[Article mis à jour à 13h31]
Cette grève-là fait moins de bruit et touche moins, pour l'heure, le quotidien des Français que celle des salariés des raffineries de TotalEnergies. Mais le mouvement social des salariés de plusieurs centrales nucléaires françaises, qui réclament eux aussi une revalorisation des salaires dans un contexte de forte inflation, inquiète le gouvernement. La mobilisation, amorcée il y a une dizaine de jours, prend de l'ampleur. La grève a été reconduite vendredi pour le week-end, a annoncé la CGT, touchant ainsi la maintenance des sites, ce qui renforce les inquiétudes du gouvernement quant à la disponibilité du parc nucléaire français pour l'hiver à venir.
Les premières conséquences ne se font d'ailleurs pas attendre. EDF a annoncé samedi avoir repoussé le redémarrage de cinq réacteurs nucléaires. Les mouvements sociaux peuvent « avoir un impact sur le planning de retour en production de certains réacteurs », a indiqué une porte-parole du groupe. « Pour les réacteurs en production, cela peut se traduire par des baisses de puissance temporaire », a-t-elle ajouté.
EDF a ainsi actualisé sur son site la date de redémarrage de plusieurs réacteurs, sans toutefois dire dans quelle mesure ces retards étaient liés au mouvement social : Cattenom 1, Cruas 2 et 3, Saint-Alban 2 et Tricastin 3. Ces retards vont d'un jour à près de trois semaines selon les réacteurs.
Une grève qui s'intensifie depuis quelques jours
Dans le détail, plusieurs centrales nucléaires sont confrontées depuis plusieurs semaines à des mouvements de grèves pour les salaires, parmi lesquelles Tricastin (Drôme), Cruas (Ardèche), Bugey (Ain) et Cattenom (Moselle). Jeudi, la centrale de Gravelines (Nord), la plus puissante d'Europe de l'Ouest, s'est jointe au cortège. Et vendredi, c'était au tour de la centrale de Belleville-sur-Loire (Cher) de se mobiliser, étendant encore le conflit social. Au total, dans ces six centrales nucléaires, 10 réacteurs étaient touchés vendredi par des mouvements de grève.
D'après Virginie Neumayer, de la FNME-CGTA, la liste pourrait encore s'allonger : deux nouveaux sites « pourraient se déclarer grévistes pendant le week-end », en l'occurrence Paluel (Seine-Maritime) et Dampierre (Loiret), a-t-elle déclaré.
Ce mouvement vise à faire pression sur les négociations salariales des entreprises du secteur de l'énergie, et notamment EDF, où une première réunion a été avancée à mardi face à la persistance du conflit. La réunion se tiendra le même jour que l'appel à un mouvement de grève interprofessionnelle qui devrait être très suivi. La CGT réclame 200 euros pour tous les salariés, FO 5% de hausse générale, tandis que la CFDT est en train d'affiner sa proposition.
En ce qui concerne le conflit dans les centrales nucléaires, la CGT a indiqué vendredi soir qu'elle signera en début de semaine l'accord de branche négocié avec le patronat, qui prévoit notamment une augmentation de 3,6% du salaire national de base sur 2022 et 2023, dont 2,3% au titre de 2023. Sa signature suffit à ratifier un accord de branche, le seuil de représentativité de 30% étant toujours valide à ce niveau, alors qu'en entreprise, un accord majoritaire est désormais requis.
Il appartient désormais aux syndicats des entreprises de négocier des mesures complémentaires pour compenser l'inflation.
Le parc nucléaire français fragilisé pour cet hiver
Si cette grève n'a pas d'incidence à ce stade pour le grand public et pèse essentiellement sur les finances d'EDF, elle pourrait « impacter le calendrier » de remise à disposition de tranches nucléaires sur le réseau, la plupart des centrales en grève étant soumises à des opérations de maintenance, a indiqué à l'AFP Claude Martin, de la FNME-CGT.
Ni EDF ni la CGT n'étaient en mesure d'évaluer le pourcentage de grévistes, les mouvements étant couverts par un préavis de la fédération mais décidés localement.
Ils touchent les équipes de pilotage des centrales, qui délivrent les autorisations de travail et les équipes de rechargement de combustible, « majoritairement grévistes », selon Mme Neumayer.
« Il y a des tranches qui sont en phase de rechargement, suite à des révisions et donc elles sont censées revenir sur le réseau rapidement, mais actuellement, la grève percute ces redémarrages », a assuré M. Martin, qui a mis en garde sur l'incidence que cela pourrait avoir sur la quantité d'énergie disponible en France lors de la période la plus froide de l'hiver, aux mois de janvier et février.
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