Industrie : pourquoi le solde commercial se détériore

La production manufacturière a bien accéléré en 2017 après des années de morosité. Malgré cette dynamique, le déficit commercial du secteur industriel s'est encore dégradé.
Grégoire Normand
L’activité manufacturière en France a été tirée par le dynamisme
de la demande intérieure en produits manufacturés1
 (+ 2,2 %
après + 1,6 % en 2016).
L’activité manufacturière en France a été tirée par le dynamisme de la demande intérieure en produits manufacturés1 (+ 2,2 % après + 1,6 % en 2016). (Crédits : Reuters)

Le commerce extérieur reste un point noir pour l'industrie française. Selon une récente étude de la direction générale de l'entreprise (Dge), le déficit des produits manufacturés s'est encore creusé en 2017 alors que la conjoncture est restée très favorable. L'activité a progressé dans la plupart des branches de l'industrie portée par une demande intérieure soutenue et une accélération des échanges mondiaux de marchandises. De son côté, l'emploi salarié s'est amélioré pour la première fois depuis 2001 grâce à une hausse de l'emploi temporaire. Pour le gouvernement, le redressement du commerce extérieur de la France constitue un véritable défi pour les années à venir.

>Lire aussi : Édouard Philippe présente son plan pour relancer les exportations

Hausse du pétrole

L'industrie française a d'abord dû faire face à une montée des prix de l'énergie. 2017 a été marquée par une forte hausse des prix du pétrole de 24% environ selon les chiffres rapportés par la Dge. Le prix du baril de Brent a progressé au premier trimestre 2017 suite à un accord sur la limitation de la production comprenant la Russie et les pays membres de l'organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). Par ailleurs, la dynamique de l'activité a contribué à l'accélération du taux de change de l'euro par rapport au dollar. L'euro a également progressé face à la livre sterling (+7%) au yen (+ 3%) et au yuan (+3,8%). Cette appréciation de la monnaie européenne peut ainsi peser sur les exportations françaises pour les pays situés en dehors de la zone euro.

Outre la hausse du prix de l'énergie et les effets de change, plusieurs autres facteurs peuvent expliquer ces mauvaises performances. D'abord le poids de l'industrie dans l'économie française n'a cessé de se dégrader au profit des services. Entre 2000 et 2016, il est passé de 16,5% du PIB à 12,5%. Pour l'institut COE-Rexecode, la baisse des parts de marché de la France est fortement corrélée au recul du poids de la valeur ajoutée manufacturière française dans la valeur ajoutée manufacturière de la zone euro.

"Un cercle vicieux s'est installé de façon structurelle, les pertes de parts de marché réduisant les débouchés des productions françaises et le recul relatif de la base industrielle réduisant nos capacités exportatrices ainsi que la variété de l'offre française."

Par ailleurs, les économies émergentes ont gagné du terrain dans le commerce mondial ces dernières années et devraient continuer à jouer un rôle prépondérant. Dans une note de conjoncture réalisée par l'Insee, les auteurs expliquent que :

"La première cause du recul des positions françaises est la part croissante des économies émergentes,notamment de la Chine, dans les exportations mondiales. L'essor des économies émergentes dans le commerce mondial a affecté tous les pays avancés, mais la France a perdu plus de parts de marché que ses principaux partenaires de la zone euro."

Dégradation du solde avec l'UE

Le solde commercial en produits manufacturés avec les autres pays de l'Union européenne s'est creusé de 10,7 milliards d'euros en 2017 pour atteindre -42,9 milliards d'euros. Cette dégradation repose notamment sur le creusement du déficit avec l'Allemagne de -3 milliards d'euros (à -17 milliards d'euros) avec une vraie contraction des exportations. Les exportations à destination du Royaume-Uni ont également ralenti en raison des incertitudes liées au Brexit, la dépréciation de la livre sterling et le ralentissement de la demande intérieure britannique. La baisse du solde a également concerné bien d'autres pays européens tels que l'Autriche, les Pays-Bas, l'Italie et l'Espagne. L'étude rappelle néanmoins que le solde s'est amélioré avec les États-Unis grâce à une accélération des exportations et une baisse des importations dans le contexte d'une appréciation du taux de change de l'euro par rapport au dollar.

