
Il aura fallu aux sénateurs quelques heures pour examiner le projet de loi qui vise à accélérer les simplifications administratives pour construire de nouveaux réacteurs nucléaires. Ils auront toutefois eu le temps d'élargir sa portée.
Le projet de loi vise à simplifier les procédures administratives pour la construction de nouvelles installations à proximité de sites nucléaires existants. Cela pour une durée limitée à 15 ans dans le texte initial, portée à 20 ans par les sénateurs en commission, puis à 27 ans dans l'hémicycle.
Concrètement, les sites seront dispensés d'autorisation d'urbanisme car le contrôle de conformité sera assuré par l'Etat. Le droit d'expropriation sera assoupli. Ou encore les travaux sur les bâtiments non destinés à recevoir des substances radioactives pourront être engagés avant clôture de l'enquête publique. Surtout, les sénateurs réunis en commission ont ajouté une disposition majeure : la suppression de l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique de la France (contre environ 75% aujourd'hui). De quoi donner une envergure politique à ce texte très technique, en rompant clairement avec la stratégie de sortie progressive de l'atome qui prévaut depuis 2015 dans la loi.
Greenpeace juge « scandaleux » les amendements du Sénat
Des amendements jugés « scandaleux » par l'organisation Greenpeace France, pour laquelle « le Sénat sabote le débat démocratique et court-circuite l'agenda législatif ». Pour les militants écologistes, le projet de loi met les parlementaires devant le « fait accompli, » alors qu'un débat public sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires n'est pas terminé. Un argument réfuté par la ministre. « Ce texte ne préempte en aucun cas les décisions qui seraient prises sur l'avenir du mix énergétique français ou sur la construction du programme EPR2 ».
Agnès Pannier-Runacher a d'ailleurs voulu rassurer au Sénat : « Le texte ne modifie ni le processus d'autorisation environnementale, ni le processus d'autorisation de création qui traite des enjeux de sûreté nucléaire », a-t-elle souligné. « Ce texte n'est pas un texte de programmation énergétique », a également insisté la ministre. Le projet de loi d'accélération « ne préempte pas la technologie des réacteurs et peut donc s'appliquer tout aussi bien à des EPR (réacteurs pressurisés, ndlr) qu'à des SMR (réacteurs de plus petite taille, ndlr) », a encore relevé la ministre. Mais il « n'en est pas moins très important », a-t-elle affirmé. Ses dispositions « vont avoir un impact sur le délai de mise en services, et donc sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France ». « En gros, on ne perd pas de temps », ce texte technique « permettra de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d'un réacteur ».
Concrétiser la relance d'une politique nucléaire « ambitieuse et durable »
Deuxième volet du triptyque énergie - après un texte consacré aux énergies renouvelables et avant une loi de programmation - il doit permettre de concrétiser la relance d'une politique nucléaire « ambitieuse et durable » amorcée par Emmanuel Macron. Le président de la République a annoncé son intention de construire six nouveaux réacteurs et souhaité que soient lancées les études pour la construction de huit autres.
Outre Les Républicains et les centristes, les groupes RDPI à majorité Renaissance, RDSE à majorité radicale et Indépendants ont d'ores et déjà annoncé qu'ils voteraient le texte. Le groupe CRCE à majorité communiste s'abstiendra. Quant aux socialistes, ils reprochent à la commission des Affaires économiques de l'avoir « dévoyé ». Le Sénat se prononcera sur l'ensemble du texte lors d'un vote solennel mardi prochain avant son retour à l'Assemblée nationale.
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