TGV Le Havre-Marseille ou la chronique d’une mort annoncée

La décision de la SNCF de modifier les horaires du TGV Le Havre-Marseille via Rouen suscite la réprobation unanime de tout le personnel politique normand. Les élus voient dans ce changement le premier clou dans le cercueil de la dernière ligne à grande vitesse desservant leur région.
Ce TGV dit intersecteur (ou province-province) relie rien moins que les deux principaux ports français.
Ce TGV dit "intersecteur" (ou province-province) relie rien moins que les deux principaux ports français. (Crédits : DR)

Les Normands seront-ils bientôt obligés de changer de train à Paris Intra-muros pour rejoindre le sud de la France? C'est en tout cas ce que craignent les usagers après que la SNCF a décidé de modifier unilatéralement les horaires du TGV Le Havre-Rouen-Marseille. Lesquels horaires étaient restés inchangés depuis le lancement en 1986(*) de cette liaison à grande vitesse qui était l'une des premières à relier deux villes de province.

À compter du 11 décembre prochain, le train, qui décollait tôt le matin pour arriver à Marseille en début d'après-midi, partira un peu avant 16 heures avec une arrivée prévue dans la cité phocéenne après 22 heures. Dans l'autre sens, il quittera les bords de la Méditerranée aux aurores pour arriver au Havre après le déjeuner. La SNCF indique avoir pour objectif d'attirer « davantage de voyageurs » en provenance du sud et justifie ce changement « pour des raisons opérationnelles ». En coulisses, ses dirigeants expliquent qu'il est préférable que le TGV « dorme » à Marseille où existent des ateliers de maintenance.

« Le coup fatal avant fermeture »

L'argument laisse de marbre la section CGT des cheminots de Normandie qui avait tiré le signal d'alarme dès septembre. Pour Mathieu Vilela, son secrétaire général adjoint, l'état-major de la compagnie prépare le terrain en vue d'un abandon de la ligne.

« Comme la plupart des voyageurs viennent du nord, c'est le coup fatal avant la fermeture, peste-t-il. Il ne fait aucun doute que la ligne sera supprimée l'année prochaine ou réduite à la portion congrue parce que le taux de remplissage ne sera pas au rendez-vous. »

Une inquiétude relayée par bon nombre d'usagers réguliers. « Il n'y a aucune volonté de la SNCF de maintenir ce train qui n'est même plus éligible à la prise d'un abonnement » s'agace une voyageuse qui monte quotidiennement à bord.

Une fois n'est pas coutume, l'analyse de la CGT est partagée par l'ensemble de la classe politique locale. Le 12 octobre, avec une unanimité rare, tous les parlementaires normands de droite et de gauche ont écrit au PDG de la SNCF pour s'insurger contre cette nouvelle grille  horaire « inadaptée », suspectée de « préfigurer l'arrêt de la ligne ».

Les maires de Rouen et du Havre sont montés au créneau, quelques jours plus tard, expliquant à leur tour redouter sa suppression. Pour sa défense, Nicolas Mayer Rossignol et Édouard Philippe invoquent des enjeux économiques.

« Il nous semble plus que jamais nécessaire d'assurer une excellente desserte ferroviaire de nos grands ports français d'une façade maritime à l'autre », écrivent-ils dans un courrier envoyé au même Jean-Pierre Farandou.

Double peine

Les Normands vivent d'autant plus mal l'oukase de la SNCF que la ligne Le Havre-Marseille est le dernier TGV qui dessert la région depuis la fermeture, en 2010, des liaisons Cherbourg-Dijon et Le Havre-Strasbourg lancées... un an plus tôt. S'ajoutent à cela, les difficultés récurrentes que connaissent les liaisons TER qui relient les grandes villes normandes à la capitale, et cela, depuis des années.

La Région a eu beau dépenser des centaines de millions d'euros pour acheter des trains neufs, ceux-ci buttent toujours sur le goulet d'étranglement de la gare Saint-Lazare où ils peinent à se ménager une place parmi les centaines de Transiliens quotidiens.

Inscrit dans la loi, le projet de Ligne Nouvelle Paris Normandie (LNPN) est bien censé remédier à la situation, mais cette ligne ne devrait être mise en service... qu'après 2030. C'est dire combien le sujet est sensible.

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NOTE

(*) La ligne TGV Rouen-Lyon inaugurée en 1986 a été étendue entre Le Havre et Marseille en 2001.

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Commentaires 2
à écrit le 25/09/2023 à 12:12
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Cette ligne est probablement car il n'y a probablement pas des centaines de voyageurs faisant le trajet dans un sens ou l'autre. La SNCF doit faire des économies car il y en a marre de la sponsoriser avec l'argent public. Le mieux est de prendre un...

à écrit le 25/10/2022 à 10:16
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Centralisme quand tu nous tiens.

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