Alors que sécheresses, incendies et autres inondations ravagent des régions entières et font la une des journaux, les effets du réchauffement climatique sur la survenue de ces événements météorologiques extrêmes se précisent. Il y a deux semaines, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) alertait sur le lien entre les deux phénomènes, apportant des preuves sans équivoques de l'implication humaine. Aujourd'hui, ce sont 39 scientifiques internationaux réunis sous la bannière de la World Weather Attribution (WWA), une organisation dédiée à l'étude rapide des phénomènes liés au changement climatique, qui tirent la sonnette d'alarme. Ces experts avaient déjà calculé début juillet que le « dôme de chaleur » qui a suffoqué le Canada et l'Ouest américain en juin aurait été « presque impossible » sans les effets du changement climatique.
Les conclusions de leur nouvelle étude s'avèrent encore une fois préoccupantes : le réchauffement de la surface du globe (de 1,2°C depuis l'ère pré-industrielle) a rendu de 1,2 à 9 fois plus probables les précipitations extrêmes similaires à celles qui ont mené aux inondations désastreuses à la mi-juillet, et tué 220 personnes en Europe principalement en Allemagne et en Belgique. D'autant qu'à la fréquence s'ajoute l'intensité : le changement climatique a également « fait augmenter la quantité de pluie sur une journée entre 3% et 19% de plus », pointent les scientifiques. De quoi engendrer des catastrophes considérables - en témoignent les immenses dégâts dans des lieux laissés inaccessibles pendant plusieurs jours, coupant des villages des voies d'évacuation et des interventions d'urgence.
Comparaison avec le passé
Pour parvenir à ce résultat, les expert ont passé au crible des enregistrements météorologiques et des simulations informatiques, afin de se rendre compte de la différence entre les événements météorologiques d'aujourd'hui et ceux du 19ème siècle. « Nous avons analysé comment le changement climatique induit par l'homme a affecté les précipitations maximales d'un jour et de deux jours pendant la saison estivale (avril-septembre) dans deux petites régions où les récentes inondations ont été les plus graves, dans l'Ahr -Région d'Erft (Allemagne) et sur la Meuse (Belgique) », peut-on lire dans un compte-rendu.
Pour comprendre dans quelle mesure l'évolution du climat a joué, les scientifiques ont cependant dû retenir un spectre plus large, où la variabilité de précipitation est moins forte, « en Europe occidentale dans une grande région entre le nord des Alpes et les Pays-Bas ».
« Il est difficile d'analyser l'influence du changement climatique sur les fortes précipitations à des niveaux très locaux, mais nous avons pu montrer qu'en Europe occidentale, les émissions de gaz à effet de serre ont rendu de tels événements plus probables », explique le docteur Sjoukje Philip, chercheur en climatologie.
Appel à l'action
Et le tableau risque encore de s'assombrir : dans le climat actuel de hausse de la température de 1,2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, un tel événement ne devrait survenir en moyenne que tous les 400 ans en Europe occidentale. Or, « nous nous attendons à ce que de tels événements se produisent plus fréquemment », préviennent les auteurs de l'étude.
« C'est déjà devenu plus probable qu'avant, et cela le deviendra plus à l'avenir », s'inquiète Maarten Van Aalst, directeur du Centre Climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Ainsi, sur une planète plus chaude de 2°C qu'à l'époque pré-industrielle, les modèles du WWA suggèrent que l'intensité d'un tel événement augmenterait encore « de 0,8 à 6% », et la probabilité de se produire « d'un facteur de 1,2 à 1,4 ». Or, dans son rapport de début août, le GIEC pointe un réchauffement encore plus rapide et plus fort qu'on ne le craignait, menaçant l'humanité de désastres « sans précédent ». Le seuil de +1,5 °C - objectif idéal à ne pas dépasser selon l'accord de Paris - pourrait ainsi être atteint autour de 2030, soit dix ans plus tôt qu'estimé.
De quoi pousser les chercheurs du WWA à appeler à l'action. « Nous devons réduire les émissions de gaz à effet de serre le plus rapidement possible, ainsi qu'améliorer les systèmes d'alerte et de gestion des urgences, et rendre nos infrastructures résilientes au climat pour réduire les pertes et les coûts », précise Hayley Fowler, professeur à Newcastle sur les impacts du changement climatique. Car, aujourd'hui, « les gens sont souvent prêts... mais pour le précédent désastre », regrette Maarten van Aalst.
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