« Air France n'est pas immortelle » (Anne Rigail, directrice générale)

Impact de la crise sanitaire, scénarios de reprise, passeport sanitaire, transformation du groupe, développement de Transavia, restructuration de HOP, recapitalisation d'Air France-KLM, consolidation..., dans une interview accordée à La Tribune, Anne Rigail, directrice générale d'Air France, aborde les sujets chauds de la compagnie aérienne.
Fabrice Gliszczynski
Anne Rigail, directrice générale d'Air France
Anne Rigail, directrice générale d'Air France (Crédits : LT)

LA TRIBUNE - Comment se comportait l'activité avant le durcissement des restrictions de voyage mises en place lundi 18 janvier ?

ANNE RIGAIL - Après le deuxième confinement de novembre à mi-décembre, au cours duquel le trafic domestique et européen est tombé à des niveaux très faibles, nous avons observé un rebond pour les fêtes de fin d'année. Dès que le déconfinement a été confirmé (le 10 décembre, NDLR), les réservations sur le réseau domestique ont été multipliées par quatre et notre trafic a représenté 55% de celui de la même période en 2019. Il s'agissait essentiellement de passagers "loisirs", ce qui s'est ressenti sur le niveau de recette unitaire. Le long-courrier a également été dynamique, notamment vers le réseau "Caraïbes Océan Indien" et Dubaï. En revanche, le réseau moyen-courrier a été limité par les reconfinements des autres pays européens. Avant l'annonce du gouvernement français jeudi dernier, nous avions prévu de mettre en service près de 45% de notre offre en janvier, dont près de 50% sur notre réseau long-courrier qui reste relativement dynamique. C'est le long-courrier qui tire l'activité vers le haut, grâce à la vigueur du transport de marchandises. Comme c'est le cas depuis le début de la crise sanitaire, le cargo représente toujours la moitié de nos recettes sur nos vols long courrier, contre 10% avant crise. Sur le long-courrier, nous continuons d'enregistrer de bons résultats, parfois meilleurs que ceux que nous avions anticipé, sur le réseau "Caraïbes Océan Indien" où nous avons ajouté des vols. Mais aussi sur l'Afrique, qui accueille des passagers qui vont rendre visite à leur famille ou leurs amis (trafic VFR pour "visit friends and relatives"). Quant au réseau domestique, il maintient un niveau d'offre aux alentours de 40%, alors que le réseau moyen-courrier reste déprimé par les divers confinements en Europe.

Face à l'envolée des contaminations et à l'apparition de variants du Covid, le gouvernement a durci les contraintes de voyage. Les déplacements internationaux sont strictement déconseillés, tous les passagers en provenance d'un pays non Schengen doivent présenter en arrivant en France un test PCR négatif, et s'engager sur l'honneur à s'isoler pendant 7 jours er de faire un autre PCR à l'issue de cette septaine. Les passagers en provenance de La Réunion et de Mayotte doivent également se faire tester pour venir en Métropole; une septaine également pour entrer en Guadeloupe, Martinique, et à la Réunion... D'autres mesures devraient suivre. Quel impact prévoyez-vous?

L'inquiétude sur les variants du coronavirus et le renforcement des mesures sanitaires vont impacter notre activité. Il y aura une question sur la disponibilité des tests rendus obligatoires depuis les destinations internationales vers la France. Et les septaines imposées pourront avoir un effet sur l'envie de voyager. Certaines destinations de notre réseau Caraïbes-Océan Indien, comme la Guyane, sont également concernées par la mise en place de motifs impérieux sur les voyages. Nous attendons de connaître les dispositions prévues pour les déplacements dans l'espace Schengen qui pourraient, elles-aussi encore ralentir le trafic intra-européen.

Quelles sont les conséquences sur votre programme de vols. L'ajustez-vous à la baisse?

Il est encore un peu tôt pour constater l'impact de ces mesures sur les réservations ou sur les comportements de nos clients. Pour le moment nous n'avons pas perçu d'infléchissement qui nécessite de réduire notre programme de vol, lequel était déjà relativement bas pour la période. Nous allons continuer à suivre l'évolution de la situation, notamment sur les Outre-Mer, et nous adapterons notre programme si cela est nécessaire.

