
Dans le plan de reconstruction du groupe Air France que prépare la direction, la filiale low-cost Transavia France aura un rôle majeur. Alors qu'Air France et HOP vont voir leur activité diminuer sur le réseau court et moyen-courrier, Transavia est appelée à se développer fortement. Selon nos informations, lors d'une visioconférence qui s'est tenue le 15 mai dernier avec les salariés de Transavia, Ben Smith et Anne Rigail, respectivement directeur général d'Air France-KLM et directrice générale d'Air France, ont détaillé les grandes lignes de la stratégie qu'ils comptaient mettre en oeuvre pour redresser le réseau intérieur français, structurellement déficitaire depuis des années. Aujourd'hui interdit par des accords de périmètre entre Air France et sa filiale, le développement de Transavia sur cette partie du réseau est au cœur de leur projet.
"L'an dernier, Air France et HOP ont perdu 200 millions d'euros sur le réseau domestique et nous voulons renverser cela. La nécessité d'être rentable et les deux conditions environnementales fixées par le gouvernement [en contrepartie du prêt de 7 milliards d'euros accordé pour passer la crise, Ndlr], celle d'arrêter les lignes aériennes sur lesquelles il existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30, et celle de réduire de 50% notre volume de CO2 d'ici à 2024, nous obligent à regarder tous les outils dont nous disposons. Et Transavia est quelque chose de très puissant", a expliqué Ben Smith.
D'où l'ouverture de négociations avec le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) d'Air France-Transavia pour définir les conditions permettant de déployer Transavia sur les vols intérieurs au départ d'Orly, mais aussi entre différentes villes régionales sur lesquelles les pertes sont les plus lourdes.
Hors de question de laisser des créneaux à la concurrence à Orly
Dans la répartition des rôles qui se dessine entre Air France, HOP et Transavia, Anne Rigail "pense qu'Air France peut garder La Navette" reliant Orly à "Nice, Marseille et Toulouse" et que "HOP peut évidemment garder son activité d'alimentation des hubs de Roissy-Charles de Gaulle et de Lyon". "Sur le reste", c'est-à-dire les autres vols au départ d'Orly assurés par Air France ou HOP et sur les lignes transversales, c'est beaucoup plus flou. Et Transavia est une option.
"Transavia est déjà un outil qui a protégé le groupe à Orly en développant de l'activité et en permettant d'occuper des créneaux horaires de décollage et d'atterrissage. Il faut voir si cette négociation avec les pilotes nous permettra d'aller encore plus loin pour aider à transformer ce réseau domestique", a-t-elle indiqué.
Et d'ajouter :
"Les conditions environnementales nous amènent à abandonner les lignes Orly-Lyon, Orly-Bordeaux, Orly-Nantes, cela fait beaucoup de créneaux horaires de décollage et d'atterrissage qu'il est hors de question de rendre à la concurrence. Il nous faut donc trouver les moyens de tenir Orly".
À noter que sur les cinq lignes actuelles de La Navette (Nice, Marseille, Toulouse Bordeaux, Montpellier), Bordeaux et Montpellier n'ont pas été citées par Anne Rigail. Si Orly-Bordeaux est condamnée par la décision gouvernementale d'arrêter les lignes sur lesquelles une alternative ferroviaire existe en moins de 2h30, Montpellier n'est en revanche pas concernée par cette mesure. De quoi renforcer les arguments de certains observateurs qui estiment qu'il y aurait du sens à faire opérer la ligne Orly-Montpellier par Transavia depuis que la filiale low-cost d'Air France a créé une base opérationnelle sur l'aéroport héraultais.
Rentabiliser Orly, la priorité
L'arrivée de Transavia sur le réseau domestique n'est pas prévue pour l'été 2020.
La direction entend présenter en juin sa nouvelle GPEC (la Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences), qui définira les besoins en ressources humaines pour les années à venir, et son plan de reconstruction. Celui-ci se basera sur des hypothèses de baisse de capacités de 20% mi-2021 et de 10% en 2022.
Rentabiliser les opérations du groupe à Orly est "la priorité" de Ben Smith sur le réseau domestique. Le Canadien ne comprend pas en effet comment le groupe perd de l'argent avec plus de 50% de part de marché sur cet aéroport. Pour autant, ce dernier n'entend pas laisser la porte ouverte aux concurrents low-cost sur les aéroports régionaux.
"Impact social énorme"
Pour Ben Smith, la restructuration du réseau domestique va avoir un "impact social énorme", mais aussi "un impact économique pour beaucoup de petites villes qui auront un niveau de services différent ou des services qui seront arrêtés".
Plus d'opportunités de trouver des B737-800 NG
Concernant la flotte, le directeur général d'Air France-KLM n'a pas souhaité indiquer un nombre d'avions à atteindre pour Transavia. "Le plus possible de manière rentable", a-t-il seulement dit. Avec la crise du Covid-19, il pense que les opportunités de trouver des B737-800 NG seront plus grandes qu'avant la crise. En effet, les déboires du Boeing 737 MAX avaient fait grimper les prix des loyers des 737 classiques.
Aujourd'hui Transavia France exploite 40 avions et Transavia Holland, 45. Dans le document de référence, le groupe mentionne néanmoins un scénario à moyen terme à 115 appareils pour les deux compagnies.
Toujours sur les questions de flotte, Ben Smith a expliqué qu'au cours des six ou huit prochaines années, les A220 pourraient remplacer la totalité de la flotte moyen-courrier d'Air France (114 avions aujourd'hui). En disant cela, il ferme la porte à l'A320 NEO. La compagnie a commandé 60 A220 et 50 en option.
Sur le long-courrier, si l'A340 ne revolera plus, l'A380 risque de connaître le même sort. Une décision pour anticiper la sortie de ces appareils avant 2022 sera prise très prochainement. Ben Smith a par ailleurs indiqué qu'une flotte d'une dizaine de B787 (le dixième exemplaire arrivera en fin d'année) serait maintenue pour permettre à la compagnie d'avoir le choix entre une solution Boeing et Airbus le jour où il faudra remplacer les A330. Quant aux 38 A350 commandés, tous pourraient avoir intégré la flotte d'ici à 5 ou 6 ans. Composée de 70 appareils, la flotte de B777 est conservée mais son nombre sera réduit au fil du temps. La question de la vitesse du retrait de ces appareils n'est pas tranchée.
Transavia prépare la reprise des vols d'Orly fin juin
Signataire avec d'autres compagnies aériennes du courrier envoyé au gouvernement pour une réouverture d'Orly le 26 juin, Nathalie Stubler, PDG de Transavia France veut "prouver à ADP" que la compagnie est confiante sur une reprise des vols cet été. Le gestionnaire des aéroports parisiens préférait une réouverture d'Orly cet automne. Nathalie Stubler a en effet mentionné les pays qui envoient des signaux positifs sur la question de l'ouverture des frontières, en citant le Portugal et la Grèce.
Assurant seulement 3% de son programme de vols, Air France va monter en puissance très progressivement. D'ici fin juin, "et sous réserve de la levée des restrictions de voyage", Air France prévoit de remettre en service 75 appareils, soit environ 15% de ses capacités, vers la France métropolitaine, les Outre-mer et l'Europe. Air France compte 224 appareils. D'une manière générale, Ben Smith prévoit une ouverture des frontières européennes avec les pays tiers fin août et celles des grands marchés intercontinentaux comme l'Amérique du Nord, le Brésil ou le Japon "début septembre ou après".
Sujets les + commentés