulsés au GNL ira en s'accroissant dans les prochaines années" (Philippe Berterottière, PDG de GTT) (Crédits : GTT)

LA TRIBUNE- Comment analysez-vous vos résultats en 2021 ?

PHILIPPE BERTEROTTIÈRE Les résultats financiers de GTT pour l'année 2021 sont solides. Le chiffre d'affaires est en ligne avec nos attentes. Il affiche une baisse de 21% par rapport au chiffre d'affaires de l'exercice 2020 mais s'inscrit en hausse de 9 % par rapport à l'exercice 2019. L'EBITDA s'élève à 172 millions d'euros, une performance légèrement supérieure aux attentes grâce à une bonne maîtrise des coûts.

Pourquoi vos résultats sont-ils en baisse par rapport à 2020 ?
Les résultats 2021 se comparent à une année 2020 hors norme. Ce retrait était donc anticipé. En revanche, les performances financières 2021 se situent dans le haut de la fourchette que nous avions donnée au marché. 2021 a été la meilleure année de l'histoire de GTT en termes de prises de commandes. Ce qui nous permet d'anticiper des performances financières à un niveau élevé à partir de 2023.

Comment analysez-vous ces nombreuses commandes de méthaniers ?
GTT a reçu 68 commandes de méthaniers en 2021. Il s'agit du plus grand nombre de commandes de méthaniers de notre histoire. Cela illustre le retour vers le gaz en général, et vers le GNL en particulier. En effet, plus on développe les énergies renouvelables, plus on a besoin d'une énergie d'appoint, pour pallier l'intermittence des renouvelables. Or, l'énergie d'appoint qui peut démarrer rapidement, c'est le gaz. On l'a vu avec la crise énergétique au Texas en février 2021 et, plus récemment, avec la crise énergétique à l'automne en Europe. Je suis convaincu que le gaz est le meilleur ami du renouvelable.

Mais les Allemands veulent augmenter la part de leur mix énergétique avec des énergies renouvelables...
La nouvelle coalition souhaite effectivement avoir 80% d'énergies renouvelables à l'horizon 2030. Ils atteignent aujourd'hui 50%, quand le vent et le soleil sont au rendez-vous. Mais lorsqu'il n'y a ni vent, ni soleil, il faut trouver une solution. C'est pour cela que les Allemands, même s'ils développent les énergies renouvelables, ont besoin de Nord Stream 2. Il est même probable qu'ils aient besoin, à terme, d'un terminal GNL, pour réduire leur dépendance à la Russie. Contrairement au nucléaire, qui requiert des investissements significatifs, les investissements dans le gaz sont beaucoup moins importants et peuvent démarrer très facilement.

Le GNL carburant a-t-il enfin « décollé » dans le transport maritime ?
2021 a été l'année du décollage du GNL carburant. Nous avons reçu 27 commandes de cuves pour des porte-conteneurs l'année dernière. Ce chiffre dépasse toutes les commandes reçues par GTT sur ce segment de marché historiquement. 2021 marque la reconnaissance de nos solutions technologiques, qui sont aujourd'hui des solutions de référence pour verdir le transport maritime. La dynamique se confirme, voire s'accélère en 2022, avec déjà des commandes pour neuf porte-conteneurs, qui seront propulsés au GNL. Certaines solutions alternatives sont étudiées, comme l'ammoniac ou l'hydrogène, mais elles ne seront pas disponibles avant très longtemps. Or, le GNL est disponible aujourd'hui.

Certains armateurs achètent des navires verts. Comment le marché se structure-t-il ?
Près de 20% des navires commandés dans le monde en 2021 seront propulsés au GNL. L'évolution est très positive, mais c'est loin d'être suffisant. Nous sommes convaincus que le marché n'en est qu'à ses débuts et que le nombre de bateaux propulsés au GNL ira en s'accroissant dans les prochaines années.

Pour GTT, la dynamique se poursuit-elle en 2022 ?
Depuis le début de l'année, la dynamique reste très positive, avec dix premières commandes de méthaniers. De nouvelles décisions d'investissements pour construire des usines de liquéfaction seront probablement prises en 2022. Or, qui dit nouvelles usines de liquéfaction et capacités additionnelles de GNL, dit nouveaux bateaux. La tendance restera donc très bonne pour le GNL dans les années à venir.