Depuis le début de cette crise, nos cycles d'activité dépendent des restrictions sanitaires et de la demande. Nous sommes très agiles pour ajuster notre programme, comme nous l'avons montré au quatrième trimestre 2020. Par rapport au début de la crise, nous arrivons à "variabiliser" de mieux en mieux nos coûts en fonction de l'activité. Désormais 60 à 70% de nos coûts sont variables. Par exemple, nous adaptons l'activité de chacun de nos services à la semaine, ce qui nous permet de maximiser l'intérêt pour Air France du système d'activité partielle. Pour autant, et malgré tous nos efforts, nous perdons toujours plus de 10 millions d'euros par jour.

Quelles sont vos prévisions de reprise?

La vaccination ne va pas entraîner de gros changements à très court terme. Néanmoins, nous comptons toujours sur une reprise au courant du deuxième trimestre. La question est de savoir si l'on verra un effet dès cet été ou s'il faudra encore attendre.

Comment voyez-vous ce redémarrage?

Nous avons constaté que chaque sortie de confinement ou éclaircie de la situation sanitaire se traduisait par une reprise très forte des voyages à vocation loisir et affinitaire, deux sources de trafic très résilientes. Ce fut le cas l'été dernier où nous avons réussi à assurer 35 à 40% de notre programme, mais aussi pendant les fêtes de fin d'année. Toutes les enquêtes que nous réalisons auprès de nos clients attestent d'une véritable envie de voyager. Nous attendons cet été une reprise dynamique du trafic loisirs.

Quel niveau d'offre prévoyez-vous pour cette reprise?

Avant l'annonce des dernières restrictions, nous prévoyions autour de 45% pour le premier trimestre 2021. Nous pouvons donc imaginer, une fois que la vaccination commencera à porter ses fruits, de remonter progressivement notre offre qui pourrait atteindre en fin d'année jusqu'à 70% de ce qu'elle était avant la crise.

Vous attendez-vous à une guerre tarifaire au moment de la reprise ou, au contraire, à une relative prudence de certains opérateurs à ajouter des capacités?

Différents facteurs joueront dans des sens différents. D'un côté il y aura une forme de rationalisation des capacités car toutes les compagnies n'ont pas résisté de la même façon à la crise sur l'ensemble de leur réseau. De l'autre, avec le dynamisme attendu du trafic loisirs, beaucoup d'acteurs essaieront de profiter de cette reprise en relançant leurs capacités. Il est donc difficile d'anticiper l'effet de la reprise sur la recette unitaire. Par exemple, pendant les fêtes de fin d'année, nous avons eu un nombre de passagers significatif sur le réseau domestique, mais le prix moyen des billets est resté bas.

Êtes-vous favorable à un passeport sanitaire?

Aujourd'hui, tout le monde n'a pas encore accès au vaccin et une telle mesure mise en place immédiatement pourrait être discriminante. Cependant, dès que l'accès au vaccin sera universel, le passeport vaccinal pourrait être une bonne option comme c'est déjà le cas pour la fièvre jaune par exemple. Plus globalement nous sommes favorables à toutes les initiatives de digitalisation des documents sanitaires permettant de fluidifier les voyages dans le contrôle des formalités. Ces décisions sont prises au niveau national et européen, et nous les accompagnerons le moment venu.

Quand pensez-vous arrêter de « brûler » du cash?

L'objectif est bien évidemment d'arrêter de brûler du cash au courant de l'année 2021. Si le trafic repart selon nos prévisions, on pourra commencer à observer cette tendance sur certains mois d'été. Tout dépendra des niveaux d'activité et il subsiste encore beaucoup d'incertitudes.

Après de lourdes pertes en 2020 (3,6 milliards d'euros selon nos informations, NDLR), de nouvelles pertes importantes sont attendues en 2021 (2 milliards d'euros, toujours selon nos informations). Quand tablez-vous un retour aux bénéfices?

Il faut viser un retour à l'équilibre en 2022. L'ambition en sortie de crise reste inchangée, et reste une marge d'exploitation de 7%.

Le gouvernement a donné la possibilité aux entreprises de décaler d'un an le début des remboursements des prêts garantis par l'Etat (PGE). Qu'allez-vous faire?

