Agroalimentaire : dans un contexte instable, Bonduelle mise sur le flexitarisme

Le groupe spécialisé dans la transformation des légumes veut développer son offre de repas complets végétaux, en Europe comme aux Etats-Unis. Il continue d'investir sur « les innovations pour verdir les assiettes » malgré le contexte inflationniste.
Giulietta Gamberini
Pour Bonduelle, l'opportunité du flexitarisme représente désormais une nouvelle façon d'analyser le marché, au-delà de l'idée de l'accompagnement à la viande, explique le groupe.
Pour Bonduelle, l'opportunité du flexitarisme représente désormais "une nouvelle façon d'analyser le marché, au-delà de l'idée de l'accompagnement à la viande", explique le groupe. (Crédits : © Eric Gaillard / Reuters)

Face à un contexte difficile et instable, en raison de la poursuite de la crise sanitaire, de l'inflation, du changement climatique et de la guerre en Ukraine, Bonduelle a présenté lundi des résultats annuels sur l'exercice 2021-2022 inférieurs aux prévisions, avec une croissance du chiffre d'affaires de 1,8% et une baisse de la rentabilité de 4% en données comparables. L'entreprise aborde l'avenir « avec prudence tout en continuant sa transformation ».

Le groupe français spécialisé dans la transformation des légumes, pour qui les végétaux représentent déjà la grande majorité des ingrédients des produits, espère notamment surfer sur la vague du flexitarisme, mouvement sociétal consistant à réduire la consommation de viande, afin de conquérir de nouveaux marchés tout en améliorant la valorisation de ses produits.

« Inspirer la transition vers l'alimentation végétale, pour contribuer au bien-être de l'Homme et à la préservation de la planète » est d'ailleurs désormais la raison d'être affichée par le groupe.

Des régimes pluriels

Une stratégie qui devrait permettre de séduire plusieurs pans de la population, et qui devrait et pouvoir être adaptée aux divers pays couverts par le groupe, puisque « les régimes flexitariens sont pluriels et varient selon les moments de la vie et les cultures gastronomiques », analyse Céline Barral, directrice du développement durable et de la communication d'entreprise. Selon elle, il s'agit « d'une nouvelle façon d'analyser le marché, au-delà de l'idée de l'accompagnement à la viande ». Elle sera portée par « les innovations pour verdir les assiettes », qui devront représenter 15% du chiffre d'affaires du groupe en 2030, contre 12,6% aujourd'hui.

Bonduelle parie que cette stratégie sera aussi favorisée par l'ouverture du capital de son unité Bonduelle Americas Long Life réalisée le 30 juin 2022. Laquelle, en plus d'avoir généré une baisse de l'endettement et un renforcement du profil financier du groupe, impliquera un renforcement dans son portefeuille global des activités européennes, des marques et des produits frais.

Aux Etats-Unis, des « salad bowls » en crise

D'ici à 2030, le groupe espère que 20% de son chiffre d'affaires sera réalisé par ses repas végétaux complets, contre 14,7% aujourd'hui. Une offre censée aider les clients potentiels à dépasser deux des principaux obstacles à l'adoption du flexitarisme : l'incapacité à cuisiner des légumes et la réticence face à des ingrédients encore souvent perçus comme « pas très festifs », tout en conciliant équilibre nutritionnel et satiété, explique Céline Barral.

Aujourd'hui, cette offre de repas complets est déjà bien développée aux Etats-Unis, où les « salad bowls » de la marque Bistro -intégrée en 2017- représentent la moitié de l'activité de la multinationale. En 2021-2022, ils y ont d'ailleurs subi de plein fouet les effets négatifs de l'inflation, « les activités de frais prêt à l'emploi » étant « en retrait significatif sur l'ensemble de l'exercice », en raison d'un prix déjà relativement élevé au départ et du besoin de couvrir la hausse des coûts de production. Ces activités sont d'ailleurs les principales responsables du recul de 2,4% en données comparables du chiffre d'affaires de la zone hors Europe, voire des moindres performances globales du groupe.

Malgré une « révision des perspectives de rentabilité de l'activité », Bonduelle reste néanmoins convaincu du potentiel du marché des Etats-Unis, alors que l'offre de repas complets végétaux reste pauvre.

« Nous réfléchissons à comment redynamiser cette catégorie dont nous restons leader », affirme donc Céline Barral.

