Luc Rémont, l’homme de l'Elysée qui doit sauver EDF et le nucléaire français

A L'AFFICHE- Emmanuel Macron a choisi Luc Rémont, actuel dirigeant de Schneider Electric, pour remplacer Jean-Bernard Lévy à la tête d'EDF, le géant électrique en cours de nationalisation, a annoncé l'Elysée. Ce polytechnicien est fin connaisseur du monde industriel, rompu aux questions financières et coutumier des rouages de la sphère étatique. Malgré ce parcours qui coche toutes les cases, l'exercice qui l'attend reste à la fois colossal et délicat. Il devra mobiliser les troupes pour mettre en œuvre un chantier titanesque : celui de faire construire au moins six nouveaux EPR, voir 14. Mais aussi remettre sur pied un parc nucléaire ébranlé, assurer le lancement de l'EPR de Flamanville et gérer l'épineuse question de l'entreposage des combustibles usés, sans oublier d'accélérer sur le front des renouvelables. Le tout, en composant avec la pression de l'exécutif et les puissants syndicats du groupe. Un vrai numéro d'équilibriste.
Juliette Raynal
(Crédits : DR)

C'est une aventure palpitante mais aussi particulièrement difficile qui attend Luc Rémont, fraîchement nommé président directeur général d'EDF. Après de longues semaines de rumeurs, Bercy a enfin levé le voile sur la nouvelle gouvernance de l'électricien national. L'actuel numéro 2 de Schneider Electric, à la tête des opérations internationales du géant des équipements électriques et des automatismes industriels, va prendre le poste de PDG d'Electricité de France.

Ce polytechnicien, passé par les cabinets de Francis Mer, Nicolas Sarkozy, et Thierry Breton à Bercy de 2002 à 2007, puis par la banque d'investissements américaine Merrill Lynch, aura pour mission de remettre sur les rails un groupe éminemment stratégique dont l'Etat, déjà actionnaire à près de 84%, va bientôt reprendre le contrôle total. Objectif de l'opération : avoir les coudés franches pour mettre en musique la politique énergétique de la France, à l'heure où la guerre en Ukraine exacerbe la crise énergétique et souligne l'importance des enjeux de souveraineté dans ce domaine.

Mais le plus dur reste à venir car cette renationalisation n'est que la première étape d'une indispensable réforme en profondeur d'EDF. L'entreprise traverse une année noire et fait face à un mur d'investissements, alors même qu'elle est grevée par une dette monstre de plus de 40 milliards d'euros.

Mener à bien un projet industriel pharaonique

Fin connaisseur du monde industriel, rompu aux questions financières et coutumier des rouages de la sphère étatique, Luc Rémont coche bien toutes les cases du cahier des charges fixé par l'exécutif pour succéder à Jean-Bernard Lévy, avec qui les relations s'étaient fortement dégradées ces derniers mois. Reste que la tâche n'en sera pas moins colossale et délicate.

Cet ingénieur de formation devra, en effet, se révéler un chef d'orchestre hors pair pour mener à bien un chantier industriel colossal : celui qui consiste à faire construire six nouveaux réacteurs nucléaires (dit EPR 2) dans les vingt prochaines années, voire huit supplémentaires dans un horizon plus lointain, comme l'a annoncé Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort le 10 février dernier. Soit, ni plus ni moins, le plus gros programme électronucléaire du monde occidental depuis une quarantaine d'années. Un projet pharaonique d'une complexité industrielle et financière considérable, et dont le coût l'est tout autant : plus de 50 milliards d'euros.

Le travail titanesque ne s'arrête pas là. Luc Rémont devra aussi remettre sur pied un parc nucléaire, ébranlé, entre autres, par un problème de corrosion (actuellement une trentaine de réacteurs sur 56 sont à l'arrêt), assurer le lancement de l'EPR de Flamanville, dont le chantier accumule plus de dix années de retard, ou encore s'attaquer à l'épineux dossier de l'entreposage des combustibles usés, dont les piscines s'apprêtent à déborder, tout en accélérant sur le champ des renouvelables où l'énergéticien accuse un net retard.

Composer avec la pression de l'Etat... et les puissants syndicats

La réussite de ces chantiers suppose que Luc Rémont parvienne à relever un défi majeur : faire en sorte qu'EDF renoue avec son excellence industrielle avec, au rendez-vous, la qualité de l'exécution et un respect strict des calendriers. Le prérequis pour cela ? Disposer de bras qualifiés en nombre. Un sujet particulièrement sensible et à l'origine d'une discorde entre Jean-Bernard Lévy et le chef de l'Etat, qui se sont récemment écharpés par échanges interposés. Le premier reprochant au second d'avoir manqué de vision stratégique pour la filière. De quoi déclencher la foudre d'Emmanuel Macron, qui a dénoncé des propos « inacceptables ».

