Avec Wastendsea, la famille Rodriguez réinvente la mode à partir de déchets plastiques marins

Comment concilier préservation des océans et mode ? La famille Rodriguez a trouvé un début de solution : fabriquer des vêtements à partir de déchets plastiques marins. Une idée née pendant le confinement et qui se décline désormais en une marque : Wastendsea. Une aventure innovante et familiale… (Cet article est issu de T La Revue n°10 - "Pourquoi faut-il sauver l'eau ?", actuellement en kiosque).
(Crédits : DR)

Dans la famille Rodriguez, il y a :

- le père, Daniel, 45 ans, styliste, consultant pour des marques, designer textile.

- la mère, Céline, 44 ans, consultante en finance auprès des collectivités territoriales.

- les filles, Maureen, 18 ans, et Manon, 15 ans, respectivement étudiante et lycéenne, expertes en réseaux sociaux.

À eux quatre, ils sont « Wastendsea », une marque de vêtements née pendant le confinement et qui a bouleversé la vie du clan Rodriguez.

Depuis un village près d'Albi, c'est Céline qui prend la parole pour évoquer cette aventure, avec des éclats de rire en guise de ponctuation et des fréquents « je vous avoue » qui prouvent l'humilité de la démarche entrepreneuriale.

L'océan a toujours fait partie du décor chez eux. Daniel a longtemps surfé avec son frère en France, en Espagne et en Californie, pendant que Céline et ses parents passaient des heures le long des côtes. Leur histoire d'amour a débuté sur les bancs du lycée. Ils ont chacun mené leur carrière. Daniel a quitté le système scolaire après le bac. Via des missions d'intérim, il découvre alors les chaînes de production dans l'univers du vêtement, les contrôles qualité... Et puis, « avec la crise de la quarantaine », dixit Céline, il a souhaité franchir le pas en créant sa propre société « m-newpage ». À lui la création de tissus et les conseils auprès de grandes marques !

En parallèle, Céline, fille d'un maire d'une petite commune, a quitté la fonction publique territoriale pour monter également son cabinet de consultant. Son credo ? Aider les élus des villages qui galèrent à tenir leur budget.

Une vie de famille tranquille donc, bousculée par une idée de Daniel qui vient de découvrir « Seaqual Initiative » en Espagne. L'organisation, en partenariat avec les pêcheurs, ramasse le plastique des océans, le trie, le recycle, le transforme en paillettes. Des granules associés à une fibre de coton qui donnent naissance à un fil. Une matière souple et résistante, idéale pour la création de vêtements !

LE DÉCLIC

Mars 2019, le confinement met un coup d'arrêt aux activités à l'international de Daniel. On l'imagine aisément en train de cogiter sur son canapé avec dans un coin de sa tête, la démarche écologique et réjouissante de Seaqual Initiative. Daniel décide alors d'allier sa volonté de participer à la préservation des océans et son expertise en matière de mode et de textile. Céline l'encourage, leurs filles s'enthousiasment pour le projet même si les premières réflexions ressemblent plutôt à « c'est moche la mode écoresponsable ! ». Rapidement le clan s'attelle au design de la première collection.

De la mode à partir des plastiques jonchant nos océans, il fallait oser ! Et ce n'est pas qu'un discours. Dans les faits, un sweat, c'est 1 kilo de déchets retirés des eaux. Un tee-shirt, 400 grammes...

La mise en route de la marque n'a pas été de tout repos. La fragilité du textile rend la tâche difficile. Il a fallu beaucoup de tests. Y'a eu de la casse. Et le coût de revient reste élevé. Par ailleurs, la chaîne de fabrication étant au Portugal, la famille Rodriguez ne bénéficie d'aucune aide financière. Mais pas question de baisser les bras, d'autant que les premiers retours clients sont très bons. Les ami(e)s de Maureen et Manon ont adhéré au projet. Ils portent les vêtements, jouent les modèles, sont convaincus du message environnemental qui a motivé Daniel et Céline à créer cette marque.

Wastendsea se développe via le e-shop. Mais les acheteurs émettent des doutes quant à la matière. Difficile en effet d'imaginer des vêtements souples, agréables alors que le mot plastique est l'argument de vente. Un espace aux Galeries Lafayette de Toulouse pendant quelques mois va chasser ces appréhensions. Les clients peuvent enfin toucher les vêtements ! La marque gagne en visibilité et en crédibilité.