Afin de se différencier et de créer davantage de valeur, le groupe compte lancer de nouvelles références, notamment sans viande, ainsi que proposer des emballages recyclables voire composés de matière recyclée. Il mise aussi sur l'optimisation industrielle, l'évolution de l'approvisionnement matières premières pour réduire le coût des transports et la « conquête commerciale auprès de clients régionaux et nationaux ». Il envisage également le lancement outre-Atlantique, en complément de Bistro, la marque de Bonduelle, dont la réputation de qualité semble susceptible de séduire la classe supérieure américaine, d'autant plus si elle est certifiée BCorp.

En Europe, des innovations aussi dans les ingrédients bruts

En Europe, en revanche, l'offre de repas complet ne représente encore qu'une « activité marginale ». Le groupe compte y lancer des « lunch bowls » consommables chauds ou froids sous la marque Bonduelle. Il mise aussi sur sa marque Cassegrain pour proposer des repas complets végétariens voire vegan en version surgelée.

 « Nous continuons aussi d'innover sur d'autres produits qui peuvent participer à l'évolution vers le flexitarisme », ajoute Céline Barral, en citant notamment en exemple le développement de produits végétariens destinés au moment de l'apéritif voire aux enfants.

L'innovation concerne d'ailleurs aussi les ingrédients bruts: c'est le cas d'une nouvelle gamme de légumineuses fraîches proposée en Allemagne, mais ayant vocation à s'étendre sur tout le continent. Elle présente deux vertus susceptibles de séduire les consommateurs, selon Bonduelle. Par rapport aux légumineuses traditionnelles, normalement provenant de pays hors UE, où elles sont d'abord déshydratées puis réhydratées, les légumineuses fraîches « offrent une expérience gustative différente » et sont produites en Europe, dans le Nord de la France.

 Afin de profiter pleinement des opportunités du flexitarisme, y compris hors du foyer, Bonduelle a en outre déjà formé à la cuisine végétale 780 chefs en France depuis 2019. Une démarche susceptible d'être étendue à d'autres pays européens et à la restauration collective.

Le défi de l'inflation

Cette stratégie sera accompagnée d'un renforcement de garanties nutritionnelles. Ainsi, le groupe souligne que 92% de ses produits à marque, affichent un Nutriscore A ou B, et s'engage à ce qu'en 2025 la totalité de ses produits ne contiennent plus « d'additifs controversés ».

Bonduelle est aussi en train de faire certifier « B Corp » deux de ses unités, et promet de ne plus utiliser de plastique vierge fossile dans ses emballages en 2030. Le groupe utilise déjà le logo « vegan » dans certains pays européens, et n'exclut pas de faire pareil en France. Il ne compte en revanche pas investir le marché des simili-viandes vegan, en choisissant de se concentrer sur « son ADN: des légumes reconnaissables et peu transformés ».

Le projet tiendra-t-il toutefois face au défi de l'inflation, qui pousse les ménages à des arbitrages souvent en défaveur des produits à plus forte valeur ajoutée? Bonduelle maintient que, malgré la probabilité que la situation géopolitique reste instable et l'inflation élevée, l'investissement marketing restera pour le groupe « un axe majeur de développement ». La multinationale, qui jusqu'à présent a globalement réussi à compenser les augmentations de ses coûts par une revalorisation de ses tarifs, assume en conséquence de nouvelles hausse de ses prix:

« L'amplitude de l'inflation est telle qu'on ne peut pas se permettre de faire autrement. Et nous continuerons de rouvrir les négociations commerciales avec la grande distribution, sur les marques nationales mais aussi sur les marques distributeurs, où normalement elles sont bloquées pour un an », déclare son directeur général, Guillaume Debrosse.« Globalement, manger végétal est moins cher que consommer des protéines animales », vante-t-il.

Leader sur ses catégories, ce qui lui permet d'être aussi présent chez les discounters, Bonduelle compte aussi réduire ses formats, explique l'entreprise. Face aux doutes néanmoins sur les conséquences de l'inflation sur le comportement des consommateurs, il affirme rester « attentif et réactif par rapport à d'éventuels basculements globaux ». Dans ce contexte toujours incertain, pour 2022-2023, Bonduelle prévoit une croissance du chiffre d'affaires de 8-11%, et une marge opérationnelle courante stable à 2,5%.

Giulietta Gamberini

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