Vigilance climatique : 25 multinationales françaises rappelées à l'ordre

Ces sociétés ne respectent ni leurs obligations en matière de transparence, ni leur devoir de se conformer à l'Accord de Paris, dénonce une étude de l'ONG Notre affaire à tous.
Giulietta Gamberini
Des 25 multinationales, la moins conforme à ses devoirs de vigilance climatique est Air liquide, selon Notre affaire à tous.
Des 25 multinationales, la moins conforme à ses devoirs de vigilance climatique est Air liquide, selon Notre affaire à tous. (Crédits : © JP Moczulski / Reuters)

Aucune des multinationales françaises les plus émettrices de gaz à effet de serre (GES) ne se conforme au droit en matière de vigilance climatique. C'est la conclusion d'une étude publiée lundi 2 mars par l'association Notre affaire à tous (Naat), qui milite pour le recours au droit et à la justice contre le changement climatique.

Ces multinationales (Aéroports de Paris, Airbus, Air France, Air Liquide, Arcelormittal, Auchan, Axa, BNP, Bouygues, Carrefour, Crédit Agricole, Danone, EDF, Eiffage, Engie, Michelin, Natixis, PSA, Renault, Schneider Electric, Société Générale, Suez, Total, Veolia, Vinci) ne respectent notamment pas leur obligation de prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l'environnement issue de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, regrette l'ONG. Interprétée à l'aune des données de la science climatique, cette disposition implique le devoir de réduire son impact sur le climat. Mais selon l'étude, l'analyse de leurs documents réglementaires révèle de nombreuses défaillances sur ce point.

Des objectifs insuffisants

Premier manquement: un défaut de transparence. Ensemble, les multinationales sélectionnées par l'ONG affichent une empreinte carbone de 1.517 millions de tonnes de CO2 équivalent (Mt CO2e): trois fois plus que celle de la France entière. Mais ce calcul néglige les émissions liées aux conséquences de leurs activités, dites du "scope 3". En tenant compte, l'impact de ces 25 sociétés est bien supérieur: 3.549 Mt CO2e, huit fois les émissions territoriales françaises, note le rapport. Cela révèle leur incapacité à identifier le risque climatique et à reconnaître leur empreinte, pointe Naat. Dix d'entre elles n'intègrent d'ailleurs même pas le climat à leurs plans de vigilance.

Autre problème: les engagements qu'elles prennent restent encore trop souvent insuffisants par rapport aux objectifs fixés dans l'Accord de Paris - contenir le réchauffement dans la limite de 2°C ou même de 1,5°C avant la fin du siècle. Les mesures promises sont en outre souvent irréalistes par rapport à l'état de l'art scientifique et technologique, pointe l'ONG, qui n'a pourtant pas vérifié sur le terrain leur mise en oeuvre effective.

Schneider Electric le mieux noté

Globalement, l'ONG mesure ainsi la conformité de ces 25 sociétés à leur devoir de vigilance par une note moyenne de 39,5/100. Seules Schneider Electric, Michelin, PSA, Danone et Arcelor Mittal parviennent à obtenir une note supérieure à la moyenne. La moins bien notée est Air Liquide, suivie par Total, Natixis, Bouygues et Auchan.

Vigilance climat 25 multinationales

"Il est important de préciser que les critères de notation tels qu'établis ne visent pas à noter négativement une entreprise lorsque celle-ci émet une quantité élevée de GES. Au contraire, si une entreprise les retrace correctement, elle obtient la note maximale au sein du premier critère", insiste toutefois Naat.

En revanche, des objectifs ou des promesses d'actions trop flous font baisser la note, prévient-elle.

Des courriers aux 25 sociétés

"Cette étude fait suite à l'action en justice climatique intentée le 28 janvier 2020 contre Total par Notre affaire à tous avec quatre autres associations et 15 collectivités, basée sur la même loi et les mêmes obligations", met en garde l'ONG.

Dès le 2 mars, elle a envoyé des courriers d'interpellation aux 25 multinationales étudiées, les appelant à se conformer à leurs devoirs tout d'abord en intégrant le climat à leurs plans de vigilance - plus contraignant que les autres documents de référence -, mais aussi en reconnaissant leur responsabilité et leurs émissions, et en adoptant des stratégies et des mesures en ligne avec la trajectoire à 1,5°C.

"Si les entreprises ne parviennent pas à s'autoréguler, elles doivent appeler les pouvoirs publics à sécuriser la compétition en changeant les règles du jeu économique", ajoute la fondatrice de Naat, la députée européenne Marie Toussaint.

Un appel à agir "par voie extrajudiciaire ou judiciaire".

Si ces courriers, puis d'éventuelles mises en demeure formelles, ne devaient pas produire d'effets, l'ONG appelle toutes les parties prenantes à agir, "par voie extrajudiciaire ou judiciaire".

Il s'agirait notamment de "demander au juge d'émettre une injonction, le cas échéant sous astreinte, afin de forcer l'entreprise à mettre en œuvre les actions adaptées, à savoir celles visant la décarbonisation de leurs activités".

Toute information susceptible d'induire les investisseurs en erreur pourra également être dénoncée à l'Autorité des marchés financiers (AMF), ou faire l'objet d'une plainte pénale, rappelle Naat. Un deuxième rapport, rédigé avant la fin de l'année afin de faire le point, pourrait être le détonateur.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 7
à écrit le 04/03/2020 à 10:40
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Vidage de crâne : Pourquoi l'Homme n'influe pas sur le climat par le CO2 « Le résultat d’une substitution cohérente et totale du mensonge à la vérité factuelle n’est pas simplement que le mensonge soit maintenant accepté comme vérité et que la vér...

le 04/03/2020 à 17:31
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Pour le commentateur de base dt je fais partie, vos démonstrations à condition qu'elles soient appuyées par des études et recherches irréfutables, doivent plutôt être soumises au plus vite au groupe d'experts du GIEC, car le tps presse et la températ...

à écrit le 04/03/2020 à 8:58
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Le consommateur doit avoir conscience de sa puissance, et doit en user, par ses choix, pour faire rentrer dans le rang ces multinationales qui ne jurent que par le profit. Cependant, la responsabilité du gvt est plus grande encore, en obligeant ces ...

à écrit le 04/03/2020 à 1:01
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De tte évidence, Naat n'a pas compris que ttes les entreprises françaises citées ( dt de nbreuses multinationales ) évoluent ds un environnement international contraint par une concurrence ss pitié et dépourvu à ce jour, d'une législation commune, re...

à écrit le 03/03/2020 à 20:06
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ca commence a suffir ces discours a la con les gens commencent vraiment a en avoir marre qu'on leur rabache des pbs qui ne les interessent pas a longueur d'annee les boites doivent respecter le droit local, le reste n'a aucune valeur juridique; seu...

à écrit le 03/03/2020 à 18:46
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Le qualificatif "multinationale" et "française" ne vont vraiment pas ensemble et la fibre patriotique ne vibre plus!

à écrit le 03/03/2020 à 17:41
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Je ne pensais même pas qu'on en avait autant ! ^^

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