Ces échanges acerbes ont le mérite de donner le ton à Luc Rémont : le nouveau capitaine d'EDF aura la délicate tâche de composer avec l'exécutif, qui exercera, il n'y a aucun doute, une très forte pression sur l'entreprise. Pis, il devra faire face à une situation inédite, Jean-Bernard Lévy ayant assigné en justice l'Etat, bientôt son seul actionnaire, pour lui réclamer 8,3 milliards d'euros, quelques semaines seulement avant de quitter la maison. Objectif de l'opération : indemniser l'entreprise lourdement pénalisée par le relèvement du plafond de l'Arenh, décidé par le gouvernement pour créer un bouclier tarifaire, et qui l'oblige à vendre davantage d'électricité à prix cassés à ses concurrents. Un héritage qui pourrait propulser Luc Rémont au cœur d'un vrai numéro d'équilibriste.

Mais la relation avec l'Etat ne sera pas la seule partition délicate à jouer pour Luc Rémont. L'industriel devra aussi tendre l'oreille aux puissants syndicats du groupe. Ces derniers s'attendent à ce que l'ancien de Schneider porte la voix du gouvernement. Même si certains s'interrogent sur sa connaissance du système électrique, c'est surtout la feuille de route industrielle qu'il dessinera qui sera jugée, et non son parcours, bien que sa participation à la privatisation d'EDF en 2005 « ne plaide pas en sa faveur », laisse-t-on échapper. « Un nouveau dirigeant s'apprête à prendre les rênes d'une entreprise qui a une âme très forte. En faire fi, c'est trouver beaucoup d'écueils sur sa route », prévient-on encore.

Juliette Raynal

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Commentaires 15
à écrit le 01/10/2022 à 11:43
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Remplacer un X par un X? A ce prix-là, autant chercher un paillasson pour l'Elysée à l'ENA!

à écrit le 30/09/2022 à 23:51
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"l’homme de l'Elysée qui doit sauver EDF et le nucléaire français" J'aurais plutôt titré " l’homme de l'Elysée qui va dépecer EDF et le nucléaire français pour le vendre à des intérêts privés "

le 01/10/2022 à 8:38
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Quel sera sont pouvoir vas t'il construire une central nucleaire la ou le besoin est indispensable expl en centre bretagne ou refaire de barages hydraulique en passant outre le visa de m macron

à écrit le 30/09/2022 à 8:45
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BLM le pompier pyromane exprime son satisfecit sur le bouclier que l' état met en place après avoir organisé le crash d' edf sous injonction UE (vendre aux tiers et à ses concurrents son électricité à perte) mais pas un mo...

à écrit le 30/09/2022 à 3:48
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Enfin , mais avec quel vrai soutien?

le 30/09/2022 à 8:56
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stop au mensonge il n'auras aucun pouvoir de decision tout ce passe a l'elysee ed dans les ministers voir le responsable de reseau fere qui demande plus de clarte du gouvernement solution il ont degager le demandeur

à écrit le 30/09/2022 à 0:00
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M. Rémont a l'air compétent. Mais il devra aussi faire face à des accusations de conflit d'intérêt, puisqu'il a été en charge de la vente d'Alstom Energie à General Electric. Cette cession a été le lieu de pressions américaines, mais a aussi favorisé...

à écrit le 29/09/2022 à 22:00
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Un beau défi. Ésperons qu'il soit meilleur que Breton qui a détruit Atos et donc a logiquement été promu commissaire européen à l''industrie

à écrit le 29/09/2022 à 21:58
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N´ en déplaise aux neo- liberaux qui peuplent ces commentaires et travaillant sans doute pour des groupes de pression aux intérêts privés et non au service de la collectivite et de la nation logique, La Tribune est un média économique et financ...

à écrit le 29/09/2022 à 20:39
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Pour mémoire, la nationalisation n’est pas opérée, les conditions ne sont pas définies, et donc pour l’instant M.Remont ne saurait être ‘l’homme de l’Elysée ». il est l’homme des actionnaires, quand les actionnaires se seront prononcés! Souhaitons-lu...

à écrit le 29/09/2022 à 20:34
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Quitter un haut poste dans une société multinationale profitable pour se fourvoyer dans une société publique en pleine déconfiture et sans aucun espoir de redressement🤔 L'héritage des précédents dirigeants+ celui d'Atomic Anne qui a coulé Areva à di...

à écrit le 29/09/2022 à 17:23
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"URGENT : coupures électriques imminentes en France. Selon Reuters, le gouvernement français s'apprête à ordonner des coupures "séquencées" d'électricité par phase de deux heures sur le territoire. Cette décision est savamment dissimulée à l'opinion ...

le 29/09/2022 à 17:43
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L'idée des coupures a déjà été évoqué pour les entreprises et cela a aussi existé par le passé à l'époque où "on avait pas de pétrole mais des idées" je me souviens un matin je travaillais dans un garage automobile et sans explication plus d'électric...

le 29/09/2022 à 18:43
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C'est plus facile que de sauver Alstom, société industrielle centrale dans le nucléaire. Un peu de courage faite un Alstom Bis vous avez encore le personnel c'est à dire le savoir faire..

le 29/09/2022 à 21:36
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@ldx C' était sous Napoléon 1er ? Je vous concède alors que je n' étais pas né car je n' ai jamais vu de mon vivant des pénuries organisées comme celles qui arrivent grâce à l' UE et à une gestion délibérée des acteur...

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