Pétrole et gaz : les investissements dans le offshore au plus haut depuis dix ans

Pour faire face à la demande croissante de gaz et de pétrole dans les prochaines années, les investissements sont en hausse, concentrés dans le offshore et dans le golfe Persique. Après avoir passé la barre des 100 milliards de dollars en 2022, ils devraient totaliser 214 milliards de dollars sur 2023 et 2024.
Robert Jules
Plateforme gazière offshore au large de la côte ouest de la Norvège.
Plateforme gazière offshore au large de la côte ouest de la Norvège. (Crédits : ABACA via Reuters Connect)

Concilier la réduction des émissions de gaz à effet de serre face au dérèglement climatique, tout en préservant le développement économique, notamment dans les pays émergents et en développement, relève d'un exercice de patience, en se heurtant aux réalités du terrain.

Ainsi, le secteur du gaz et du pétrole a encore de beaux jours devant lui. En 2023, nous consommerons davantage de pétrole brut que les années précédentes, avec 102 millions de barils par jour (mb/j) et nous brûlerons de plus en plus de gaz, en passant d'un peu plus de 4.000 milliards de m3 en 2021 à presque 4.400 milliards de m3 en 2025, selon l'AIE et l'Opep.

L'investissement offshore devient majoritaire

Les hydrocarbures étant des ressources non renouvelables, il faut continuellement financer la prospection et l'exploitation de nouveaux gisements. Cette année, les investissements dans les nouveaux projets du secteur seront d'abord captés dans le offshore, qui voit sa part passer à 68% contre 40% durant la période 2015-2018, selon les estimations du cabinet d'études spécialisé dans le secteur de l'énergie, Rystad Energy. A l'époque, les prix avaient chuté jusqu'à 30 dollars du baril, réduisant l'incitation à l'investissement. En revanche, depuis la mi-2021, les prix du baril de Brent ne sont pas descendus sous la barre des 70 dollars. Après avoir franchi la barre des 100 milliards de dollars d'investissement en 2022, Rystad Energy a calculé que cela devrait être le cas en 2023 et 2024, pour un montant cumulé de 214 milliards de dollars.

Dans le détail, ce niveau de Capex (dépenses d'investissement) dans le offshore présente plusieurs particularités. D'abord, il est concentré géographiquement, notamment au Proche Orient. A eux seuls, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar prévoient de consacrer 33 milliards de dollars en 2023 et jusqu'à 41 milliards de dollars en 2025 à l'exploitation offshore. Alors que ces pays ont les coûts d'extraction de pétrole onshore parmi les plus faibles du monde, pour la première fois, le financement de l'activité en amont (découverte et production) dans le offshore sera supérieure au onshore. Ainsi, Aramco, la compagnie publique pétrolière saoudienne, a annoncé ce mois-ci qu'elle allait augmenter sa production sur ses sites offshore de Marjan et de Berri dans le Golfe Persique, en ajoutant des capacités de production de respectivement 300.000 barils par jour (b/j) et 250.000 b/j d'ici à 2025. De même, sur son site offshore de Zuluf, la compagnie vise à extraire 600.000 b/j d'ici à 2026.

La Norvège championne du climat et de la production d'hydorcarbures

L'Europe n'est pas en reste, d'autant plus depuis l'arrêt des livraisons russes qui a poussé tout le Vieux à chercher des alternatives. Ce qui explique que deux pays européens, le Royaume-Uni et la Norvège, investissent dans la future production offshore en mer du Nord, en augmentant leurs montants cette année par rapport à 2022 de respectivement de 30% et 22% pour les porter à 7 milliards de dollars et 31,4 milliards de dollars, selon Rystad Energy.

La Norvège, qui est désormais le premier pays fournisseur de gaz de l'Europe, va exploiter le nouveau gisement Irpa, situé en eaux profondes (1.350 mètres) dans la mer de Norvège. Il recèle des réserves récupérables estimées à environ 20 milliards de m3, par la compagnie norvégienne Equinor qui, avec ses partenaires, va investir 1,4 milliard d'euros. La mise en exploitation est prévue à compter de la fin 2026 pour une fin établie à 2039.

Le pays nordique se veut exemplaire en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Le gouvernement avait annoncé en novembre relever ses ambitions climatique en portant à « au moins 55% » son objectif de réduction de ses émissions d'ici à 2030, tout en excluant dans le même temps de démanteler son secteur pétrolier, prépondérant pour l'économie nationale, se justifiant par la nécessité de réduire progressivement ce secteur au fur et à mesure que celui des énergies renouvelables grossira.

De l'autre côté de l'Atlantique, en Amérique du sud, le Brésil va investir cette année 23 milliards de dollars, et le Guyana 7 milliards de dollars, où Exxon prévoit d'investir 10 milliards de dollars. Quant à l'Amérique du nord, 17,7 milliards seront investis aux Etats-Unis et 7,3 milliards de dollars au Mexique, indique le cabinet d'études.

Par ailleurs, les entreprises spécialisées dans les services au secteur pétrolier et gaz, vont bénéficier de ces dépenses dans les plates-formes offshore, les navires, les équipements spécifiques comme les unités flottantes de production, de stockage et de déchargement qui devraient grossir de 16% sur 2023-2024, soit une hausse de 21 milliards de dollars en glissement annuel.

Moins émettrices de CO2

Evidemment, ces développements ne sont pas de nature à favoriser la décarbonation de l'économie, les émissions de la combustion des hydrocarbures faisant partie des facteurs qui ont alimenté le réchauffement climatique. Néanmoins, selon le cabinet Rystad Energy, l'extraction offshore est moins émettrice de gaz à effet de serre (GES) que la production onshore. En moyenne, l'empreinte carbone est de 17 kg par baril équivalent pétrole dans le offshore segment, contre 18 à 19 kg en prenant toutes les entreprises productrices. Or, l'empreinte carbone est devenue dans tous les secteurs un critère pour les investisseurs.

Il n'est pas sûr pour autant que cela rassure les militants pro-climats, mais cela permet au moins de limiter les émissions. Ils pourront toutefois relativiser. Les investissements dans les technologies « vertes » ont atteint 1.300 milliards de dollars en 2022, en hausse de 19% par rapport à 2021 et de 50% par rapport à 2019.

Robert Jules

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Commentaires 3
à écrit le 28/03/2023 à 9:56
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De nouveaux pays rentrent dans la l'extraction Ouganda, Mozambique et autres comment ne pas comprendre ces pays qui veulent profiter un peu de la ressource. Nos idées de pays dits riches mais en phase descendante donnent des leçons sans solution pour...

à écrit le 28/03/2023 à 8:53
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Quid du réchauffement climatique? Je vais de ce pas m'occuper de ma source et nettoyer la citerne, je sens bien que si je ne fais rien individuellement ce n'est pas la collectivité qui va m'offrir des solutions, sauf à des prix prohibitifs.

à écrit le 28/03/2023 à 7:59
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Et pendant ce temps là, l'IFPEN se désengage du pétrole.

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