En plein essor, le business de la viande végétale menacé par l'inflation

La startup française Happyvore vient d'annoncer qu'elle mettra en production dès le début de 2023 "la plus grande" usine de production de viande végétale de France. Une annonce qui traduit l'essor de ce marché, confronté néanmoins à des défis d'envergure, notamment celui de l'inflation.
Giulietta Gamberini
Des nuggets aux chipolatas, en passant par les merguez et les boulettes, les startups présentes sur le marché français ne cessent de multiplier leurs propositions afin de séduire les consommateurs réfractaires.
Des nuggets aux chipolatas, en passant par les merguez et les boulettes, les startups présentes sur le marché français ne cessent de multiplier leurs propositions afin de séduire les consommateurs réfractaires. (Crédits : DR)

10.000 tonnes par an. Ce sont les quantités de viande végétale qui sortiront à partir de 2023 de la nouvelle usine de production d'Happyvore. Ce sera la plus grande de France, selon cette startup créée il y a à peine trois ans (initialement sous le nom « Les Nouveaux Fermiers ») par deux français, Guillaume Dubois et Cédric Meston. Située à Cevilly, dans Le Loiret, sur un site agroalimentaire en friche de 19.000 mètres carrés, elle doit permettre à l'entreprise « d'augmenter ses capacités de production, d'innover davantage et d'accroître la diffusion de ses produits en France ».

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Une annonce qui traduit l'essor du marché de la « simili-viande », non seulement en France mais aux quatre coins de la planète. A Paris, les publicités des nombreuses entreprises qui tentent de s'imposer sur le marché français fleurissent dans les couloirs du métro. De Leclerc à Metro, en passant par Carrefour et Casino, la plupart des grands distributeurs français signent des partenariats avec les producteurs de ces substituts d'origine végétale, de plus en plus semblables à la viande en goût et en texture, afin de pouvoir les proposer dans leurs rayons. La restauration suit, avec de plus en plus de chaînes affichant des « simili-viandes » dans leurs menus.

Des investisseurs attirés par un marché porteur

Cette effervescence est nourrie par des perspectives de consommation plus qu'alléchantes. En France, porté par les préoccupations sanitaires et environnementales des consommateurs, le marché des alternatives végétales aux produits animaux dans sa globalité (incluant boissons, desserts et traiteur) a progressé de 8,7% en grandes et moyennes surfaces en 2020, en atteignant 356 millions d'euros, calculent les experts de Xerfi Precepta, cités par LSA. Et le marché de la « simili-viande » qui représente la plus grosse catégorie du segment « traiteur », a enregistré 16% de hausse sur un an entre novembre 2020 et novembre 2021, selon l'AFP. Au niveau mondial, la banque Barclays estime que les substituts végétaux représenteront 10% du marché de la viande en 2030, contre 1% aujourd'hui, soit 140 milliards de dollars.

Ces perspectives attirent les investisseurs, qui se ruent sur les startups françaises et européennes. Ces dernières se posent en concurrentes du leader en France, Herta, qui détient 54% du marché « traiteur végétal ». Pour financer sa grande usine, Happyvore vient ainsi de lever 35 millions d'euros auprès de la société Artal, conseillée par le fonds d'investissement Invus, ainsi que de Bpifrance, du cofondateur de Sushi Shop, Adrien de Schompré, et de Philippe Canter, l'ancien directeur d'Innocent France.

En avril, la startup française Umiami a annoncé la clôture d'une levée de 26,6 millions d'euros, menée par Astanor Ventures. Elle doit notamment permettre l'ouverture d'une usine en France de 15.000 mètres carrés avant la fin de 2023. Le même mois, la barcelonaise Heura a récolté plus de 4 millions d'euros en 12 heures sur la plate-forme participative Crowdcube, afin de construire un nouveau laboratoire de recherche et développement. Et en janvier, La Vie, autre jeune pousse française, avait levé 25 millions d'euros pour élargir la commercialisation de ses lardons et de son bacon végétaux. Selon le cabinet PitchBook, au niveau mondial, 2,1 milliards de dollars ont été investis dans la viande végétale en 2020.