La question ne se pose pas de cette manière pour nous. La maturité du PGE accordé à Air France est d'un an, mais peut être étendue à 2 ou 3 ans à la discrétion du Groupe Air France-KLM, en fonction de l'évolution de sa situation. A ce stade la décision n'a pas été prise.

En 2020, vous avez négocié des reports de charges sociales en 2021. Quel est le montant et demandez-vous un étalement?

Nous ne communiquons pas le montant, mais il est vrai que nous sommes en discussion avec les ministères pour étaler ce report des charges sociales dans le temps afin d'éviter de payer cette année les charges sociales cumulées de 2020 et 2021.

Où en est votre plan de restructuration?

Nous avons travaillé avec l'ensemble des organisations syndicales pour mettre en place des mesures structurelles afin d'améliorer notre compétitivité, mais aussi des mesures conjoncturelles pour nous aider à préserver notre trésorerie et traverser cette crise. Le plan de transformation que nous avons lancé consiste non seulement à adapter nos ressources à l'activité, mais aussi à simplifier nos "process" et notre organisation. Ceci nous conduit à revoir le niveau de nos effectifs, avec la suppression de 8.500 postes d'ici à fin 2022 au niveau du groupe Air France, dont 1.000 au sein de notre filiale régionale  HOP!. Les plans de départs volontaires des personnels navigants d'Air France ont été réalisés rapidement en 2020 : 360 pilotes et plus de 1.100 hôtesses et stewards ont ainsi déjà quitté l'entreprise. Pour le personnel au sol d'Air France, concerné par 3.650 suppressions de postes, les premiers départs interviendront dès fin janvier. Concernant HOP !, le processus de PDV-PSE est en cours d'homologation à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

La réorganisation de votre réseau domestique est l'autre grosse mesure structurelle de transformation, où en êtes-vous dans le développement de Transavia France sur le réseau intérieur?

Certaines lignes très déficitaires ont été supprimées dès le début de la crise, essentiellement des lignes transversales de région à région. HOP est désormais focalisée sur l'alimentation des hubs de Roissy-Charles de Gaulle et de Lyon. Air France continuera à assurer les vols "Navette" et vers la Corse au départ d'Orly. De son côté, Transavia a lancé ses vols intérieurs début novembre en assurant cinq lignes; une au départ d'Orly vers Biarritz et quatre autres transversales au départ de Nantes. Cette croissance de Transavia se poursuivra en 2021 avec l'arrivée de 8 nouveaux avions, puis en 2022, en complément de sa croissance organique vers l'Europe et la Méditerranée.

Quelles seront les nouvelles lignes domestiques qu'ouvrira Transavia France?

Elles seront annoncées et commercialisées prochainement, conformément au plan de déploiement que nous avons présenté cet été. Nous nous concertons avec les régions et les aéroports, dans la mesure où notre plan de transformation modifie la desserte des territoires et nous voulons continuer à desservir les régions françaises, à les connecter entre elles et les ouvrir sur le monde.

Transavia France table sur un doublement de la flotte d'ici à 2024, soit 80 avions. Combien coûtera ce plan de développement?

Il est compliqué de répondre à cette question car nous devons financer une croissance à la fois européenne et domestique. Or, autant le plan de croissance de Transavia est connu sur le réseau intérieur puisqu'il sera majoritairement déployé d'ici à fin 2022, autant il est plus complexe de projeter la demande sur l'activité low cost moyen-courrier en 2024. Pour l'instant, nous avons prévu d'ajouter 8 avions en 2021. Nous savons aussi que nous aurons besoin de 20 à 25 avions de plus à moyen terme. Pour le reste, il faudra ajuster ces chiffres au regard de la réelle dynamique de reprise post-crise.

Le doublement de la flotte de Transavia France prévue d'ici à 2024 pourrait prendre plus de temps donc?

Les perspectives de développement dépendront logiquement de la dynamique et de la reprise observée sur le moyen-courrier.

Quelles sont les autres mesures structurelles du plan de transformation?

