Enième coup dur pour la technologie EPR, le réacteur nucléaire de troisième génération développé par la filière française. Vendredi 20 août, l'électricien finlandais TVO a annoncé que la mise en service de l'EPR en construction en Finlande par le consortium Areva-Siemens avait été de nouveau repoussée de trois mois. Fin juillet, TVO avait déjà annoncé un report d'un mois.
La cause de ces nouveaux ajournements ? La révision d'une turbine. "Lors du travail d'inspection de la turbine, le fournisseur [le consortium Areva-Siemens, ndlr] a décidé d'étendre la révision à l'ensemble des trois turbines à basse pression afin d'y réaliser de nouvelles inspections", a expliqué le finlandais TVO dans un communiqué de presse.
Le démarrage du réacteur est désormais attendu pour janvier 2022, avec une production d'électricité régulière, c'est-à-dire une mise en service commerciale, prévue pour début juin 2022. Elle était attendue en mars 2022.
Plus d'une décennie de retard et des fiascos à répétition
Ces quelques mois de reports apparaissent presque anecdotiques, tant le chantier, initié en 2005, a accumulé du retard. Plus d'une décennie au total, puisque le réacteur finlandais, le premier au monde à être entré en construction, devait initialement débuter sa production en 2009 à la centrale d'Olkiluoto.
Le calvaire devrait toutefois bientôt toucher à sa fin car, en mars dernier, le réacteur a été chargé en combustible nucléaire, prélude à sa mise en service. Mais le gigantesque fiasco du chantier finlandais est loin d'être isolé. Actuellement, trois autres EPR sont en construction dans le monde. L'EPR de Flamanville (Normandie) ne devrait être mis en service qu'à la fin 2022, au plus tôt. Son chantier, initié par EDF en 2007, cumule également les retards et les surcoûts, notamment en raison de soudures mal réalisées au niveau des cuves du réacteur.
Les deux autres EPR en construction se situent à la centrale d'Hinkley Point en Angleterre. Le premier réacteur britannique est prévu en juin 2026 au lieu de fin 2025, comme annoncé initialement. Les coûts du projet ont également été revus à la hausse : entre 22 et 23 milliards de livres désormais, contre 21,5-22,5 milliards auparavant. Il reste par ailleurs toujours un "risque" de retard de 15 et 9 mois sur les deux réacteurs, qui se traduirait par un nouveau surcoût.
Seule une centrale EPR, composée de deux réacteurs, était actuellement en production dans le monde : la centrale de Taishan en Chine. Mais l'exploitant chinois TNPJVC (détenu à 70% par le chinois CGN et à 30% par EDF) a récemment été contraint de mettre à l'arrêt le réacteur numéro 1, plusieurs semaines après la révélation d'un problème d'étanchéité au niveau de la gaine de quelques crayons combustibles.
EDF en opération séduction
Ce problème rencontré sur la centrale chinoise, et dévoilé par la chaîne américaine CNN, n'a cessé d'alimenter les critiques à l'égard de la technologie EPR. "Si un défaut de conception du réacteur ou du combustible était à l'origine de l'incident sur l'EPR de Taishan, cela compromettrait les quatre projets d'EPR européens", a déclaré Greenpeace, l'ONG hostile au nucléaire, alors que la récente mise à l'arrêt du réacteur chinois doit permettre de comprendre l'origine de la dégradation.
Lancée en 1992, la technologie EPR a été développée par EDF, avec le français Areva et l'allemand Siemens. EDF a ensuite pris le contrôle de cette activité lors de la réorganisation de la filière nucléaire française orchestrée par l'Etat. Cet European pressurized water reactor repose sur la technologie des réacteurs à eau sous pression, la technologie la plus utilisée dans le monde. Présenté comme plus sûr, ce réacteur est aussi doté d'une puissance beaucoup plus importante puisqu'elle atteint 1650 mégawattheures.
Malgré ces multiples déboires, EDF espère vendre de nouveaux EPR en Europe et dans le monde en pariant sur la volonté de plusieurs pays de décarboner leur production d'électricité pour lutter contre le dérèglement climatique.
L'EPR pour lutter contre le réchauffement climatique ?
L'électricien français espère ainsi commercialiser pas moins de 6 réacteurs de troisième génération pour le gigantesque projet nucléaire de Jaitapur en Inde, qui devrait être "la centrale la plus puissante du monde". En avril dernier, plus de dix ans après les premiers pourparlers, l'entreprise tricolore a en effet annoncé avoir remis une "offre technico-commerciale engageante française".
Au cours de l'été, EDF a également officialisé l'ouverture d'un nouveau bureau à Varsovie, en Pologne. Objectif : "préparer l'offre d'EDF pour quatre à six réacteurs destinés au marché polonais", précise l'électricien dans un communiqué de presse.
EDF, dont le vaste projet de réforme devant lui permettre d'accélérer ses investissements a été mis en suspens, est également entré en négociations pour vendre deux EPR supplémentaires au Royaume-Uni.
Quid du marché français ? Le gouvernement reste prudent et la décision de commander, ou non, de nouveaux EPR pour l'Hexagone ne sera prise qu'au prochain mandat puisqu'elle n'interviendra qu'après la mise en service de l'EPR de Flamanville.
(Avec AFP)
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