Un taux de marge inédit depuis 50 ans

Après la crise financière de 2008, les entreprises françaises ont souffert pendant plusieurs années. Le pacte de responsabilité et le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ont permis aux entreprises de redresser leurs marges sensiblement. Dans une note de conjoncture publiée en décembre dernier, l'Insee rappelait que depuis début 2016, le taux de marge fluctue autour de 31,6%, un point en deçà de son niveau d'avant crise, mais l'institut indique  que"dans l'industrie, le taux de marge a atteint en 2016 un niveau inédit depuis plus de 30 ans." Et cette tendance ne s'est pas arrêtée en 2017. Selon la Dge, la taux de marge dans l'ensemble des branches de l'industrie manufacturière a progressé de 1 point en 2017. Il s'élève désormais à 37,9% soit son plus haut niveau depuis 1967 et 7,2 points au-dessus du niveau bas atteint pendant la crise économique et financière en 2009.

> Lire aussi : Quels sont les effets du CICE ?

Le coût horaire de la main-d'oeuvre dans l'industrie manufacturière s'est établi à 38,1 €/h en 2017. Il a progressé de 1,4% au même rythme que l'ensemble de la zone euro. Il a en revanche augmenté moins rapidement qu'en Allemagne (+1,6% à 40,1 €/h), où le coût du travail a ralenti l'année dernière après trois années de hausse soutenue.

L'emploi industriel soutenu par l'intérim

Pour la première fois depuis 2001, l'emploi salarié total dans l'industrie manufacturière a progressé avec 21.000 emplois supplémentaires. Cette hausse s'explique avant tout par un dynamisme de l'emploi intérimaire (+10,3%, soit 25.600 emplois) qui a compensé le recul de l'emploi salarié direct (c'est à dire hors-intérim) avec 4.600 emplois en moins. La hausse de l'emploi intérimaire a concerné la plupart des secteurs, à l'exception de la cokéfaction-raffinage (-1,1%), du secteur "bois, papier et imprimerie" (-0,9%) et de la fabrication d'équipements électriques (-0,7%).

> Lire aussi : Industrie : un rebond en trompe l'oeil ?

Des perspectives très incertaines

Malgré une embellie très favorable en 2017, le PIB a sérieusement ralenti au cours du premier trimestre (0,3% contre 0,7% au quatrième trimestre 2017) selon les chiffres publiés par l'Insee le vendredi 27 avril. La production de biens dans l'industrie manufacturière s'est bien repliée au cours des trois premiers mois de l'année (-1,1% contre +1,5% au dernier trimestre) principalement du fait de la baisse importante en matériels de transport. Par ailleurs, si le commerce extérieur a une contribution neutre sur la croissance en ce début d'année, le rythme des exportations a bien ralenti (-0,1% après 2,5%) et les importations sont également stables (0,0% après 0,4%).

Grégoire Normand

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Commentaires 19
à écrit le 02/05/2018 à 21:59
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même les chinois s'équipent de plus belle en robots de toutes sortes en nombre phénoménal (on parle d'encore de plusieurs millions dans les 10 ans qui viennent alors que leur taux d'équipement va atteindre les 2 millions à la fin de cette année et ce...

à écrit le 02/05/2018 à 7:48
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Une des raisons de la diminution de la base industrielle française est la vente (ou fusion déguisée) de nombreux grand groupes français industriels depuis une dizaine d'années, ce qui s'est traduit par la fermeture de nombreuses usines (pas uniquemen...

le 03/05/2018 à 9:03
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Ben vous avez raison quelque part, je rajouterais que si on oublie de payer les gens en fonction de leur valeur intrinseque, ingénieur technicien et ben ils ne sont pas la et l'entreprise piétine. et remplit (vécu) la benne à rebuts.

à écrit le 01/05/2018 à 21:00
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Tout est dit. Reste les hypothèses et perspectives On pourrait les jouer dans le genre Pif Gadget, avec d’un côté les "tristus" et de l’autre les "rigolus", mais si l’on regarde l’évolution des courbes import export, elles se suivent et se ressembl...

