Miné par la crise sanitaire, le pétrolier Exxon esquisse un timide pas pour le climat

Le groupe américain a enregistré une perte annuelle de 22,4 milliards de dollars en 2020. C'est la première fois de son histoire récente que la major pétrolière a perdu de l'argent sur une année pleine. Sous pression des actionnaires, elle vient de créer une filiale dédiée aux solutions bas carbone.
Juliette Raynal
(Crédits : Jim Young)

Frappé de plein fouet par la crise sanitaire qui a fait dévisser le prix du pétrole et très en retard sur la transition énergétique, sur laquelle les actionnaires sont de plus en plus exigeants, ExxonMobil accuse le coup. Pour la première fois dans son histoire récente, symbolisée par sa fusion avec Mobil en 1999, la major américaine enregistre une perte annuelle.

Le géant pétrolier, qui fut il y a quelques années la société la plus chère du monde, a annoncé hier avoir subi une perte colossale de 22,4 milliards de dollars (environ 18,6 milliards d'euros) en 2020, contre 14,3 milliards de profits de 2019. Quelques heures plus tôt, l'entreprise britannique BP a, elle aussi, fait état d'une perte abyssale de plus de 20 milliards d'euros, contre un bénéfice net de 4 milliards de dollars en 2019. Vendredi dernier, l'américain Chevron avait, de son côté, indiqué avoir perdu 5,5 milliards de dollars en 2020.

La crise sanitaire a considérablement affaibli les majors du pétrole, confrontées à un effondrement des prix du baril provoqué par le net ralentissement des trafics aérien et automobile et par la demande en forte baisse des acteurs industriels.

Enormes dépréciations d'actifs

Selon les informations du Wall Street Journal, la situation était telle que Chevron et ExxonMobil auraient même évoqué la possibilité de fusionner l'an passé. Une information que le patron d'Exxon, Darren Woods, n'a pas souhaité commenter. Le PDG a en revanche confirmé que le groupe était toujours à la recherche "d'opportunités pour faire grimper sa valeur".

La valorisation d'Exxon a en effet dégringolé : moins de 200 milliards de dollars aujourd'hui, contre 415 milliards en 2013. Cela s'est traduit, en août dernier, par sa sortie du célèbre indice Dow Jones. Quelques mois plus tard, la valeur d'Exxon s'est même faite dépassée par celle de NextEra, une société américaine spécialisée dans le solaire et l'éolien. Tout un symbole.

Le groupe, qui a effectué une dépréciation de plus de 19 milliards de dollars sur le seul quatrième trimestre de l'année, a annoncé supprimer 11.000 salariés, dont 1.600 en Europe. Le nombre de ses employés dans le monde va donc reculer de 15% d'ici fin 2022 par rapport à la fin 2019.

Une nouvelle entité bas carbone

Outre les effets indéniables de la crise sanitaire, ces chiffres viennent sanctionner le retard d'Exxon en matière de transition énergétique. Alors que les grands groupes pétroliers européens ont amorcé un virage vert et accélèrent dans le solaire et l'éolien, Exxon reste en très fort retrait sur ces sujets et s'obstine à bouder les énergies renouvelables.

Il y a peu, la société considérait que des investissements massifs dans le pétrole et le gaz étaient nécessaires même dans les scénarios bas carbone les plus contraignants. Le dernier rapport annuel de l'association Climate Chance rappelle ainsi qu'Exxon "augmente régulièrement ses objectifs de production dans le bassin permien du Texas et du Nouveau-Mexique".

Mais face à la pression de ses actionnaires, de plus en plus exigeants sur la transition bas carbone et le risque climatique, Exxon vient d'annoncer la création d'une branche dédiée aux énergies moins polluantes baptisées ExxonMobil Low Carbon Solutions.

Cette nouvelle filiale se focalisera dans un premier temps sur les technologies de capture et de séquestration de CO2. "Plus de 20 nouvelles opportunités de captage et de stockage du carbone dans le monde ont déjà été identifiées", explique l'entreprise, qui prévoit aussi de se développer dans l'hydrogène. Au total, le groupe compte investir 3 milliards de dollars au cours des quatre prochaines années dans des solutions énergétiques moins émettrices de gaz à effet de serre.

Pression des actionnaires

Exxon est notamment la cible du fonds Engine No. 1, qui a lancé une campagne activiste à son encontre pour demander une transformation en profondeur du groupe, à commencer par la nomination de nouveaux membres au conseil d'administration. Sur ce point, le groupe a seulement annoncé l'arrivée de Tan Sri Wan Zulkiflee Wan Ariffin, ancien directeur général de la compagnie publique malaisienne d'hydrocarbures Petronas.

Si les majors européennes sont aujourd'hui plus en avance dans leur transition énergétique avec plusieurs milliards d'euros d'investissements par an dans les renouvelables, ces sommes restent encore minoritaires dans leurs dépenses totales, de l'ordre de 10%. Le développement de l'engagement actionnarial, la crise sanitaire et l'incertitude qui plane sur la demande et les prix de l'or noir devraient toutefois agir comme accélérateur.

(Avec AFP)

Juliette Raynal

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 03/02/2021 à 18:34
Signaler
Les 5 années de la politique de Trump, anti-COP21 et pro-pétroliers, n'est pas innocente dans cette gabegie. C'est la panique au sein des directions d'Exxon-Mobil, Chevron, mais aussi BP, les actionnaires sont montés sur ressorts : nouvelles tronche...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.