Alimentation : l'inarrêtable dégringolade des yaourts

Confrontée à une "décroissance structurelle du marché", la production de yaourts en France ne cesse de baisser depuis une décennie. Et les industriels se retrouvent désormais confrontés aussi à des défis plus structurels, tels celui du recyclage des emballages.
Giulietta Gamberini
Depuis 2012, la production des yaourts notamment, qui représentent 43,5% du marché des produits laitiers en valeur et plus de la moitié en volumes, ne cesse de s'éroder.

En 2021, par rapport à 2019, cela ne s'est pas trop mal passé. En grandes et moyennes surfaces, les ventes de produits laitiers frais, incluant yaourts, fromages blancs, desserts lactés et crèmes fraîches, ont même légèrement augmenté: de 0,5% en volumes, et de 3,1% en valeur, calcule Syndifrais, l'organisation représentant les producteurs de 70% de ce marché. L'année 2020, avec ses multiples confinements, et donc le retour à une consommation plus domestique, est venue suspendre une "décroissance structurelle" ininterrompue pendant presque une décennie.

Depuis 2012, la production des yaourts notamment, qui représentent 43,5% du marché des produits laitiers en valeur et plus de la moitié en volumes, ne fait en effet que s'éroder, déplore Syndifrais, qui constate encore une baisse de 1,4% entre 2020 et 2021. Et la tendance se poursuit inexorablement en 2022: pendant les vingt premières semaines de l'année, les ventes de yaourts standards ont diminué de 3,9% en grandes et moyennes surfaces. Seuls les yaourts hyper-protéinés, des produits récents mais de plus en plus proposés par diverses marques, semblent avoir la côte, avec une croissance qui sur la même période a atteint 90,3%.

Pour le reste, "tout est en net recul, et ce n'est pas terminé", prévoit sombrement le président de Syndifrais, Patrick Falconnier, pour qui même l'avenir des yaourts hyper-protéinés est, en réalité, incertain.

Déstructuration des repas, retournement du marché du bio....

Cette dégringolade est due, selon l'association professionnelle, à un facteur structurel: la déstructuration des repas, auxquels les produits laitiers frais étaient traditionnellement intégrés. Un phénomène particulièrement marqué chez les plus jeunes, qui consomment ainsi moins de yaourts que leurs aînés. À cela, pendant les premiers mois de 2022, est venu s'ajouter l'effet des premières hausses de prix dues au contexte inflationniste et à l'issue des négociations commerciales clôturées fin février, analyse Syndifrais.

Et en 2021-2022, un autre phénomène a joué: le "retournement complet" du marché du bio qui, avec la croissance à deux chiffres qu'il a affiché pendant plusieurs années, a été longtemps une "locomotive" du marché des yaourts . Après un ralentissement de la croissance visible déjà avant le premier confinement, les ventes de yaourts bio ont chuté de 8,9% en valeur, et de 10,6% en volumes entre 2019 et 2021. Comme pour le reste du marché du bio, la faute à l'émergence d'une pluralité d'alternatives (locales, végétales etc.) considérées comme aussi vertueuses par les consommateurs, et parfois moins chères.

Des hausses des prix "vitales"

Les industriels, très dépendants du marché national parce que les produits frais ne voyagent pas bien, sont ainsi confrontés aux plus grandes incertitudes, aggravées par les aléas concernant l'évolution de la crise sanitaire et celle de la guerre en Ukraine, qui accroissent l'ensemble des coûts de production (lait, fruits, emballages), s'inquiète Syndifrais.

"Nous sommes confrontés à une hausse des coûts jamais vécue en 30 ans, désormais impossible à absorber par les industriels", affirme Patrick Falconnier.

"Depuis janvier, nos entreprises, qui absorbent ces hausses depuis septembre, sont dans le rouge. Les hausses de nos tarifs de 14-16%, que nous demandons aux distributeurs [dans le cadre des renégociations en cours depuis début mars, Ndlr] sont vitales", plaide-t-il.

L'effet sur les prix en rayons, et l'impact d'une augmentation de ces derniers sur la consommation, restent toutefois la grande inconnue, reconnaît Syndifrais.

"Une redistribution des cartes semble inévitable, mais on n'en connaît pas encore la teneur", analyse le vice-président de l'organisation, Jérômes Servières, pour qui on en tirera toutefois les conséquences "après".

Les défis du gaspillage et du recyclage

Les producteurs sont également confrontés à un enjeu de plus long terme: l'adaptation à des évolutions "fortes et structurantes" dans les préoccupations des consommateurs et du législateur, qui pourraient aussi avoir des effets sur le marché et que Syndifrais veut donc prendre à bras-le-corps. L'ambition d'une réduction du gaspillage, notamment de la part des industriels, doit surtout être adressée via une meilleure coordination avec la grande distribution et par une optimisation des flux logistiques, estime l'association, qui participe aux réflexions impulsés par l'application Too Good To Go sur le sujet.

Un autre défi, bien plus colossal, celui de la fin de vie des emballages en polystyrène, fait l'objet d'études menés depuis 2021 avec l'éco-organisme Citéo, visant à déterminer la possibilité technique et technologique de l'émergence d'une filière de recyclage, aujourd'hui inexistante. Syndifrais mise sur l'émergence de nouveaux projets de recyclage mécanique voire chimique, attirés par un appel d'offres de Citeo et par un contexte réglementaire de plus en plus strict.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 22/06/2022 à 11:38
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J'achète depuis pas mal d'années des yaourts (nature) au lait de Savoie fabriqués dans ma ville (mais ne sais pas si les boutiques sont livrées en direct). Les pots étaient en PS (je les ai empilés dans un carton pour le jour où y aura une filière, e...

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