à écrit le 01/05/2018 à 19:56
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Au lieu d'augmenter la CSG CRDS, il fallait augmenter le Seul des 4 taux de TVA hors alim, hors serv à la personne, hors batiment, et baisser de 3% la CSG CRDS. Ainsi à 27% au lieu de 20%, mon jean's à 10 eur coutera 10.17eur ( j'en ai 6 ainsi ), et ...

à écrit le 01/05/2018 à 19:46
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Ils y a actuellement une période de protectionnisme ou les ecportation serons difficile, mais bon au sein de l'union , nous aurons toujours un marché intérieur ... Maintenant à nous de moderniser nos industries et dè nous develloper dàns des partis...

à écrit le 01/05/2018 à 10:06
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S'il était besoin d'avoir la preuve que la socialisme tue le travail et l'emploi (via les 35 h, les retraites prématurées et un ridicule partage du travail) il n'y aurait qu'à examiner notre commerce extérieur et les résultats de notre industrie. On ...

à écrit le 30/04/2018 à 19:38
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L'UE commence à devenir un sacré boulet économique, enfin l'allemagne et ses pays générateurs de dumping social surtout bien entendu. Vite un frexit.

le 30/04/2018 à 22:21
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Dumping par le haut alors (sic) les ouvriers de porsche touche des primes de fin d'année équivalentes au salaire d'une année d'un ouvrier renault ou pigeot

le 01/05/2018 à 10:21
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"« Nous ne sommes pas des travailleurs au rabais » : les routiers se mobilisent" https://www.jobtransport.com/actualites/transport/nous-ne-sommes-pas-des-travailleurs-au-rabais-les-routiers-se-mobilisent/

à écrit le 30/04/2018 à 19:14
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Quel terme vieillot manufacture... Qui est fabriqué à la main pour désigner des produits fabriqués à grande échelle donc essentiellement par des machines... La langue française est fossilisée c'est un signe de plus de la décadence, ils font quoi les...

à écrit le 30/04/2018 à 18:43
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La fiscalité punitive (taxe d'habitation majorée de 40% pour résidences secondaires) en est certainement une des causes. Une résidence secondaire en Croatie coûte un dixième de ce qu'elle coûte en France et la Croatie est aussi belle que nos Alpes Ma...

à écrit le 30/04/2018 à 18:38
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La solution consiste à appliquer la note n°6 du conseil d'analyse économique. Qui sera capable de le comprendre? Il n'y a pas d'autres solutions. Nos entreprises vont disparaître les unes après les autres. Cela règlerait le cas d'AIRFRANCE, de la SNC...

à écrit le 30/04/2018 à 18:35
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Les Français font des enfants, cela coûte cher, les Allemands en font très peu, ils font venir la main d’œuvre toute finie des anciens pays du Bloc Soviétique. Cela ne leur coûte rien. La France n'est pas au centre de l'Europe, l'Allemagne si. Les ...

à écrit le 30/04/2018 à 18:33
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Les Français font des enfants, cela coûte cher, les Allemands en font très peu, ils font venir la main d’œuvre toute finie des anciens pays du Bloc Soviétique. Cela ne leur coûte rien. La France n'est pas au centre de l'Europe, l'Allemagne si. Les ...

le 30/04/2018 à 18:54
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Je vous conseille de jeter un coup d'oeil aux chiffres du salaire moyen et salaire median allemand ainsi que le coût du travail en Allemagne. Le dumping social allemand est une fable , d'ailleurs le made in Germany est particulièrement cher au cas où...

à écrit le 30/04/2018 à 18:13
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Si les besoins en importation augmentent plus vite que les exportations ben ça donne cette situation... Faut pas sortir de polytech pour comprendre ça x_X De grosses usines ferment, délocalisations en masse, faillites. Mais à part ça la "production ...

le 30/04/2018 à 20:59
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"Pourquoi ne pas mener une vraie réflexion sur une transformation de l'économie capitaliste en autre chose ? " Peut être parce que personne ne sait ce que pourrait être cette "autre chose" ? Certains ont pourtant essayé (le communisme et son avatar...

le 01/05/2018 à 7:51
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Cette "autre chose", c'est l'énergie. On oublie de prendre en compte le role de l'énergie. L'énergie remplace ou complète le travail en utilisant l'outillage (le capital). Il faut appliquer la note n°6 du conseil d'analyse économique. On arrivera peu...

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