Je ne pourrai pas les détailler toutes puisque nous avons lancé plus de 120 projets. Nous simplifions fortement nos organisations Nos lignes managériales opérationnelles seront allégées. Avec les plans de départs volontaires, elles ont déjà été réduites significativement dans le management pilotes et PNC. Aujourd'hui, nous le faisons aussi dans les escales. Nous souhaitons évoluer vers un modèle managérial plus direct et plus proche du terrain. C'est un changement culturel important. D'autres projets sont liés à la digitalisation et à l'automatisation, mais aussi à des changements industriels plus lourds qui supposent de préserver certains investissements. C'est ce que nous faisons par exemple sur notre site de maintenance d'Orly où nous investissons 30 millions d'euros pour transformer notre site spécialisé dans les "visites moteurs" et gagner ainsi 15% sur le temps global de réparation des moteurs.

Vous avez négocié avec les syndicats des personnels au sol et de personnels navigants commerciaux une activité partielle longue durée (APLD). Où en êtes-vous avec les pilotes?

L'activité partielle que nous avons mise en place depuis fin mars a été l'un des premiers leviers d'économie en 2020. Depuis le 1er janvier, l'activité partielle de longue durée (APLD) a pris le relais pour les personnels au sol et les personnels navigants commerciaux (PNC). Les négociations que nous avons finalisées avec les syndicats couvrent une période de deux ans. L'APLD est protectrice pour nos salariés, car plus rémunératrice que l'activité partielle de droit commun. Pour l'entreprise, elle permet d'amortir le choc de la baisse d'activité, et de préserver des expertises nécessaires pour le redémarrage. C'est une négociation équilibrée qui s'est achevée.

Le maintien d'un large réseau est-il dû à des accords avec le personnel?

Nous avons effectivement discuté avec les personnels navigants de certaines dérogations aux règles de planning habituelles, pour permettre d'opérer pendant la crise les lignes les plus fragiles économiquement et de desservir un maximum de destinations. Nous avons ainsi maintenu la desserte de 172 destinations, soit 85% de notre réseau. C'est important pour nos clients et pour la continuité de la desserte de la France.

Le nombre de personnels navigants à bord des avions a-t-il été revu à la baisse?

Nous avons négocié avec les personnels navigants commerciaux (PNC) des adaptations pendant deux ans des compositions de l'équipage en fonction du remplissage des avions.  Ces mesures conjoncturelles nous aident à soutenir notre trésorerie pendant la crise.

En plus de supprimer elles aussi des postes de façon massive, la plupart des autres compagnies européennes ont également pris des mesures de baisses de coûts pour les personnels qui restaient dans l'entreprise, en baissant les salaires ou les conditions de travail. Sachant que votre plan de transformation est une accélération d'un plan décidé fin 2019 et que cette accélération a été actée au printemps dernier à un moment où les scénarios de reprise étaient plus optimistes, comptez-vous durcir votre plan et peut-être toucher aux salaires?

Nous avons concentré nos efforts sur le déploiement du plan actuel, qui est déjà un plan majeur avec plus de 120 projets lancés et 8.500 postes supprimés. Nous sommes donc focalisés sur l'exécution et la réussite du plan actuel. Concernant la rémunération, les salariés d'Air France réalisent déjà des efforts importants depuis le début de la crise avec des baisses de salaires liées à l'activité partielle. Pour les pilotes, c'est par exemple une baisse de l'ordre de 20%. Les PNC et personnels au sol ont également subi un impact salarial, que ce soit sur les éléments variables de leur rémunération ou dans le cadre de l'activité partielle. Les personnels au sol également. Nous n'avons pas aujourd'hui d'urgence en matière de trésorerie. Nous aurons des discussions sur les salaires dans le cadre des négociations annuelles qui doivent se tenir prochainement sachant que nous avons d'ores et déjà annoncé un gel des augmentations générales et individuelles pour deux ans ainsi que de l'intéressement.

Au final, quelle sera la baisse structurelle des coûts?

L'ensemble de nos mesures va générer une amélioration de notre performance économique de 1,4 milliard d'euros d'ici à fin 2023 (Air France communiquait jusqu'ici sur 1,2 milliard d'euros à fin 2022, NDRL). 80% de ce chiffre proviendra d'une meilleure maîtrise de nos coûts, et 20% d'une amélioration de la recette.

Vous avez réussi à davantage "variabiliser" vos coûts, pouvez-vous aller encore plus loin dans ce domaine, notamment en fonction de la saisonnalité inhérente au transport aérien?

