La Première ministre, Elisabeth Borne, l'a confirmé mardi 7 juin: pour faire face aux hausses généralisées des prix, une aide sera versée à la rentrée aux personnes les plus modestes, directement sur leurs comptes bancaires. Mais ce versement en une fois, déjà évoqué par le président de la République lors d'un grand entretien avec la presse régionale, sa première interview depuis le début de son second mandat, ne peut que représenter une première réponse urgente à l'inflation galopante, plaide la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), au côté de La Coopération agricole, association de défense des coopératives agricoles françaises. La mise en place de chèques alimentaires destinés aux plus démunis, proposée par la Convention citoyenne pour le climat (CCC) en 2020, puis inscrite dans la loi Climat et résilience de 2021 et enfin soutenue par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle, ne peut en effet pas se limiter à cela, revendiquent les deux organisations, qui en prônent la création depuis plusieurs années.
«Nous continuons à défendre (...) une mesure structurelle», a déclaré le 7 juin la présidente de la Fnsea, Christiane Lambert, lors d'une conférence de presse. «Nous sommes persuadés que c'est une mesure de long terme qui sera salutaire à la fois pour les précaires et pour la chaîne alimentaire», a-t-elle martelé.
L'espoir de casser la spirale des prix bas
Pour les producteurs agricoles, la nécessité de distribuer des chèques alimentaires préexiste en effet au contexte inflationniste actuel, et découle au contraire de la guerre des prix entre les grandes surfaces qui, jusqu'à il y a quelques mois, a plutôt conduit à plusieurs années consécutives de déflation des prix dans les rayons. Au nom de la défense du pouvoir d'achat, les distributeurs mettent la pression à leurs fournisseurs pour qu'ils baissent leurs tarifs. Ce qui a conduit à une «destruction chronique» de la valeur de l'alimentation en France, et donc de la rémunération des producteurs, dénoncent la Fnsea et La Coopération agricole.
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«Jamais les prix alimentaires n'ont été aussi peu chers», note Christiane Lambert.
Dans le budget des ménages, l'alimentation ne pèse désormais que de 15%. C'est moins que les budgets consacrés au logement et aux moyens de transport et de communication. Pourtant, avec 10 millions de personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté, et 5,5 millions de gens ayant recours à l'aide alimentaire, «jamais il n'y a eu autant de précaires alimentaires», ajoute-t-elle, afin de souligner l'inefficacité d'une telle approche.
Les chèques alimentaires permettraient donc de sortir d'une telle spirale en conciliant revalorisation et accessibilité de l'alimentation, espère la Fnsea. Une nécessité que le contexte inflationniste, pesant sur les ménages mais aussi sur les coûts des producteurs, rend encore «plus flagrante».
Des produits français voire locaux
Le dispositif «pérenne» imaginé par la Fnsea est aussi bien plus ambitieux que celui qui, à court terme, pourrait avoir l'aval de l'exécutif. Comme le versement unique évoqué par Emmanuel Macron, qui pourrait s'élever à 100 voire 150 euros, il serait destiné aux bénéficiaires du RSA, des minimas sociaux et aux étudiants boursiers. Mais pour la Fnsea, il devrait être mensuel, et d'un montant équivalent à au moins 3 euros par jour.
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Les producteurs agricoles tiennent aussi à ce qu'il soit réservé aux produits français voire locaux. Malgré des difficultés juridiques de compatibilité avec le marché unique européen, ils espèrent trouver le moyen de contourner. Les produits éligibles pourraient être «bruts ou transformés, d'origine animale ou végétale, pour garantir le libre choix». La Fnsea préfère toutefois l'abandon des critères de durabilité prônés par la CCC - qui imaginait des «chèques alimentaires pour les plus démunis à utiliser dans les AMAP ou pour des produits bios» -, car «la préoccupation des bénéficiaires est surtout de manger». Le syndicat n'adhère pas non plus à l'idée soutenue par les députés Modem dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche le 4 juin, de réserver les chèques à des produits «sains et non cancérigènes».
La Fnsea favorable à l'utilisation du chèque en grandes surfaces
Quant aux lieux où ces chèques seraient utilisables, la Fnsea est favorable à «une grande liberté de choix» des canaux de distribution, incluant les grandes surfaces, où les Français font la majorité de leurs achats, «pour ne pas stigmatiser les bénéficiaires». Le dispositif viendrait donc «en complémentarité de l'action des associations caritatives» -qui s'inquiètent d'une amputation de leurs budgets - insiste le syndicat.
Afin de mieux «participer au débat public, prendre de la hauteur et aussi être force de proposition au niveau européen, avec une voix la plus unanime possible», la Fnsea et La Coopération agricole lancent ainsi la constitution d'un collectif, ouvert à «tous les acteurs de la chaîne alimentaire et de la solidarité».
«Nous invitons aussi les distributeurs à nous rejoindre», a précisé Christiane Lambert.
Après deux ans de réflexions de la part du gouvernement, qui pour le moment n'ont accouché que d'une souris, l'objectif des syndicats est de retravailler «dès l'automne» avec l'ensemble des parties prenantes à la mise en place de ces chèques.
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