
EDF fait pire au premier trimestre 2023 qu'au premier trimestre 2022. Au cours des trois premiers mois de l'année, l'entreprise publique n'a produit que 84,9 térawattheures (TWh) d'électricité nucléaire, contre 91,7 TWh à la même période l'année précédente, soit un recul de 7,4%.
Les données publiées par le groupe montrent que l'écart entre 2022 et 2023 tend à se creuser au fil des trois premiers mois. En janvier 2023, la production était inférieure de 4,4 TWh par rapport à 2022, en février de 5,2 TWh et en mars de 6,8 TWh. « Or, l'année 2022 était jugée comme une année catastrophique pour la production nucléaire », souligne Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.
L'année 2022 a, en effet, été une année noire pour l'électricien avec une production de seulement 279 TWh, contre une moyenne située habituellement aux alentours de 400 TWh. Deux facteurs sont à l'origine de cette performance particulièrement médiocre (jamais un tel niveau n'avait été enregistré depuis 1992) : de nombreuses opérations de maintenance décalées en raison de la crise sanitaire, mais aussi et surtout un important problème de corrosion sous contrainte (CSC) affectant les réacteurs les plus récents du parc tricolore.
Pire qu'en 2022
Comment expliquer qu'EDF fasse pire au premier trimestre 2023 alors, qu'en janvier, le parc était de nouveau disponible aux trois quarts ? « Cela s'explique avant tout par les grèves », affirme Nicolas Goldberg, corroborant les commentaires de l'électricien, qui évoque sur son site « des prolongations d'arrêt essentiellement dues à l'examen et aux réparations des circuits concernés par la corrosion sous contrainte » et les « effets induits par les mouvements sociaux »
Depuis le début de l'année, la mobilisation sociale contre la réforme des retraites du gouvernement est, en effet, très suivie au sein de l'électricien historique. Et pour cause, outre le report de l'âge légal à la retraite, quelque 60.000 salariés de l'entreprise (sur un total de plus de 171.000) risquent de perdre leur régime spécial lié au statut des industries électriques et gazières (IEG). Un régime qui offre, entre autres, un départ anticipé selon la pénibilité des métiers.
Le double impact des grèves
À titre d'exemple, jeudi 13 avril, alors que la mobilisation faiblissait, un quart des salariés censés être présents étaient encore en grève selon l'intersyndicale. Début mars, le taux de grévistes est même monté à 50%.
Sur le terrain, cette mobilisation se traduit notamment par des baisses de charges dans les différentes centrales de production électrique (nucléaires, hydrauliques et thermiques). Ce qui contraint EDF à acheter sur le marché les électrons non produits. L'entreprise chiffre déjà les conséquences économiques de cette contestation sociale à 1 milliard d'euros.
Cette mobilisation a aussi un impact différé sur les programmes de maintenance des réacteurs nucléaires, bloquant leur redémarrage. Début janvier, RTE, le gestionnaire des lignes à haute tension, alertait déjà sur ce phénomène. Car, si le gestionnaire peut ordonner de stopper les baisses de charge réalisées par les grévistes afin de préserver à l'instant T l'équilibre entre la production et la consommation d'électricité, il ne dispose, en revanche, d'aucune marge de manœuvre quant au retard que peuvent engendrer les grèves sur la réalisation des travaux de maintenance.
EDF pourra-t-il maintenir sa fourchette de production ?
« Des mouvements sociaux peuvent avoir un effet sur la date de redémarrage des réacteurs. Or, nous sommes dans une situation qui ne nous permet pas de prendre du retard dans le programme de maintenance », avait alors prévenu Thomas Veyrenc, le directeur exécutif de RTE.
Ce mauvais démarrage n'est donc pas vraiment de bon augure, d'autant plus que le retard pris sur les opérations de maintenance des réacteurs aura sans doute un impact différé. Pour 2023, le groupe table sur une fourchette de production comprise entre 300 et 330 TWh, soit une plage légèrement supérieure à 2022. L'électricien sera-t-il en mesure de la respecter en se rattrapant sur les prochains mois ? « Cela va être compliqué de tenir la fourchette haute », estime Nicolas Goldberg, alors même qu'un avis du gendarme nucléaire, attendu d'ici le début du mois de mai, sera particulièrement décisif.
Un avis très attendu du gendarme nucléaire
En effet, fin février, l'entreprise publique a découvert une nouvelle fissure, d'une profondeur inattendue, sur le réacteur numéro 1 de Penly (Seine-Maritime). Contrairement aux fissures décelées en 2021 et 2022, celle-ci n'est pas directement liée à la géométrie complexe de la tuyauterie des réacteurs les plus récents, mais à une double réparation survenue lors de la construction de la centrale, dans les années 80.
Cette découverte a contraint EDF à revoir sa stratégie de contrôle et de réparation des réacteurs pour résoudre le problème de corrosion sous contrainte. Sa stratégie révisée a été soumise à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 17 mars dernier. Elle implique le contrôle de plus de 300 soudures réparées et donc suspectes. A cette date, EDF avait malgré tout maintenu sa fourchette de production électronucléaire. Le gendarme du secteur doit désormais se prononcer sur cette révision.
Sur les réseaux sociaux, certaines personnes lient la faible production nucléaire du premier trimestre 2023 à l'effacement de l'atome civil au profit des énergies renouvelables. Un argument, souvent avancé par la communauté anti-éolienne, que balaie du revers de la main Nicolas Goldberg. «Ces opérations d'effacement au profit des énergies renouvelables sont extrêmement ponctuelles, explique-t-il. Cela est, par exemple, arrivé pendant le confinement et en décembre dernier. » Selon lui, les fois où EDF diminue volontairement sa production nucléaire s'expliquent davantage par un arbitrage économique. « De manière très marginale, sur une courte période, ces baisses de charges décidées par EDF servent surtout à faire de l'économie de combustible », avance-t-il. Autrement dit, en n'utilisant pas son combustible à un instant T, l'entreprise fait le pari qu'elle vendra plus chère sa production nucléaire sur les marchés quelques jours plus tard. « C'est l'espérance d'un gain plus fort avec la même quantité d'énergie produite », résume Nicolas Goldberg.Non, la production nucléaire n'a pas faibli au profit des éoliennes
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