La recherche de la variabilité de nos coûts est permanente. Transavia est dans un modèle low cost très saisonnalisé. La croissance organique de Transavia au sein du groupe renforcera mécaniquement cette variabilisation. Concernant Air France, nous renégocions toutes nos dépenses externes pour avoir des coûts plus corrélés à l'activité.

Côté recettes, comment espérer une amélioration des recettes avec le manque de visibilité qui entoure le retour de la clientèle affaires?

Cette question se pose en effet même si dans nos cabines "affaires" et "La Première", la moitié des clients voyage pour raisons personnelles. Nous pouvons par conséquent espérer également une reprise du trafic dans ces cabines qualifiées de "premium". Pour autant, les tendances structurelles de la crise, avec notamment une clientèle professionnelle qui voyagera peut-être moins fréquemment demain, nous amènent à rechercher la plus grande flexibilité possible dans l'adaptation des configurations cabines.

Revoyez-vous les plans de configuration que vous aviez modifiés juste avant la crise, lesquels passaient par plus de sièges en classe affaires et en classe "premium Economy" (une classe située entre la classe affaires et la classe économique) ?

Cette modification concerne les cabines de nos 12 derniers B777 que nous n'avons pas encore reconfigurés. Au-delà, les configurations de la première moitié des 38 A350 commandés sont décidées, celles des exemplaires suivants restent ouvertes et nous sommes en train d'adapter nos projets pour prendre en compte les impacts potentiels de la crise.

Y aura-t-il moins de sièges dans les classes  « haute contribution » ?

Nous conservons le positionnement "premium" de la marque Air France. Ce positionnement ne dépend pas uniquement du dynamisme du trafic affaires. Nous retravaillons en permanence la taille respective de chaque cabine pour trouver la meilleure efficience globale avec toujours une volonté d'excellence dans l'expérience client.

La première classe sur le long-courrier ne cesse de diminuer depuis des années. L'arrêt des A380 la réduit comme peau de chagrin. Sera-t-elle telle maintenue?

Oui, nous conserverons une première classe. Elle reste un atout fort de la marque Air France.

Air France a obtenu fin mai 4 milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat et trois milliards d'euros de prêts directs pour éviter la faillite. KLM a également bénéficié de prêts de nature similaire pour 3,4 milliards d'euros. Le groupe et l'Etat français ont déjà indiqué qu'une recapitalisation d'Air France d'Air France-KLM d'un montant de plusieurs milliards d'euros était prévue d'ici à l'assemblée générale annuelle du groupe en mai. Pourquoi ce calendrier, alors que vous n'avez pas d'enjeu de liquidités?

En effet, ce calendrier n'est pas lié à la situation actuelle de liquidités du groupe Air France-KLM, ou à une obligation légale de renforcement des fonds propres à ce jour. Nous souhaitons lors de la prochaine Assemblée Générale donner le maximum de visibilité à nos actionnaires sur la trajectoire stratégique et la solidité financière du groupe. Nous savions depuis longtemps que nous aurions besoin de renforcer nos fonds propres, nous l'avons indiqué lorsque nous avons annoncé le soutien de l'Etat français au groupe.

Justifié par l'Etat par le rôle stratégique que joue Air France pour le pays, ce soutien inconditionnel de l'Etat rend-il Air France immortelle?

Ah non, je ne dirai jamais cela. Je ne l'ai jamais dit, et je ne l'ai jamais cru. Air France, en tant que compagnie nationale est un atout essentiel pour un pays comme la France. Ne pas avoir une compagnie qui garantit une stabilité du lien avec les autres pays, ne dépendre que des compagnies étrangères qui pourraient à tout moment faire des choix de destinations autres que la France, serait dangereux. La crise a aussi démontré l'importance de la compagnie au moment des rapatriements des Français pendant le premier confinement, puis du transport du matériel sanitaire et des vaccins. L'Etat, au travers des conditions du prêt garanti par l'Etat, nous a rappelé l'enjeu crucial d'améliorer notre compétitivité pour atteindre celui de nos pairs en Europe et assurer notre pérennité.

