Depuis le début de l'année, EDF produit encore moins d'électricité nucléaire que l'an dernier

La production nucléaire d'EDF est en recul de plus de 7% au premier trimestre 2023 par rapport à la même période en 2022, qui avait déjà été une année noire pour l'électricien. Les baisses de charges et le retard sur les programmes de maintenance induits par les mouvements sociaux expliquent en grande partie cette piètre performance. Pour l'heure, EDF maintient sa fourchette de production pour 2023, mais un avis très attendu du gendarme du nucléaire pourrait changer la donne.
Juliette Raynal
La centrale nucléaire de Penly, en Seine-Maritime.
La centrale nucléaire de Penly, en Seine-Maritime. (Crédits : Pascal Rossignol)

EDF fait pire au premier trimestre 2023 qu'au premier trimestre 2022. Au cours des trois premiers mois de l'année, l'entreprise publique n'a produit que 84,9 térawattheures (TWh) d'électricité nucléaire, contre 91,7 TWh à la même période l'année précédente, soit un recul de 7,4%.

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Les données publiées par le groupe montrent que l'écart entre 2022 et 2023 tend à se creuser au fil des trois premiers mois. En janvier 2023, la production était inférieure de 4,4 TWh par rapport à 2022, en février de 5,2 TWh et en mars de 6,8 TWh. « Or, l'année 2022 était jugée comme une année catastrophique pour la production nucléaire », souligne Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.

L'année 2022 a, en effet, été une année noire pour l'électricien avec une production de seulement 279 TWh, contre une moyenne située habituellement aux alentours de 400 TWh. Deux facteurs sont à l'origine de cette performance particulièrement médiocre (jamais un tel niveau n'avait été enregistré depuis 1992) : de nombreuses opérations de maintenance décalées en raison de la crise sanitaire, mais aussi et surtout un important problème de corrosion sous contrainte (CSC) affectant les réacteurs les plus récents du parc tricolore.

Pire qu'en 2022

Comment expliquer qu'EDF fasse pire au premier trimestre 2023 alors, qu'en janvier, le parc était de nouveau disponible aux trois quarts ? « Cela s'explique avant tout par les grèves », affirme Nicolas Goldberg, corroborant les commentaires de l'électricien, qui évoque sur son site « des prolongations d'arrêt essentiellement dues à l'examen et aux réparations des circuits concernés par la corrosion sous contrainte » et les « effets induits par les mouvements sociaux »

Production nucléaire T1 2023 EDF

Depuis le début de l'année, la mobilisation sociale contre la réforme des retraites du gouvernement est, en effet, très suivie au sein de l'électricien historique. Et pour cause, outre le report de l'âge légal à la retraite, quelque 60.000 salariés de l'entreprise (sur un total de plus de 171.000) risquent de perdre leur régime spécial lié au statut des industries électriques et gazières (IEG). Un régime qui offre, entre autres, un départ anticipé selon la pénibilité des métiers.

Le double impact des grèves

À titre d'exemple, jeudi 13 avril, alors que la mobilisation faiblissait, un quart des salariés censés être présents étaient encore en grève selon l'intersyndicale. Début mars, le taux de grévistes est même monté à 50%.

Sur le terrain, cette mobilisation se traduit notamment par des baisses de charges dans les différentes centrales de production électrique (nucléaires, hydrauliques et thermiques). Ce qui contraint EDF à acheter sur le marché les électrons non produits. L'entreprise chiffre déjà les conséquences économiques de cette contestation sociale à 1 milliard d'euros.

Cette mobilisation a aussi un impact différé sur les programmes de maintenance des réacteurs nucléaires, bloquant leur redémarrage. Début janvier, RTE, le gestionnaire des lignes à haute tension, alertait déjà sur ce phénomène. Car, si le gestionnaire peut ordonner de stopper les baisses de charge réalisées par les grévistes afin de préserver à l'instant T l'équilibre entre la production et la consommation d'électricité, il ne dispose, en revanche, d'aucune marge de manœuvre quant au retard que peuvent engendrer les grèves sur la réalisation des travaux de maintenance.

EDF pourra-t-il maintenir sa fourchette de production ?

« Des mouvements sociaux peuvent avoir un effet sur la date de redémarrage des réacteurs. Or, nous sommes dans une situation qui ne nous permet pas de prendre du retard dans le programme de maintenance », avait alors prévenu Thomas Veyrenc, le directeur exécutif de RTE.

Ce mauvais démarrage n'est donc pas vraiment de bon augure, d'autant plus que le retard pris sur les opérations de maintenance des réacteurs aura sans doute un impact différé. Pour 2023, le groupe table sur une fourchette de production comprise entre 300 et 330 TWh, soit une plage légèrement supérieure à 2022. L'électricien sera-t-il en mesure de la respecter en se rattrapant sur les prochains mois ? « Cela va être compliqué de tenir la fourchette haute », estime Nicolas Goldberg, alors même qu'un avis du gendarme nucléaire, attendu d'ici le début du mois de mai, sera particulièrement décisif.