GTT se démarque dans la filière en étant une société qui innove beaucoup. Quels sont vos faits d'armes technologiques ?
Nous sommes effectivement une société de technologies, nous innovons sans cesse pour identifier de nouvelles solutions. Les innovations ont été nombreuses en 2021. Par exemple, nous continuons à améliorer nos solutions de confinement pour les méthaniers, avec une nouvelle technologie nommée NO 96 Super+. Ce produit a déjà trouvé son marché avec la signature de plusieurs contrats et son adoption immédiate par les chantiers navals. La dynamique se poursuit en 2022, comme illustré par l'accord que nous avons récemment annoncé avec Shell pour la conception d'hydrogèniers. Par ailleurs, nous avons développé RecycoolTM, une solution technologique destinée aux navires propulsés au GNL pour reliquéfier le gaz qui s'évapore. Cette innovation, qui a d'ores et déjà été vendue, permet une réduction significative des émissions de CO2.

Et dans le « smart shipping » ?
GTT lance des solutions Smart Shipping innovantes pour accompagner l'industrie maritime dans sa transformation à la fois digitale et énergétique.En 2021, nous avons notamment lancé une solution baptisée LNG Optim, qui permet aux armateurs de mieux préparer les routes de leurs navires et ainsi de réduire la consommation globale et de maîtriser l'évaporation du GNL.Nous proposons également une solution de garantie de paiement dans le cadre des livraisons de carburant de soute, pour améliorer l'efficacité et la transparence du processus de soutage.

Votre activité Smart shipping est-elle en hausse ? Pèse-t-elle déjà un poids significatif ?
Le smart shipping n'est pas significatif aujourd'hui au regard de notre chiffre d'affaires global. En revanche, il s'agit d'une activité stratégique : avec le GNL carburant, on nous demande systématiquement d'installer ces solutions. L'offre GTT est ce qui se fait de mieux aujourd'hui pour verdir le transport maritime.

Quelle est votre vision sur le smart shipping ? Peut-elle peser 15% ou 20 % de votre chiffre d'affaires à l'horizon 2030 ?
Cette activité peut prendre une part tout à fait significative de notre chiffre d'affaires à l'horizon 2030. Le smart shipping va croître beaucoup plus rapidement que le reste de nos activités, même si les autres vont également croître.

Où en est la concurrence sur ces activités ?
Personne ne fait ce que nous proposons, à savoir une combinaison carburant GNL et smart shipping. L'offre de GTT en matière de smart shipping est unique car elle se fonde sur une expérience et une expertise technologique de près de 60 ans. Les offres concurrentes n'atteignent pas notre niveau de performance.

Sentez-vous aujourd'hui une certaine frilosité des banques à financer le secteur gazier pour des questions d'ESG ?
On ne peut pas généraliser même s'il est vrai qu'une évolution est en marche. Il faut donc proposer les meilleures solutions du moment, qui passent par une combinaison de propulsion au GNL et de solutions smart shipping. GTT est au cœur de cette évolution, avec des solutions technologiques qui préparent le monde de demain.

Le GNL est-il encore préservé de cette évolution ESG en marche ?
Le gaz est reconnu, de façon croissante, comme une énergie essentielle de la transition énergétique. La taxonomie européenne a d'ailleurs récemment confirmé cela. N'oublions pas qu'aujourd'hui, les énergies fossiles représentent 84% de l'énergie primaire consommée dans le monde. Dans ce contexte, le gaz est une très bonne solution pour se substituer au charbon, réduire le pétrole et donc pour limiter les pollutions liées à ces deux énergies fossiles. Mais si demain on ne veut pas non plus du gaz, comment fait-on ? Le renouvelable est intermittent et le nucléaire divise. La crise énergétique de l'automne dernier nous rappelle pourtant qu'il faut rester pragmatique. Les pays européens, notamment l'Allemagne et l'Angleterre, se sont retrouvés dans une situation extrêmement tendue. Piégés par les renouvelables (pas de vent en Allemagne ni en Angleterre), piégés par le manque de gaz, la Russie ne livrant que les quantités minimales contractuelles. Sans un recours croissant au gaz, le système est très fragile.