Les défis du goût et du prix

Depuis quelques temps, une multiplication de défis assombrit toutefois partiellement les projections, au point que selon Xerfi Precepta, en France, le marché, qui devrait atteindre un pic à 400 millions d'euros en 2022, pourrait ensuite baisser jusqu'à 394 millions d'euros en 2025. Le principal enjeu, pour ces industriels dont le premier concurrent reste la production de viande animale, est celui du goût, encore à améliorer. Le deuxième, est celui d'atteindre cet objectif tout en respectant les promesses de santé et écologie de ces produits: donc sans ajouter trop de sucre, sel, graisses animales, OGM, ingrédients ultra-transformés.

Un rapport publié en avril par le panel d'experts indépendants IPES-Food vient d'ailleurs de pointer du doigt le caractère industriel et ultra-transformé des simili-viandes, en plus de souligner le risque que les startups du secteur, souvent rachetées par des géants de la viande -tels Unilever, qui détient The Vegetarian Butcher-, renforcent leur « domination des systèmes alimentaires »Sans compter la dure opposition des producteurs de viande animale, qui multiplient les campagnes publicitaires ainsi que le lobbying contre la « viande végétale », dont ils contestent l'appellation et qu'ils essayent même d'interdire.

A cela s'ajoute depuis quelques mois le défi de l'inflation. En raison des coûts des matières premières et des processus industriels, les producteurs de substituts végétaux peinent en effet à réduire leurs prix, largement supérieurs à ceux de la viande de basse ou de moyenne gamme. D'autant plus que les prix orientent inévitablement de plus en plus la consommation. C'est d'ailleurs l'une des difficultés pointées par la société américaine Beyond Meat, qui, début mai, a chuté à Wall Street sous son prix d'introduction en Bourse atteint trois ans plus tôt après la publication de ventes trimestrielles décevantes. Comme sa concurrente Impossible Foods, elle a dû baisser certains de ses prix.

 Promesses nutritionnelles et environnementales

Les startups présentes sur le marché français misent donc sur les volumes pour baisser leurs prix et, des nuggets aux chipolatas en passant par les merguez et les boulettes, ne cessent ainsi de multiplier leurs propositions afin de séduire les consommateurs réfractaires. Un enjeu de recherche et développement que chacune aborde avec sa propre stratégie. Si Happyvore veut parvenir à l'élaboration d'une alternative végétale pour chaque type de viande de basse gamme ou de moyenne gamme, La Vie a choisi de sélectionner les nouveaux produits à développer en fonction de la recherche d'une excellence gustative. Et alors que Heura veut fabriquer en 2022 jusqu'à 10 nouveaux produits B2C, Umiami ne commercialise son filet de volaille végétale et ne compte élargir sa gamme que pour le compte de marques spécialisées, de marques de distributeurs ou d'acteurs de la restauration.

La simplification des ingrédients et leur origine locale sont aussi désormais des enjeux de concurrence majeurs. Toutes multiplient les promesses à ce propos. Happyvore, qui affirme utiliser déjà 40% de matières premières produites en France, travaille avec d'autres acteurs des protéines végétale afin de développer des filières françaises. La Vie espère, elle, tirer un avantage du caractère très transformé et mal noté d'un point de vue nutritionnel des charcuteries traditionnelles, qu'elle propose de remplacer. La startup suisse Planted « s'engage à n'utiliser que des ingrédients propres et naturels sans aucun additif dans tous ses produits »et Umiami vante « moins de 10 ingrédients dans sa composition (contre une trentaine en moyenne sur le marché des viandes végétales) ». 

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 17/06/2022 à 22:44
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La viande, c'est de la viande . Un végétal, c'est un végétal . La viande végétale, c'est..une couillonade de plus dans un univers alimentaire déboussolé. Et s'il n'y avait que l'alimentaire! Tout est vérolé.

à écrit le 17/06/2022 à 11:48
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"Viande végétale" : une aberration Nous mangeons de la viande ou (et) des végétaux. Commencez par respecter notre langue, notre histoire et notre dictionnaire. "startup", ne pas confondre innovations et tripatouillages. Comme indiqué ci-dessous, ...

à écrit le 17/06/2022 à 9:03
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Tout cela ressemble à du «  tricatel »  a des produits hyper transforme et néfaste à la santé … perso je préfère une bonne viande ou charcuterie type jambon bourguignon ou charolais de temps en temps( 3-4 fois/an) que cette bouffe encore industriell...

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