Vous ne pensez pas qu'Air France est immortelle, mais n'y a-t-il pas un risque que les salariés pensent le contraire et n'adhèrent plus aux efforts que vous demandez?

Le soutien de l'Etat à Air France est conditionné à une cohésion sociale et une vraie prise de conscience des enjeux de compétitivité. Ces deux critères ont été respectés en 2020. Depuis le début de la crise, nous multiplions les échanges avec les personnels, même si ces échanges se passent en visioconférence, pour expliquer en interne les enjeux de cette crise et la nécessité de nous transformer rapidement. Je pense que les salariés d'Air France comprennent bien la nécessité de travailler sur notre compétitivité pour être en capacité de saisir la reprise demain. Par exemple, l'ensemble des mesures de réduction de coûts doit nous permettre de préserver notre capacité d'investissement dans le renouvellement de notre flotte. C'est crucial en termes de performance économique et environnementale mais c'est aussi très important du point de vue de la symbolique car l'entrée de nouveaux appareils comme les A350 et bientôt les A220 dans notre flotte est un motif de fierté et d'espoir pour notre collectif.

Faut-il craindre une fermeture de HOP si le plan de restructuration devait échouer?

Nous avons concentré HOP !sur l'alimentation des hubs de Lyon et de Roissy. Ce qui est une bonne chose pour HOP !dans la mesure où la logique de hub de Paris n'est pas remise en cause par la crise du Covid, bien au contraire. Quant au hub de Lyon, il était avant la crise à un niveau économique bien meilleur que celui du réseau transversal. Par conséquent, avec la rationalisation de la flotte, la suppression de postes prévue, et le recentrage sur l'alimentation de Roissy-Charles de Gaulle qui est robuste, il ne peut y avoir qu'une forte amélioration des coûts de HOP !. Nous avons besoin d'avions de moins de 100 places sur certaines lignes dont les flux ne sont pas assez importants pour être desservies en A220, dont la capacité sera d'environ 150 sièges.

Faudra-t-il un jour s'attaquer à la "scope clause" de HOP qui l'empêche d'opérer des avions de plus de 110 sièges?

Si on regarde les autres compagnies dans le monde entier, on retrouve ces logiques de "scope clauses". Je ne vois pas de nécessité à modifier cela.

Qu'est-ce qui vous fait dire que le modèle de hub ne sera pas remis en cause après la crise?

Nous constatons depuis le début de la crise que la logique de hub est efficace. Près de 60 % de nos clients sont aujourd'hui en correspondance à Roissy. Cette logique de hub pourrait être également renforcée en sortie de crise car on peut imaginer que certaines dessertes de "point à point" disparaissent.

Le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, évoque souvent le rôle que sera amené à jouer Air France-KLM dans la consolidation du secteur. A quel horizon ces opérations de consolidation pourraient intervenir ?

Pour l'heure, nous sommes complètement concentrés sur la préservation de notre trésorerie et sur le déploiement de notre plan de transformation. Pour autant, il faut se tenir prêts car nous sommes persuadés qu'à un moment donné, des opérations de consolidation verront le jour

Donc en 2022 ?

Oui, possiblement.

La loi climat va interdire toutes les liaisons intérieures dès lors qu'il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30, hors vols vers les hubs pour assurer les correspondances. A ce titre vous avez d'ores et déjà supprimé les lignes entre Orly et Lyon, Bordeaux et Nantes. Si quelques vols étaient possibles à Orly pour assurer les correspondances des passagers vers la Réunion ou les Antilles, seriez-vous intéressée pour remettre des vols sur ces lignes domestiques que vous avez arrêtées?

Nous avons ouvert un certain nombre de lignes au départ de Roissy vers plusieurs destinations du réseau Caraïbes Océan Indien. Les besoins de correspondances depuis les villes non reliées à Orly sont donc couverts à Roissy. Pour nos passagers en région souhaitant se rendre à Orly, nous travaillons avec la SNCF pour développer l'intermodalité et la facilitation de l'accès à la gare de Massy, proche d'Orly.

Quelle est votre réaction à l'augmentation de 2,5% des redevances aéroportuaires d'ADP en 2021?