Avec votre filiale Elogen, vous avez pris un ticket sur l'hydrogène, une énergie d'avenir. Comment estimez-vous les perspectives ?
L'hydrogène vert présente de nombreux avantages, à la fois comme énergie propre, mais aussi comme solution de stockage d'énergie. Pour développer la production d'hydrogène vert, il faut en améliorer la compétitivité. Cela passera par une plus grande efficacité des électrolyseurs. Elogen offre une technologie qui est, de ce point de vue, très intéressante : la technologie dite « PEM » (ou membrane échangeuse de protons) dispose d'un fort potentiel d'innovation, qui permettra de faire baisser le coût de production de l'hydrogène vert. Elle est aussi la technologie la plus adaptée à la production d'hydrogène vert, notamment pour gérer l'intermittence des énergies renouvelables. Grâce à son positionnement technologique, Elogen est particulièrement bien positionnée pour tirer parti d'un marché à fort potentiel.

Elogen fait-elle partie des projets européens dans le cadre du développement de l'hydrogène, y compris la construction d'une gigafactory ?
Elogen développe en effet un projet de gigafactory dans le cadre du PIEEC (Projet important d'intérêt européen commun) Hydrogène, pour atteindre une capacité de production d'au moins 1 gigawatt. Avec la montée en puissance industrielle, notre objectif est de faire baisser le coût des électrolyseurs. Mais aussi de disposer d'une capacité de production qui permette de répondre aux projets d'envergure des grands énergéticiens. Dans ce contexte, le fait qu'Elogen soit adossée à une entreprise industriellement crédible comme GTT est un atout majeur.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 8
à écrit le 21/02/2022 à 15:05
Signaler
Le gaz est surtout le meilleur ami du nucléaire en France. Plus de 60% des éoliennes de France sont rassemblées da's les HdF et le GE sur 16% de la surface du territoire et l'on constate que : - Lorsqu'il y a du vent sur ces 16% le gaz descend à mo...

à écrit le 18/02/2022 à 16:07
Signaler
"Le gaz est le meilleur ami du renouvelable" ; évidemment. Et, pour ceux qui n'ont pas compris : le développement des renouvelables (éoliennes, solaire) s'accompagne du développement du marché du gaz, donc d’émissions accrues de CO2. RENOUVELABLES...

le 21/02/2022 à 15:14
Signaler
Le renouvelable permet seulement d'économiser du gaz puisque le nucléaire est insuffisant. Quand il y a du vent on consomme seulement moins de gaz. C'est ce qui se voit sur eco2mix. Il n'y a aucune centrale à gaz supplémentaire de construites au fur...

à écrit le 18/02/2022 à 10:06
Signaler
"Le gaz est le meilleur ami du renouvelable" Effectivement, nous installons des éoliennes qui produisent peu et en intermittence mais elles sont adossées à des puissantes centrales gaz comme celle de Landivisiau (Bretagne).

le 21/02/2022 à 15:09
Signaler
Non la centrale a gaz de Landiviziau est à la place d'une centrale nucléaire que les bretons ont pas voulu.

à écrit le 18/02/2022 à 0:11
Signaler
Il est intéressant de noter que l'on aborde la problématique du GNL, au moment de la crise russo-ukrainienne. Il se dit que le gaz américains, arrivant par bateau, pourrait compenser le manque induit par la fermeture du gazoduc Russie-Allemagne "Nord...

le 18/02/2022 à 7:43
Signaler
les volumes sont pas du tout les memes ! on peut pas compenser l arret d un pipe line par des methaniers (meme si on avait assez de bateaux, ca ferait des bouchons aux ports !) Il faut arreter de toute facon la theorie du complot. L interet des USA ...

à écrit le 17/02/2022 à 20:55
Signaler
Une énergie si formidable quelle sera interdite pour les particuliers .Je me base sur toutes les publicités que l'on voient surgir sur Internet nous annonçant l'interdiction des chaudières à gaz et au fioul ! Allez comprendre ..

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.