Un avis très attendu du gendarme nucléaire

En effet, fin février, l'entreprise publique a découvert une nouvelle fissure, d'une profondeur inattendue, sur le réacteur numéro 1 de Penly (Seine-Maritime). Contrairement aux fissures décelées en 2021 et 2022, celle-ci n'est pas directement liée à la géométrie complexe de la tuyauterie des réacteurs les plus récents, mais à une double réparation survenue lors de la construction de la centrale, dans les années 80.

Lire aussiNucléaire : malgré les fissures, EDF maintient ses objectifs de production d'électricité

Cette découverte a contraint EDF à revoir sa stratégie de contrôle et de réparation des réacteurs pour résoudre le problème de corrosion sous contrainte. Sa stratégie révisée a été soumise à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 17 mars dernier. Elle implique le contrôle de plus de 300 soudures réparées et donc suspectes. A cette date, EDF avait malgré tout maintenu sa fourchette de production électronucléaire. Le gendarme du secteur doit désormais se prononcer sur cette révision.

Non, la production nucléaire n'a pas faibli au profit des éoliennes

Sur les réseaux sociaux, certaines personnes lient la faible production nucléaire du premier trimestre 2023 à l'effacement de l'atome civil au profit des énergies renouvelables. Un argument, souvent avancé par la communauté anti-éolienne, que balaie du revers de la main Nicolas Goldberg. «Ces opérations d'effacement au profit des énergies renouvelables sont extrêmement ponctuelles, explique-t-il. Cela est, par exemple, arrivé pendant le confinement et en décembre dernier. »

Selon lui, les fois où EDF diminue volontairement sa production nucléaire s'expliquent davantage par un arbitrage économique. « De manière très marginale, sur une courte période, ces baisses de charges décidées par EDF servent surtout à faire de l'économie de combustible », avance-t-il. Autrement dit, en n'utilisant pas son combustible à un instant T, l'entreprise fait le pari qu'elle vendra plus chère sa production nucléaire sur les marchés quelques jours plus tard. « C'est l'espérance d'un gain plus fort avec la même quantité d'énergie produite », résume Nicolas Goldberg.

Juliette Raynal

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Commentaires 9
à écrit le 18/04/2023 à 15:48
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En fait l'éolien est davantage relayé par le gaz que par le nucléaire, ce qui tend à globalement carboner le kwh français (500 grammes de CO2)

à écrit le 18/04/2023 à 12:38
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Lorsqu'on consulte le site de RTE, on observe la présence de l'électricité injectée par le solaire en journée (10GW) et l'éolien (5GW présentement) variable selon le vent. Le pilotage par le nucléaire en complément permettra ainsi d'espacer les dates...

à écrit le 18/04/2023 à 9:47
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Lorsqu'on suit la production au jour le jour (Electricity Maps) on s’aperçoit que le Nuc varie entre disons 45 et 70% et varie en fonction du solaire, du vent et de l'hydro ce Mix me plait assez, pour nos amis allemands ils compensent avec du charbon...

le 18/04/2023 à 12:15
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Cela a du sens de faire varier des centrales à gaz ou charbon, pour économiser le carburant et surtout réduire les émissions de CO2. Pour des centrales nucléaires, ça a beaucoup moins d'intérêt. C'est d'ailleurs pour cela que les écolos détestent le ...

à écrit le 18/04/2023 à 9:09
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La france tombe de Charybde en Scylla.c'est somme toute très logique après un sarko (agité mais guère efficace sur le fonds), hollande ( sans commentaire) et notre roitelet actuel.

à écrit le 18/04/2023 à 8:58
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De pire en pire cette société. Comment peut on faire confiance pour que EDF se redresse surtout pour une société d'état. Si l'état français savait gérer des entreprises ou des services publics cela se saurait et verrait.

à écrit le 17/04/2023 à 19:52
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pourquoi ne pas se simplifier la vie ? faire comme dans le reste du monde !!!!! c est plus rapide et moins cher. Suivre l exemple de l Allemagne et des USA par exemple

le 18/04/2023 à 9:31
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Il semblerait que la relance du nucléaire aux Etats-Unis, avec le démarrage symbolique des deux premiers AP1000, équivalents de notre EPR, vous ait échappée. La politique énergétique de l'Allemagne est, fort heureusement pour le climat, une totale ab...

le 18/04/2023 à 13:55
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malheureusement le nucleaire mets 10 a 12 ans pour etre construit. Nous n avons plus ce temps, vue le manque de gaz russe et le prix du gaz de substitution. en 2 ans, il est possible de construire des parcs eoliens et solaires en quantites importante...

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