C'est évidemment une mauvaise nouvelle pour nous. Toutes les compagnies avaient rappelé qu'une hausse des redevances en période de crise n'était pas forcément la meilleure façon d'aider l'industrie.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 32
à écrit le 26/01/2021 à 17:33
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Cela, c'est ce que l'on dit lorsque l'on est qu'un exécutant, même de haut niveau hiérarchique, et que l'on n'a pas la capacité, l'expérience, pour avancer, rebondir, imaginer, faire face avec l'envie chevillée de toujours s'en sortir. Cela c'est l'a...

à écrit le 24/01/2021 à 10:08
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le resultat des politiques de placer les amis qui eux a part la remuneration n'en ont rein a foutre de l'entreprise et tout cela pour ne pas appliquer la méritocratie le privilege des castes forme de racisme primaire

à écrit le 23/01/2021 à 20:39
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J'appréciais il y a fort longtemps de voyager avec AF, et j'avais l'habitude de toujours privilégier cette compagnie. Je me rends désormais jusqu'à 5 fois par an en Tunisie, mais ce n'est jamais avec AF: Les tarifs d'AF sont presque le double de ceu...

à écrit le 23/01/2021 à 20:38
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J'appréciais il y a fort longtemps de voyager avec AF, et j'avais l'habitude de toujours privilégier cette compagnie. Je me rends désormais jusqu'à 5 fois par an en Tunisie, mais ce n'est jamais avec AF: Les tarifs d'AF sont presque le double de ceu...

à écrit le 23/01/2021 à 7:19
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Réponse à certains commentaires :voyager en billet salarié R2 (sans réservation) avant le covid était suicidaire car les avions étaient toujours plein. Prendre un billet R1 (avec réservation) est du même prix que les billets les moins chers offerts à...

à écrit le 22/01/2021 à 18:40
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Le probleme d'AF , c'est son management incompétent et ses syndicats inutiles et nuisibles qui ont cassé leur jouet et normalement si y a moins de personnel , y aura moins de directeurs -trices géneraux et adjoints d'adjoints et moins de syndi...

à écrit le 22/01/2021 à 14:37
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@P.masson Votre commentaire est inepte. Voyager en billet salarié R2 (sans réservation) avant le covid était suicidaire car les avions étaient toujours plein. Prendre un billet R1 (avec réservation) est du même prix que les billets les moins chers o...

à écrit le 22/01/2021 à 2:52
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Le contribuable injecte entre 7 et 10 milliards dans cette compagnie qui ne gagne pas d'argent, pendant que médecins et infirmières doivent sauver des vies avec des bouts de ficèles... Et personne ne semble choqué par la chose. Le Covid était l'uniqu...

le 25/01/2021 à 15:13
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Eh non Manu , si l’état vient au secours d’Air France c’est qu’il y a une bonne raison ! AF gagne trop peu d’argent en assurant des liaisons aériennes autour du globe . MAIS L’ÉTAT , LUI (donc nous en quelque sorte...) , Y GAGNE BEAUCOUP . Et sans s...

à écrit le 21/01/2021 à 20:36
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Où sont passés les grévistes et les syndicats à Air France ? Plus de revendication ? C’est le pied ! payés a rien faire et profiter encore plus des avantages pour voyager en famille ! Aux tarifs que l’on connaît C’est à dire quasiment gratui...

le 22/01/2021 à 14:31
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Votre commentaire est inepte. Voyager en billet salarié R2(sans réservation) avant le covid était suicidaire car les avions étaient toujours plein. Prendre un billet R1 (avec réservation) est du même prix que les billets les moins chers offerts à n'i...

à écrit le 21/01/2021 à 20:05
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Bien sûr que non Air France n'est pas immortelle. Tout comme ne l'étaient pas Pan Am, TWA, Swissair, Olympic, Malev, Northwest et tant d'autres. Le too big too fail ça marche pas avec l'aérien.

le 21/01/2021 à 22:01
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Maaaa che tu dice? E Alitalia pas immortel -)

à écrit le 21/01/2021 à 13:35
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Dès le retour à un trafic normal, faisons confiance à AIR GREVES, pilotes et hotesses NANTIS en salaires et temps de travail, stimulés pour Grèves par l'immortalité d'Air Grèves : RECAPITALISATIONS SYSTEMATIQUES PAR L ETAT.