« On visait les 17-25 ans. En fait, ils ont plutôt entre 18 et 45 ans ! Ils veulent faire jeunes ! Mais ils sont surtout exigeants à propos de la matière des vêtements », précise Céline.

Une boutique pop-up à l'aéroport de Blagnac leur a permis d'accroître leur visibilité à l'internationale. Et désormais, Wastendsea s'incruste aussi dans des boutiques écoresponsables à Biarritz ou Saint-Malo.

Céline reconnaît que cette aventure l'a bousculée : « Je me suis aperçue que j'étais une très grosse consommatrice de vêtements. Et que cela était inutile. Que je pouvais acheter moins et mieux, en faisant notamment attention à la qualité des vêtements. »

Elle ajoute : « J'ai ouvert les yeux sur la mode. J'ai compris qu'on aurait pu mener cette démarche depuis bien longtemps. Pourquoi on ne l'a pas fait ? »

La réponse, Céline l'a : c'est une question de rentabilité. « On a choisi de se lancer plus par passion que pour gagner de l'argent même si évidemment on essaye de ne pas en perdre... On l'a surtout fait pour nos filles, pour leur génération. On aurait pu investir notre argent dans l'immobilier ou je ne sais quoi d'autre, on s'est dit que c'était mieux de donner du sens à cette action. »

L'ENGAGEMENT

Céline le dit et le redit : « Nous ne sommes pas exemplaires. On veut simplement montrer qu'on peut être sensible et sensibilisé à une cause - la protection des océans en l'occurrence - et qu'il est possible de changer les choses. » Une démarche environnementale louable, et innovante. C'est en tout cas comme cela que la famille Rodriguez a pensé Wastendsea. Avec humilité, Céline affirme : « Nous sommes engagés aussi dans la préservation des océans. Mais je ne parviens pas à utiliser le mot "engagement" à propos de notre marque. Cela me semble trop prétentieux. »

Pourtant, le développement de l'entreprise tend à prouver que la notion d'engagement est une valeur commune et appréciée par d'autres structures. Comme l'association Bébé Warrior qui les a sollicités pour la création de sacs de maternité destinés à des mamans ayant donné naissance à des enfants prématurés. Le projet a réjoui la famille qui a trouvé un moyen de fabriquer ces accessoires dans le Tarn. Une raison de plus pour dire oui à la proposition. Tout est une question de sens. Encore. Au cours de la conversation, on apprend que 1 % du chiffre d'affaires est reversé à l'association Project Rescue Ocean. « Si on peut le faire, il faut le faire... Cela nous paraît logique », précise Céline. Oubliées ainsi les alléchantes propositions de rachat de la marque ! Daniel et Céline n'ont pas conçu Wastendsea pour cela. Ils préfèrent se projeter, espérant faire grandir un peu plus leur société.

EN 2050

À la question, « Comment imaginez-vous Wastendsea en 2050 ? », la réponse a fusé comme une évidence : « J'espère que la société sera entre les mains de mes filles avec plein de jeunes autour d'elles, que la marque se sera développée à l'internationale. » Maureen et Manon, de leur côté, parlent de l'entreprise familiale comme de leur bébé. Elles gèrent déjà les réseaux sociaux, participent au graphisme...

Résultat, « les repas ressemblent à des mini-comités de direction avec des discussions enflammées » affirme en riant la mère de famille.

En attendant d'acquérir une renommée internationale, un développement inattendu est apparu : celui des vêtements pour des professionnels. Schneider Electric ou encore EDF ont fait appel à la marque. « On n'avait pas pensé à ce marché en lançant Wastendsea, mais c'est une aubaine ! » confirme Céline qui ne manque pas de répéter : « Cette marque doit nous ressembler, être porteuse de valeurs simples et fortes. »

Et dans un dernier éclat de rire, Céline de nous alerter : « Surveillez notre compte Instagram. Les photos de la nouvelle collection, avec des messages sur la préservation des océans inscrits sur les vêtements, arrive ! »

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Article issu de T La Revue n°10 spécial "eau" actuellement en kiosque et disponible sur notre boutique en ligne

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