le 21/01/2021 à 15:36
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Et la gratuité des vols pour eux ET parentés EN 1ERE CLASSE, hotels haut-de gamme en escale ( le Bakoua en Martinique )

le 21/01/2021 à 18:30
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Merci Anne Sophie pour ce commentaire éclairé qui nous rassure sur votre santé mentale....

le 21/01/2021 à 21:00
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@Damien Vous citez le Bakoua de FDF comme hôtel de luxe ! Vous n’êtes pas difficile... Je pourrais vous en citer de bien plus beaux où nous descendons quotidiennement.... Mais je ne veux pas exciter votre jalousie.....

le 22/01/2021 à 14:40
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@Damien Le Bakoua est un hôtel déglingue en Martinqiue... quant à votre commentaire il est inepte. Voyager en billet salarié R2 (sans réservation) avant le covid était suicidaire car les avions étaient toujours plein. Prendre un billet R1 (avec ré...

à écrit le 21/01/2021 à 13:34
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Dès le retour à un trafic normal, faisons confiance à AIR GREVES, pilotes et hotesses NANTIS en salaires et temps de travail, stimulés pour Grèves par l'immortalité d'Air Grèves : RECAPITALISATIONS SYSTEMATIQUES

le 21/01/2021 à 21:01
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Tiens, Trump est traduit en Français....

à écrit le 21/01/2021 à 13:14
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Le secteur de l'aérien est probablement l'un des plus touchés par la pandémie de Covid-19. Les compagnies aériennes tentent par tous les moyens de garder la tête hors de l'eau. Et malgré le prêt garanti par l'État, Air France va se tourner vers la dé...

à écrit le 21/01/2021 à 11:52
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manque de savoir des responsables pour prévoir et surtout pour agir !. le cachet du mépris et de la médiocrité les attend ?

à écrit le 21/01/2021 à 11:46
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Vous avez oublier de parler de la délocalisation des tâches administratives en Indes. Le citoyen paye cher pour tenir à flots cette entreprise et au lieu de rapatrier des emplois de Hongrie, elle s'amuse à aller en Inde. C'est crapuleux...

à écrit le 21/01/2021 à 11:28
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Le dépôt de bilan aurait pu avoir lieu depuis longtemps. Reconstruire une compagnie n'est pas chose facile sur des bases saines en alliance serait pourtant un choc salutaire.

à écrit le 21/01/2021 à 11:19
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personne ne la retient quelle aille voir ailleurs

à écrit le 21/01/2021 à 11:10
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Toujours la même politique de l'autruche sur la question du sureffectif pléthorique de la compagnie ... Il serait temps de mettre fin aux mesures cosmétiques type PDV ou de surpayer des PN à faire une ou deux rotations LC par mois, voir aucune

à écrit le 21/01/2021 à 10:35
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Toujours la même politique de l'autruche sur la question du sureffectif pléthorique de la compagnie ... Il serait temps de mettre fin aux mesures cosmétiques type PDF ou de surpayer des PN à faire une ou deux rotations LC par mois, voir aucune

à écrit le 21/01/2021 à 8:28
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vu le contexte si le contribuable arrete de payer les rentiers, ca va effectivement aller au tas

à écrit le 21/01/2021 à 8:23
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Merci ça fait plaisir d'entendre des responsables un tant soit peu réalistes parce que toutes ces promesses que les avions revoleront comme avant sont particulièrement inquiétantes, non pas sur ces énième bobards, on est habitué, mais sur le fait que...

à écrit le 21/01/2021 à 7:47
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Le programme de vol domestique a été réduit en termes de quantités de vols aussi bien qu'au niveau des avions choisis pour effectuer ces vols. Auparavant lorsqu'un A321 (212 places) était rempli au vol du lundi matin pour un Paris Marseille, aujou...

le 21/01/2021 à 11:49
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La rentabilité doit être bien supérieure avec un petit avion plein à craquer et des billets chers. C'est tout bête.

le 21/01/2021 à 20:56
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Eh oui! Bienvenue dans le monde capitaliste libéral ! Le but d’une compagnie aérienne, comme n’importe quelle entreprise, est de faire payer à ses clients le prix le plus élevé pour maximiser son profit. Sinon, essayez Air Koryo ( transporteur nati...

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